Charles Leclerc : « J’espère que la voiture sera aussi performante qu’à Bakou »

GP Bahrein F1 2023 Jeudi Leclerc
Leclerc pense qu'une bonne performance est possible à Monaco à condition toutefois de bien réussir sa "qualif".
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Auteur de son plus mauvais début de saison chez Ferrari depuis son arrivée à Maranello il y a de cela quatre ans, le pilote monégasque entend profiter de son Grand Prix à domicile pour enfin lancer son championnat 2023.

Depuis son passage en rouge à l’aube de la saison 2019 jamais il n’avait connu une entame de championnat aussi poussive. Plombé par deux abandons (à Bahreïn sur rupture moteur et en Australie à la suite d’un accrochage avec Lance Stroll. Ndlr) et deux médiocres septièmes places (en Arabie Saoudite et à Miami. Ndlr) en cinq courses, Charles Leclerc a déjà dit adieu à ses espoirs de sacre en 2023 lui qui fut pourtant l’an dernier le rival numéro un de Max Verstappen dans la course au titre mondial. Lointain septième (avec 34 unités. Ndlr) d’un classement pilotes plus que jamais dominé par le Néerlandais de chez Red Bull (Verstappen compte déjà 119 points au compteur. Ndlr), le pilote Ferrari n’en demeure pas moins l’une des principales têtes d’affiche d’un championnat marqué cette année par le retour sur le devant de la scène de l’inoxydable Fernando Alonso (l’Espagnol totalise quatre podiums en cinq courses. Ndlr). Bien décidé à rebondir à l’occasion de son Grand Prix à domicile, le Monégasque entend profiter de la singularité du tracé princier pour enfin se montrer à la hauteur de son statut de vice-champion du monde et définitivement lancer une saison 2023 qui tarde à décoller.

En cinq courses disputées cette saison, vous n’avez récolté qu’un maigre butin de 34 points. Comment expliquez-vous une entame de championnat 2023 aussi difficile ?

Les résultats parlent d’eux-mêmes malheureusement. On a connu un début de saison assez compliqué avec le problème mécanique (perte de puissance moteur. Ndlr) à Bahreïn alors que l’on se trouvait en troisième position puis avec la pénalité de Djeddah. On aurait normalement dû s’élancer depuis la deuxième place sur la grille en Arabie Saoudite, mais le recul de dix places (en raison du remplacement d’un composant électronique. Ndlr) nous a finalement fait partir au douzième rang. Ces deux premières courses nous ont donc coûté énormément de points. Il y a ensuite eu le crash avec Lance (Stroll. Ndlr) en Australie et depuis on court un peu après les points. Cela n’a, clairement, pas été le début de championnat espéré, mais la saison est encore longue. C’est dans ces moments-là qu’il faut savoir garder la tête haute avec le team. Il faut faire en sorte que tout le monde soit bien motivé, car on a vingt-trois courses à disputer (vingt-deux depuis l’annulation du Grand Prix d’Emilie-Romagne pour cause de catastrophe naturelle. Ndlr) cette année. On est vraiment au début de la saison, donc tout reste encore à jouer.

L’an dernier, Ferrari était arrivée à Bahreïn avec la meilleure machine du plateau. Cette saison en revanche, la Scuderia n’occupe que le troisième voir même le quatrième rang de la hiérarchie en fonction des circuits. En démarrant cet exercice 2023, vous attendiez-vous à vivre une telle régression sur le plan des performances ?

On a une voiture qui fait exactement ce que l’on attendait d’elle. Quand on regarde les datas de l’auto et qu’on les compare aux estimations prévues, globalement on s’y retrouve. Je pense que les objectifs fixés aux ingénieurs l’an dernier n’étaient tout simplement pas les bons. Pour s’en convaincre, il suffit de voir à quel point Red Bull a progressé par rapport à nous. Quand on est arrivé aux tests de Bahreïn, on s’en est tout de suite rendu-compte. On n’a donc pas été pris par surprise lors de la première course. Après les tests de Sakhir, on avait déjà compris qu’Aston Martin serait très rapide et que Mercedes serait très performante en course. On avait aussi compris que les Red Bull seraient très difficiles à aller chercher cette saison, parce qu’elles avaient effectué un énorme pas en avant notamment en course.

Quels sont, selon-vous, les principaux défauts de cette SF-23 en comparaison à la référence Red Bull, mais aussi par rapport à sa devancière la F1-75 ?

On a une voiture trop pointue. En Anglais on dit « peaky ». On dépend énormément des conditions. Dès qu’il y a un changement de vent ou de température, on se retrouve tout de suite en dehors de la fenêtre d’exploitation optimale de l’auto. Du coup, on perd énormément de performance par rapport aux autres. Quand on a un vent de face, on est plutôt pas trop mal. En revanche quand on doit conjuguer avec un vent arrière, on souffre beaucoup plus parce que la balance de la voiture change énormément. C’est d’ailleurs ce sur quoi on travaille en ce moment, car on est très loin du compte en comparaison à une Red Bull qui garde plus ou moins toujours le même équilibre. Il est donc plus facile pour leurs pilotes d’extraire le maximum de leur machine. De notre côté, on a beaucoup de mal à le faire parce que la balance de la voiture est trop fluctuante en fonction des conditions. Lorsque les pneus s’usent, le phénomène s’amplifie et cela devient encore plus compliqué à gérer.

« Fred (Vasseur) est super honnête. Il n’a pas peur de dire les choses. Personnellement, j’aime beaucoup ça. Il a, en outre, une vision de la compétition extrêmement bonne. À chaque fois que l’on a eu à discuter de différentes situations, on a partagé la même vision des choses » 

En dépit de sa riche histoire et de moyens colossaux, Ferrari n’a plus remporté le moindre titre mondial depuis la saison 2008. Pourquoi la Scuderia éprouve-t-elle autant de difficultés à revenir au premier plan ?

La Formule 1 est, comme on le sait, un sport très compétitif. Si on regarde un peu dans le passé, on s’aperçoit que Red Bull a dominé pendant quelques années à la fin de l’ère des V8. Puis ce fut au tour de Mercedes avec l’arrivée des moteurs hybrides. Ils ont tout raflé. L’an passé, une nouvelle réglementation technique est entrée en vigueur et Ferrari a réussi à se rapprocher. On termine deuxième du championnat pilotes et constructeurs en 2022. C’est un bon pas en avant. Cette année en revanche, on n’est clairement pas au niveau que l’on voudrait. Je ne vais pas pouvoir chercher les explications dans le passé, car je n’évolue dans le team que depuis la saison 2019. Je suis arrivé à Maranello dans une période assez compliquée pour Ferrari. En 2020, on a fait un gros pas en arrière au niveau du moteur et depuis on essaye simplement de rattraper les écuries de pointe. Red Bull est, sans conteste possible, l’équipe à battre aujourd’hui. Mais le plan fixé à moyen et long terme et surtout la présence de Fred (Vasseur. Ndlr) aux commandes me donne confiance en l’avenir.

Frédéric Vasseur, parlons-en justement. Le Français a pris les commandes de Ferrari cet hiver en lieu et place de Mattia Binotto. Quels changements a-t-il apporté à la Scuderia en termes de préparation et de gestion des courses ?

La différence n’est pas énorme dans la préparation des courses. Mais Fred n’est pas vraiment là pour ça. C’est un travail qui se fait directement avec les ingénieurs. En revanche, son rôle est de motiver tout le monde, de prendre les bonnes personnes et de voir si on peut se renforcer dans un secteur ou dans un autre avec l’apport de personnes extérieures. Là où je sens vraiment la différence, c’est dans le rapport que l’on entretient tous les deux. On se connaît depuis de nombreuses années et il a toujours été super honnête envers moi. C’est quelque chose qui manque quand on débarque en F1, parce que lorsque l’on arrive en catégorie reine on a tout de suite beaucoup d’amis, mais rares sont ces personnes à se montrer vraiment honnêtes d’un point de vue des performances ou de ce qu’elles voient. Fred, en revanche, est super honnête. Il n’a pas peur de dire les choses. Personnellement, j’aime beaucoup ça. Il a, en outre, une vision de la compétition extrêmement bonne. À chaque fois que l’on a eu à discuter de différentes situations, on a partagé la même vision des choses. Ces qualités vont aider à ce que tout le monde pousse dans la bonne direction et fasse la différence sur les points où l’on doit énormément travailler. Fred et mois sommes complètement alignés et c’est ce qui me donne confiance dans le futur.

Revenons-en à cette saison 2023. Jusqu’ici, le seul rayon de soleil pour vous aura été le week-end de Bakou (Azerbaïdjan. Ndlr) où vous avez non seulement raflé deux pole positions, mais également signé votre seul podium de l’année (troisième derrière Perez et Verstappen. Ndlr). À quoi imputez-vous la bonne forme des Ferrari en Azerbaïdjan ?

À l’instar de Monaco, Bakou est un circuit particulièrement compliqué. Le pilote peut faire un petit peu plus la différence sur ce genre de tracé, car la notion de prise de risques y est plus importante qu’ailleurs. De surcroît, on a une voiture plutôt bonne dans les virages lents. C’était un week-end où j’étais à l’aise avec l’auto. Maintenant, on souffrait toujours d’un petit manque de performance. On a surtout réussi à briller lors des qualifications, mais ces deux pole positions ont quelque peu masqué nos manques par rapport aux Red Bull. La performance en course nous a d’ailleurs ramené à la réalité. Bien que l’on monte sur le podium, on termine plus de vingt secondes derrière les Red Bull ce qui est énorme. On a donc encore un énorme écart à combler ! La Red Bull reste la voiture à battre. Alors certes, ce fut le week-end le plus positif de la saison jusque-là puisqu’on n’y a rencontré aucun problème majeur. Décrocher un podium et deux pole positions m’a évidemment fait plaisir, mais si on reste réaliste Red Bull évolue pour l’instant sur une autre planète. Et c’est à nous de travailler pour les rattraper.

« On n’est clairement pas dans la même situation qu’il y a un an où on avait une voiture très rapide et constante sur tous les types de circuit. Aston Martin a effectué un gros pas en avant cette année. Red Bull évolue, de son côté, sur une autre planète surtout en course » 

Croyez-vous pouvoir réussir pareille performance dans les rues de Monaco ?

Je l’espère ! Monaco est l’un de ces circuits où la prise de risque paye. Le pilote peut davantage faire la différence ici. En outre, et comme je l’évoquais tout à l’heure, notre voiture fonctionne plutôt bien dans les virages lents. Pourvu que ce soit également le cas ici, car comme on le sait tous le circuit de Monaco est essentiellement composé de virages lents. J’espère donc que la voiture sera aussi performante qu’à Bakou. Maintenant, on n’est clairement pas dans la même situation qu’il y a un an où on avait une voiture très rapide et constante sur tous les types de circuit. Aston Martin a effectué un gros pas en avant cette année. Red Bull évolue, de son côté, sur une autre planète surtout en course. Mais comme vous n’êtes pas sans le savoir, la qualification est très importante à Monaco. Je pense donc qu’on a nos chances. Espérons qu’en prenant un petit plus de risques en qualification cela paiera et que cela nous permettra de partir devant en course.

Dans l’éventualité où vous réussiriez une troisième pole position consécutive à domicile et à condition de ne rencontrer aucun problème stratégique ou mécanique en course, pensez-vous pouvoir maintenir les deux Red Bull derrière vous durant 78 tours ?

Tout est possible ! Mais avant de se projeter, il faut déjà que l’on réalise la pole. Or, comme je l’expliquais précédemment cela s’annonce compliqué parce que Red Bull a tout simplement une machine supérieure à la nôtre. L’Aston Martin s’était montrée très rapide en début d’année sur certains circuits. Je m’attends donc à ce qu’elle soit également très bonne ici. Clairement, ce ne sera pas facile. Maintenant, si on part en pole il est clair que tout est possible à Monaco. Après, il y a toujours la question des arrêts au stand à gérer. C’est un secteur où ils pourront peut-être faire la différence, parce qu’ils ont tellement de performance en plus. On parle quand même d’un écart de sept à huit dixièmes au tour donc qu’ils s’arrêtent avant ou après ne changera pas grand-chose en fin de compte. Quoiqu’il arrive, ce sera très dur de rester devant eux. Une chose est sûre toutefois : on fera tout pour y parvenir si l’occasion se présente. On va déjà se concentrer sur la qualification et essayer d’aller chercher la pole. Ce ne sera vraiment pas évident, mais si on l’obtient alors on aura toutes nos chances pour dimanche.

Fort de votre place de deuxième mondial l’an dernier, vous avez attaqué le championnat 2023 dans la peau de l’un des principaux postulants à la couronne mondiale. Compte-tenu de votre retard actuel sur le leader Max Verstappen (85 points d’écart. Ndlr) et surtout du manque de performance de la SF-23, quels objectifs vous êtes-vous fixés pour la suite de la saison ?

Il est assez difficile de s’en fixer pour l’instant, car on s’est montré assez inconstant depuis le début de la saison. Mon principal objectif pour le moment consiste à essayer d’améliorer cette voiture pour la rendre justement plus constante. J’y consacre, d’ailleurs, tous mes efforts. Le but est de parvenir à obtenir une vision un peu plus claire des choses à l’approche d’un week-end de course, car à l’heure actuelle on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Quand on débute un week-end, on ignore si on va être devant Aston Martin ou si au contraire on va se retrouver derrière Mercedes. Dans une telle situation, il est évidemment très compliqué de se fixer des objectifs précis. On va d’abord tâcher de travailler ensemble avec le team pour tenter d’avoir une voiture qui fonctionne dans toutes les conditions et pas uniquement dans une fenêtre d’exploitation très précise.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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