
Dix-septième du dernier Grand Prix d’Espagne, le pilote Haas dresse un premier bilan satisfaisant de son début de saison avec l’écurie américaine.
L’an dernier, il avait époustouflé tout le paddock de Djeddah (Arabie Saoudite. Ndlr) en réussissant une première sortie en Formule 1 de très haute volée. Épatant septième d’une course qu’il s’apprêtait pourtant à disputer au volant d’une F2, Oliver Bearman avait d’entrée de jeu frappé les esprits et laissé entrevoir un potentiel que ses modestes résultats dans l’antichambre de la F1 peinaient à réellement mettre en lumière. Bombardé dans le baquet de la Haas pendant l’hiver, le pilote de 20 ans a vite confirmé tout le bien que son nouveau patron Ayao Komatsu pensait de lui en réalisant quelques jolies performances pour sa première saison complète en catégorie reine. Auteur de trois entrées consécutives (Chine, Japon et Bahreïn. Ndlr) dans les points après le fiasco de Melbourne (il a connu un week-end cauchemardesque en Australie avec deux sorties de piste en essais libres, un ennui technique avant les qualifications et une course conclue en dernière position. Ndlr), le Britannique a rapidement effacé la mauvaise copie rendue du côté de l’Albert Park, contribuant tout comme son coéquipier Esteban Ocon (20 points. Ndlr) à la bonne mise en route de l’écurie américaine dans cet exercice 2025. Moins en réussite depuis Djeddah et son retour sur les terres de ses tonitruants débuts au plus haut niveau, le natif de Chelmsford jette toutefois un regard satisfait sur un premier tiers de saison en Formule 1 qu’il estime plutôt conforme à ses attentes.
Avant la prochaine échéance programmée ce week-end à Montréal, vous totalisez six points en l’espace de neuf courses. Quel regard portez-vous sur ce premier tiers de saison avec Haas ?
Je suis plutôt satisfait de mes performances globales. Alors bien sûr, il y a certaines choses, certains domaines dans lesquels je dois m’améliorer. C’est vraiment mon principal objectif à l’heure actuelle. Le but est de parvenir à trouver un peu plus de régularité lors des prochaines courses. En débutant la saison, je m’attendais d’ailleurs à ce que ce soit le principal écueil auquel je sois confronté. Dans l’ensemble, je suis assez content de mes débuts avec le team. Je veux, désormais, continuer à construire cette relation avec l’équipe et travailler dur avec elle.
L’an dernier, vous aviez totalement estomaqué le paddock à Djeddah (Arabie Saoudite. Ndlr) pour vos grands débuts en Formule 1. Le pilote de F2 que vous étiez alors s’attendait-il à être aussi performant d’entrée de jeu ?
C’est une très bonne question. Non, je ne m’y attendais pas. Mais la Ferrari me procurait beaucoup de confiance. J’ai, de surcroît, toujours aimé piloter à Djeddah. Ces deux facteurs m’ont aidé à bien performer. La pression que j’avais sur les épaules en Arabie Saoudite m’a permis de performer à un très haut niveau. Je suis assez fier de ce week-end-là et je le serai toujours.
Au moment d’apprendre la nouvelle de votre titularisation par téléphone, vous paraissiez logiquement assez nerveux à l’idée d’effectuer vos premiers pas au plus haut niveau. Comment êtes-vous parvenus, ce week-end-là, à faire redescendre la pression pour ensuite réussir des débuts aussi convaincants en catégorie reine ?
Bien sûr, la pression était incroyablement forte. La dernière chose que m’a dite mon manager avant la course c’était : « cela va être les deux heures les plus importantes de ta vie ». Je n’avais pas vraiment besoin qu’on me le rappelle ! Mais quelquefois dans ces moments clés de la vie, vous réalisez simplement que c’est votre moment de briller et de prouver ce dont vous êtes capables. Pour moi, c’était l’un de ces moments. Je suis très heureux qu’il se soit aussi bien passé. Il a, très certainement, beaucoup compté dans l’optique de décrocher un volant en Formule 1 cette année.
« Cela n’est jamais très bon de se retrouver dans la peau de l’unique débutant. Au moins maintenant les gens comprennent à quel point c’est difficile d’être un novice en Formule 1. Si j’étais le seul, ils ne pourraient pas me jauger par rapport aux autres »
Cette pige de Djeddah a, très probablement, tout changé pour vous puisqu’elle vous a non seulement permis d’éclore aux yeux de la F1, mais aussi d’obtenir quelques mois plus tard un baquet chez Haas. Avez-vous tout de suite compris l’importance que ce remplacement réussi au volant de la Ferrari aurait pour la suite de votre carrière ?
Évidemment, je le savais avant la course. Si je faisais du bon travail à Djeddah, j’avais de bonnes chances d’obtenir un volant en Formule 1. C’était une bonne chose quelque part. Après la course, je savais que j’avais réalisé du bon boulot. Donc, effectivement, assez vite après la course, j’avais le sentiment que j’étais en bonne position pour obtenir un baquet en F1.
Votre coup d’éclat de Djeddah ainsi que les débuts remarqués de Franco Colapinto chez Williams ont eu le mérite de redonner du crédit à des rookies longtemps snobés par les équipes de Formule 1. Êtes-vous fiers d’avoir, en quelque sorte, changé l’image que les écuries se faisaient des jeunes pilotes ?
Je suis heureux d’avoir réalisé de bonnes performances et d’avoir montré une bonne image des rookies. Nous sommes plus fort que ce que les gens peuvent penser. Cette année, nous réalisons également du bon travail en tant que débutants dans la discipline.
Pendant l’intersaison, vous déclariez : « savoir qu’il y a d’autres rookies est bien sûr un peu rassurant ». En quoi la présence des Antonelli, Hadjar et autres Bortoleto vous a-t-elle aidé à aborder plus sereinement votre première campagne dans la peau d’un titulaire en F1 ?
J’étais simplement heureux de ne pas être le seul rookie sur la grille, car cela n’est jamais très bon de se retrouver dans la peau de l’unique débutant. Au moins maintenant les gens comprennent à quel point c’est difficile d’être un novice en Formule 1. Si j’étais le seul, ils ne pourraient pas me jauger par rapport aux autres. Le fait d’avoir d’autres rookies contre lesquels je peux me battre est une bonne chose. J’en suis heureux.
Ayao Komatsu a très vite été élogieux à votre égard, soulignant notamment la précision et la pertinence de vos retours techniques. D’où vous vient cette capacité à bien comprendre et à analyser votre voiture ? Est-ce un talent inné ou une qualité que vous avez développé avec les années ?
C’est assurément quelque chose sur lequel j’ai travaillé. J’ai passé beaucoup de temps chez Ferrari et j’ai pu comprendre à quel point un bon retour technique était important pour permettre à une écurie de Formule 1 d’aller de l’avant. Pour revenir à votre question, je dirais que c’est un peu un mélange des deux. J’ai, peut-être, cette qualité naturelle en moi, mais c’est aussi un domaine que j’ai beaucoup bossé ces dernières années.
« Je n’essayais pas d’être irrespectueux. Je voulais simplement partager ma joie avec l’équipe après avoir réalisé quelques jolis dépassements en piste. C’était un sentiment spécial. J’ai beaucoup apprécié le moment et j’ai juste voulu en faire profiter l’écurie avec ces commentaires radio »
Revenons à l’Australie et à vos débuts officiels chez Haas. Vous avez connu un premier Grand Prix particulièrement difficile cette saison avec deux sorties de piste en FP1 et en FP3 ainsi qu’un problème technique avant les qualifications. Le manque de roulage en essais libres a-t-il conditionné le reste de votre week-end australien ou le manque de performance de l’auto vous aurait-il, dans tous les cas, empêché de viser un bon résultat en course ?
Le week-end a, clairement, été difficile. Et je n’ai pas arrangé la situation. Je ne suis pas certain que la voiture était à ce point mauvaise là-bas. On a simplement effectué un gros changement de réglages afin de solutionner des problèmes que l’on pensait avoir. Mais en fin de compte, je n’ai pas aidé l’équipe en couvrant si peu de tours. J’étais vraiment navré pour eux. Heureusement, on a bien su rebondir lors des courses suivantes. Melbourne a été une surprise pour l’ensemble d’entre nous.
Ce premier Grand Prix de l’année aura été aux antipodes de vos étourdissants débuts avec Ferrari à Djeddah. Avez-vous eu du mal à digérer cette difficile entrée en matière avec Haas ou êtes-vous, au contraire, rapidement parvenus à basculer sur autre chose ?
Ce fut, bien évidemment, une expérience difficile à vivre, mais j’ai réussi à revenir tout de suite dans le coup en Chine après avoir opéré un reset complet. Réaliser une bonne course dans la droite lignée d’une mauvaise est très important à mes yeux. Je suis plutôt satisfait de la manière dont le team et moi avons su rebondir après l’Australie. Il n’y a pas que moi, mais aussi toute l’équipe qui m’entoure. On a fourni un très bon travail à Shanghai. La Chine a marqué le vrai début de notre saison.
Vous vous êtes rachetés de la plus belles des manières à Shanghai en décrochant au terme d’une bien jolie course vos premiers points de la saison. Cette huitième place a forcément dû résonner en vous comme un énorme ouf de soulagement …
Complètement. Il était primordial de réussir une bonne course en Chine. Voir ce dont la voiture est capable était aussi important pour l’équipe. Je suis fier de la réaction qu’ils ont eu après la première course et du superbe week-end réalisé à Shanghai. Avoir deux voitures dans les points en Chine était la meilleure manière de lancer notre championnat.
Les « ciao » lancés à la radio lors des dépassements de Liam Lawson et de Jack Doohan ont fait pas mal parler après la Chine. Ne trouvez-vous pas regrettable, toutefois, d’avoir dû vous excuser pour des propos somme toute rafraîchissants ?
Je n’essayais pas d’être irrespectueux. Je voulais simplement partager ma joie avec l’équipe après avoir réalisé quelques jolis dépassements en piste. C’était un sentiment spécial. J’ai beaucoup apprécié le moment et j’ai juste voulu en faire profiter l’écurie avec ces commentaires radio.
« Les commissaires auraient pu reporter le drapeau rouge et sortir simplement un double drapeau jaune à l’endroit où la voiture de Colapinto était immobilisée. Toutes les autres autos auraient, de toute façon, été contraintes de ralentir leur cadence »
Vous allez confirmer votre bonne forme du moment à Suzuka en signant non seulement votre premier passage de l’année en Q3, mais en décrochant également un nouveau point en course. Ce Grand Prix du Japon reste-t-il à ce jour votre week-end le plus abouti de la saison ?
C’était un bon week-end. Mais c’est drôle, car selon moi Imola aussi était un bon week-end. J’ai le sentiment d’avoir très bien performé en Émilie-Romagne. Quelquefois, ce n’est pas juste une question de marquer des points ou de se qualifier en Q3. Cela n’a, tout simplement, pas fonctionné pour moi à Imola. Mais je suis convaincu d’y avoir produit ma meilleure performance de la saison. Pour une raison ou une autre, il arrive des fois que même en réussissant la meilleure prestation possible, tout ne se goupille pas bien pour vous. Il faut juste l’accepter et savoir s’en accommoder. Alors bien entendu, je suis très heureux de la performance que j’ai accompli à Suzuka. Mais je pense vraiment qu’Imola a été mon meilleur week-end jusque-là. J’espère, simplement, continuer dans cette lignée-là.
Imola, parlons-en justement. Vous avez vécu un Grand Prix d’Émilie-Romagne particulièrement frustrant avec l’histoire du drapeau rouge en qualification et l’annulation de votre temps en Q1. Sans ce vilain coup du sort, auriez-vous pu espérer davantage de ce week-end romagnol ?
Je le pense vraiment. La voiture était très performante ce week-end là. Elle était prévisible dans son comportement. Les évolutions fonctionnaient, de surcroît, aussi bien que prévu. Dommage que l’on ne soit pas passé en qualification. J’ai le sentiment que l’on avait une très bonne performance lors de cette séance et que l’aurait pu se qualifier bien plus haut sur la grille. Le déroulement de la course en aurait été, logiquement, assez bouleversé. Les points étaient largement à notre portée le dimanche. Tout ce qu’il s’est passé à Imola est, évidemment, décevant mais cela m’a aussi donné une bonne dose de confiance pour la suite de la saison.
Ce n’est pas la première fois qu’un pilote voit un drapeau rouge totalement ruiner sa tentative en qualification. La Fédération Internationale de l’Automobile ne devrait-elle pas revoir sa réglementation pour éviter que pareil cas ne se reproduise dans le futur et qu’un pilote paye ainsi les conséquences d’une erreur de l’un de ses adversaires ?
J’aurais tendance à dire oui. Ce n’est, toutefois, pas une décision facile à prendre pour eux parce que si une voiture sort de la piste, la sécurité du pilote concerné doit rester la priorité. Maintenant, dans le cas où le pilote va clairement bien et qu’il n’y pas de danger pour sa santé, vous devez peut-être ajuster vos procédures. Prenons l’exemple d’Imola où le drapeau à damier était sur le point d’être agité. Si on élude le fait que j’ai ou non passé la ligne d’arrivée avant la sortie du drapeau rouge, je n’aurais de toute façon pas continué à rouler à fond après le passage du drapeau à damier. Les commissaires auraient pu reporter le drapeau rouge et sortir simplement un double drapeau jaune à l’endroit où la voiture de Colapinto était immobilisée. Toutes les autres autos auraient, de toute façon, été contraintes de ralentir leur cadence. Une telle décision aurait eu du sens. Seule la moitié de la grille a été capable de compléter son tour en Q1 et je trouve ça un peu rude.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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