
Seulement cinquième du championnat pilotes à l’heure d’aborder sa course à domicile, Charles Leclerc veut profiter de l’incertitude offerte par le Grand Prix de Monaco pour déjouer les pronostics et créer la surprise dans son jardin princier.
Jusqu’ici, il a dû se contenter de miettes. De vulgaires accessits. De banales places d’honneur, loin très loin des sommets qu’il vise et chérie tant. Ambitieux au moment d’aborder sa septième saison en rouge, Charles Leclerc a vite déchanté en ce début de campagne 2025, la faute principalement à une SF-25 nettement distancée en performance pure par les McLaren, Red Bull et autres Mercedes. Auteur d’un seul podium en sept Grand Prix (à Djeddah lors de la cinquième manche de l’année. Ndlr), le Monégasque débarque en Principauté avec un retard, déjà conséquent, de 85 points de retard sur le solide leader du championnat Oscar Piastri (146 unités. Ndlr) et des questions plein la tête lui qui n’a plus remporté la moindre victoire en Formule 1 depuis le Grand Prix des États-Unis en octobre dernier. Impatient de retrouver son terrain de jeu favori, le pilote Ferrari compte sur l’incertitude d’une course à nul autre pareil pour rabattre les cartes ce week-end et s’offrir enfin une première performance de choix en 2025.
Vous débarquez à Monaco fort d’un total de 61 points récoltés en sept Grand Prix. Quel bilan dressez-vous de ce début de saison ?
Il est clairement mauvais. On ne va pas se voiler la face, on n’est pas du tout satisfait du niveau de performance de la voiture. On a achevé la précédente saison en se battant pour le champion du monde des constructeurs. Cette année, on avait envie d’aller décrocher le titre. Quand on a disputé les premières courses, on a malheureusement compris assez rapidement que la voiture n’était pas au niveau espéré. Maintenant, cela ne nous a pas démotivé, car ce n’est qu’un point de départ. On se donne à fond pour essayer de récupérer le retard que l’on a pu accumuler sur McLaren et Red Bull. Mercedes, aussi, est un peu revenu dans le jeu, même s’ils se montrent plus inconstants. Notre devoir désormais, c’est de tenter d’améliorer cette voiture et de revenir au top. Ou tout du moins de nous donner la possibilité de nous battre de nouveau pour des victoires. Pour en revenir à votre question, non je ne suis pas satisfait de cette première partie de saison. Mais on sait où l’on doit s’améliorer. Ce n’est qu’une question de temps pour que l’on bénéficie de ces améliorations et que l’on puisse faire un pas en avant.
Le Grand Prix d’Émilie-Romagne a, une nouvelle fois, mis en exergue les difficultés de la SF-25 dans l’exercice des qualifications. Pour espérer redresser la tête au championnat et revenir au contact des équipes de pointe, Ferrari va-t-elle devoir concentrer tous ses efforts sur cette faiblesse en particulier ?
Complètement. Ce sera la clé de la réussite cette année. Si on n’améliore pas notre performance en qualification, on risque d’avoir du mal. En course, on est toujours plutôt bien, même si on n’est pas aussi bon que peuvent l’être McLaren ou Red Bull. On est très proche, mais si on ne parvient pas à se qualifier devant eux alors cela devient très compliqué ensuite d’aller les doubler en piste. Les performances sont trop similaires le dimanche pour pouvoir les dépasser. En plus de ça, on part de bien trop loin sur la grille donc on perd toujours beaucoup de temps en première partie de course. La solution, je ne l’ai pas malheureusement parce que si je l’avais, on l’aurait appliqué depuis longtemps en qualification (sourire. Ndlr). Pour l’instant, on ne l’a pas, mais on a bien évidemment des pistes. On cherche pas mal de choses sur le simulateur notamment. Certaines pistes sont intéressantes, mais vous savez cela prend du temps en Formule 1 de fabriquer des pièces, de les tester en soufflerie pour ensuite les emmener en piste. On ne redeviendra pas compétitif en qualification du jour au lendemain. J’espère, simplement, que l’on trouvera la solution rapidement.
Vous vous apprêtez à disputer votre septième Grand Prix de Monaco, le premier dans la peau du vainqueur en titre. Qu’est-ce que cela change dans votre approche du week-end ?
Rien dans le sens où il n’y a aucune pression particulière ou forme de soulagement. Le point positif, c’est surtout le Media Day de demain (comprendre aujourd’hui. Ndlr). Sans doute sera-t-il plus positif que les années précédentes, car à chaque fois que je revenais ici, on me parlait des précédentes éditions où tout était un peu contre nous quand on arrivait le jour de la course. Pas mal de fois on avait été si proche du but, mais jusqu’à l’an dernier on n’avait encore jamais réussi à concrétiser. Je m’attends donc à un jeudi plus positif. De mon côté, je me concentre toujours sur les mêmes choses. Monaco, c’est un week-end très spécial, car il y a beaucoup de sollicitation tout au long de la semaine. Mais j’ai l’habitude maintenant, cela fait quelques années que je viens ici. J’ai juste hâte d’être en piste. Sur le papier, ce circuit met en avant les défauts de la voiture. Cela devrait donc être un tracé compliqué pour nous. Maintenant, on ne sait jamais par avance ce qu’il peut se passer à Monaco. J’espère reproduire le même résultat que l’an dernier.
« Cela va rajouter un moment clé à cette course. On risque d’assister à des stratégies assez uniques ici, des stratégies que l’on ne voit nulle part ailleurs. Cela va, clairement, apporter quelque chose car c’est vrai que jusqu’à maintenant il était plus difficile d’avoir de l’action en piste le dimanche »
Compte-tenu de vos carences actuelles et notamment des difficultés de la SF-25 dans les virages lents, un podium est-il envisageable cette année ?
Si je dois visualiser un potentiel résultat, je ne visualise que la victoire car encore une fois le podium n’est pas quelque chose qui me fait particulièrement rêver (sourire. Ndlr). Maintenant, il faut aussi savoir se montrer réaliste. À l’heure actuelle, on n’a pas forcément la voiture pour jouer la gagne. On sait depuis pas mal de Grand Prix désormais que notre principale faiblesse ce sont vraiment les virages lents. Et malheureusement, il n’y a que ça à Monaco. Je m’attends donc à un week-end compliqué. Mais dans le même temps Monaco est tellement particulier, tellement unique, que l’on peut espérer qu’il existe un petit quelque chose dans la voiture que l’on n’a pas encore découvert et qui se montrera positif ici. Je l’espère vraiment parce que bien que les points marqués le dimanche soient les mêmes que sur les autres courses du calendrier, Monaco c’est spécial émotivement parlant. J’espère donc que l’on aura un bon résultat dimanche.
La Fédération Internationale de l’Automobile a instauré une nouvelle règle pour ce Grand Prix de Monaco avec l’obligation désormais d’effectuer deux changements de pneus obligatoires en course. En quoi cette nouvelle donne réglementaire risque-t-elle d’affecter votre stratégie ce dimanche ?
Ce sera assez intéressant à mon avis. C’est la première année où l’on aura deux pit-stops à Monaco. Cela va rajouter un moment clé à cette course. On risque d’assister à des stratégies assez uniques ici, des stratégies que l’on ne voit nulle part ailleurs. Cela va, clairement, apporter quelque chose car c’est vrai que jusqu’à maintenant il était plus difficile d’avoir de l’action en piste le dimanche. Le samedi est extrêmement important ici. C’est pour moi la meilleure qualification de l’année et de loin. L’adrénaline que cette séance procure, la précision que vous devez avoir dans les rues de Monaco, c’est vraiment propre à ce circuit. Mais le dimanche c’était plus compliqué. J’espère donc que le fait d’avoir deux arrêts au stand aidera à produire une meilleure course.
Obliger les pilotes à s’arrêter deux fois, est-ce vraiment la bonne solution pour redynamiser le spectacle à Monaco ? La FIA ne devrait-elle pas davantage se focaliser sur les mensurations et le poids des monoplaces ?
Je crois que la vérité se situe un peu entre les deux. Maintenant, est-ce que l’on peut le faire ? Je n’en suis pas certain. Je ne pense pas que la FIA puisse construire des voitures spécifiques pour Monaco. On a plein d’autres circuits dans la saison. Cela reste, de surcroît, des voitures exceptionnelles à piloter. Alors oui le dimanche il est un peu plus difficile de doubler avec ces autos, mais d’un autre côté cela a toujours fait partie de Monaco. Même avant quand les voitures étaient plus légères, les dépassements étaient compliqués ici. Certes, il y avait peut-être un peu plus d’action le dimanche, mais encore une fois Monaco a toujours été spécial en raison de l’importance de ses qualifications. Si Monaco est un Grand Prix mythique, c’est aussi pour cette raison-là. Et pour rien au monde je ne voudrais que cela change. Alors maintenant, peut-on effectuer des améliorations pour favoriser un meilleur spectacle le dimanche ? Oui, sans aucun doute. Faut-il pour autant révolutionner la partie technique des voitures spécifiquement pour Monaco ? Je ne le pense pas. Il y a simplement un compromis à trouver. Et je suis certain que la FIA fera du bon travail à ce sujet.
« Finalement, on conduit d’une manière assez similaire avec Lewis (Hamilton). On pousse tous les deux les entrées. C’est quelque chose que je n’avais pas forcément vu dans ma carrière avant lui. J’ai toujours été extrêmement agressif en entrée de virage et il se trouve que Lewis l’est aussi »
David Sanchez a déclaré en début de saison que la SF-25 était à 99% différente de sa devancière la SF-24. Le manque de performance de la dernière-née des ateliers de Maranello s’explique-t-il justement par un trop important nombre de changements sur cette monoplace ?
Toutes les voitures de la grille sont modifiées à 99%. Maintenant, les changements effectués ne sont pas forcément radicaux. Quelquefois, ce ne sont que de petites modifications. Il s’agit surtout d’alléger les pièces. C’est pour cette raison que l’on dit toujours qu’il n’y a pas grand-chose de semblable entre une monoplace et une autre. Comparé à la voiture de l’année dernière, la SF-25 est clairement une évolution. Mais la F1 reste un sport relatif. McLaren, Mercedes et Red Bull ont d’avantage fait progresser leurs voitures que nous ce qui explique que nous soyons en difficulté. Cela n’est pas forcément dû à un changement philosophique de la voiture sur le plan technique. Ça, je n’y crois pas trop pour la simple et bonne raison qu’il s’agit simplement d’une évolution dans chaque domaine. Malheureusement, cela n’a pas été suffisant comme on a pu s’en rendre compte depuis le début de la saison.
Après quatre années de collaboration avec Carlos Sainz, vous faites désormais équipe avec un septuple champion du monde chez Ferrari. Quel genre d’équipier Lewis Hamilton est-il et qu’avez-vous déjà pu apprendre de lui ?
La discipline et la façon de travailler sont différentes pour chacun. Carlos, aussi, était un gros bosseur. Mais Lewis l’est d’une manière différente. Observer les dynamiques au sein du team est super intéressant. De quelle façon gère-t-il les problèmes ? Comment commande-t-il la voiture pour le développement ? Pour un pilote, c’est toujours intéressant de pouvoir analyser la manière dont un coéquipier travaille avec ses ingénieurs. Sur ce point précis, j’ai déjà beaucoup appris. Après, il est bien évidemment très talentueux. Il fait des choses au niveau conduite très intéressantes et que je peux ensuite utiliser à certains moments de la course. Finalement, on conduit d’une manière assez similaire avec Lewis. On pousse tous les deux les entrées. C’est quelque chose que je n’avais pas forcément vu dans ma carrière avant lui. J’ai toujours été extrêmement agressif en entrée de virage et il se trouve que Lewis l’est aussi. Voir ça, c’était donc assez intéressant. C’est aussi quelque chose de positif pour le team parce que du coup il y a une vraie direction claire dans laquelle on pousse tous les deux.
L’an dernier, votre patron Frédéric Vasseur avait déclaré à l’issue de votre victoire en Principauté : « on aura un Charles avant et après Monaco ». En quoi ce succès tant désiré depuis des années a-t-il changé le pilote que vous êtes ?
Je ne suis pas complètement d’accord avec Fred (sourire. Ndlr). Maintenant, gagner à Monaco donne évidemment une certaine confiance. On ne parle pas de n’importe quel Grand Prix. Gagner une course quelle qu’elle soit donne toujours de la confiance en soi. Mais c’est vrai que réussir enfin à concrétiser à Monaco après tant d’opportunités manquées faisait vraiment plaisir. J’étais réellement heureux d’autant qu’ici le pilote peut davantage faire la différence qu’ailleurs. Cela permet, aussi, de tourner la page parce que comme je l’évoquais précédemment, les commentaires étaient toujours assez négatifs en arrivant ici. On me parlait constamment des précédentes courses où l’on n’avait pas su convertir nos bons résultats des essais. De ce point de vue-là, cela va certainement aider car il y aura un petit peu plus de positivité demain (comprendre aujourd’hui. Ndlr). Mais sinon, je crois que le vrai déclic s’est produit lors de ma première victoire en F1. Pour chaque pilote, il s’agit d’une grosse étape parce que l’on se dit : « enfin, la voilà ». Si on l’a fait une fois, on sait que l’on a désormais la possibilité de le refaire. Alors qu’avant cette première victoire, on doute de soi et on se demande si on est réellement capable de remporter un Grand Prix. Avoir pu le faire ici, ce n’est que du bonheur.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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