Les circuits mythiques : Buenos Aires (2/2)

Scheckter argentine 1977
Jody Scheckter réussit l'exploit de triompher dès sa première course chez Wolf en 1977.
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Ardemment soutenu par le président de l’époque, Juan Peron, le projet de construction de l’autodrome Juan y Oscar Galvez prend corps au début des années 50. Dessiné dans l’immense parc d’Almirante-Brown, au nord-ouest de Buenos Aires, le circuit argentin devient le premier tracé à recevoir la Formule 1 en Amérique du Sud, le 18 janvier 1953. Mais après deux coupures de 12 et 14 ans, pour autant de modifications de la piste, la patrie du grand Juan-Manuel Fangio est délaissée par la catégorie reine en 1998 faute de pouvoir assumer les importants travaux de réhabilitation d’un circuit à la sécurité devenue obsolète.

Organisés deux semaines avant le retour de la Formule 1 en 1971, les 1000 km de Buenos Aires, épreuve de sport prototype, vont être le théâtre d’un nouveau drame 18 ans après l’embardée mortelle de Farina. Victime d’une panne d’essence sur sa Matra juste avant la voie des stands, Jean-Pierre Beltoise décide de pousser la 660 jusqu’à son box. Gêné par la Ferrari de Mike Parkes devant lui, l’espoir italien Ignazio Giunti ne peut réagir à temps et percute de plein fouet la voiture du Français. D’une violence extrême, le choc provoque l’embrasement instantané de la 312 PB du malheureux Giunti qui périrera prisonnier des flammes. Jugé responsable de l’accident, Beltoise est placé en prison par la police argentine et ne doit sa liberté qu’à l’intervention du grand Juan-Manuel Fangio. Touché, le pays du général Roberto Levingston accueille malgré tout une course de F1 hors-championnat quinze jours plus tard remportée par Chris Amon devant Henri Pescarolo et l’étoile montante du sport automobile argentin Carlos Reutemann.

Sevré d’un digne représentant depuis le départ à la retraite d’ « El Maestro »,  le pays retrouve une icône avec l’émergence d’« El Lole » pour le retour officiel de l’Argentine au calendrier en 1972. Auteur de la pole position dès son premier week-end de Grand Prix, le pilote Brabham ne pourra, en revanche, rien contre le double champion du monde Jackie Stewart vainqueur de la 8ème course de l’histoire sur le sol argentin. L’année suivante, Emmerson Fittipaldi triomphe à son tour à Buenos Aires pour ce qui sera la deuxième et dernière utilisation de la version la plus courte du tracé. Face aux progrès incessants des monoplaces, le circuit est de nouveau modifié en 1974 afin d’offrir un terrain de jeu plus propice aux performances croissantes des F1. Étendue à 5,968 km/h, la piste reçoit le somptueux « Esse del Ciervo » ainsi que la magnifique parabolique « Salotto », entrecoupée de deux lignes droites interminables.

Une fin amère

Si jamais le bouillant public argentin ne pourra s’extasier devant un succès du natif de Santa Fe, l’inespéré succès de Denny Hulme en 1974, Reutemann ayant dominé tout le Grand Prix jusqu’à qu’une panne d’essence le contraigne à l’abandon dans le dernier tour, les débuts tonitruants de la nouvelle Wolf aux mains de Jody Schecter en 1977 ou la victoire surprise de Jacques Laffite lors de la manche inaugurale de la saison 1979 enchanteront les amoureux de sport automobile. Remportée d’une main de maître par Alan Jones, la 15ème édition voit le jeune Alain Prost coiffer son tout premier point en F1 pour ses débuts dans la catégorie reine en 1980. Battu par Nelson Piquet lors de son Grand Prix national et dans la course au titre du championnat 1981, Carlos Reutemann quitte la catégorie reine l’année suivante, laissant tout un peuple orphelin de son héros. Dans le même temps, l’Argentine entre en guerre contre le Royaume-Uni dans les îles Malouines et scelle le sort de l’un des événements sportifs majeurs du pays.

Après 14 nouvelles années de purgatoire, le circuit de Buenos Aires effectue son retour dans le calendrier du championnat du monde en 1995 sous l’impulsion, encore une fois, de son chef d’État Carlos Menem. Grand passionné d’automobile, le président argentin use de tout son pouvoir afin de ramener la catégorie reine au pays du roi Fangio. Rebaptisé autodrome « Juan y Oscar Alfredo Galvez » en hommage au grand et méconnu pilote argentin des années 50 hélas éclipsé par son illustre compatriote, le tracé est une énième fois totalement remodelé. Initialement programmé en ouverture du championnat, l’épreuve est finalement déplacée après le Grand Prix du Brésil en raison d’importants retards sur les travaux. Amputés de ses portions les plus rapides (Esse del Ciervo, Salotto …) au terme d’une cure de jouvence ayant coûté plus de 12 millions de dollars, le circuit, désormais long de 4,259 km, séduit les pilotes même si beaucoup le juge trop étroit, bosselé et peu propice aux dépassements.

Chasse gardée des Williams entre 1995 et 1997, Damon Hill s’adjugeant deux victoires consécutives avant que Jacques Villeneuve ne lui succède au palmarès, le tracé niché dans le parc d’Almirante-Brown achève sa tortueuse histoire d’amour avec la F1 sur la somptueuse victoire de Michael Schumacher lors de l’édition 1998. Les finances fragiles du pays ne permettant pas à l’Argentine d’assumer les imposants travaux de rénovation imposés par la FIA, la piste, devenue obsolète sur le plan de la sécurité, est définitivement abandonnée par la catégorie reine du sport automobile. Précurseur de l’arrivée de la F1 en Amérique du Sud, l’Argentine est délaissée par le paddock au profit du continent asiatique nouvelle force émergente de la Formule 1 moderne.

Andrea Noviello

L'impressionnant incendie de la Ligier de Pedro Diniz en 1996 demeure l'une des images fortes du Grand Prix d'Argentine.
L’impressionnant embrasement de la Ligier de Pedro Diniz lors l’édition 1996.
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