Pas encore fixé sur son avenir en Formule E, le pilote suisse revient sur sa bonne première moitié de saison 8 et réitère sa volonté de briller pour sa cinquième année sous les couleurs du team monégasque.
En 2021, il était passé tout proche de la consécration suprême. Battu de sept petits points par son rival Nyck De Vries au terme d’un final berlinois tronqué par son incident du départ (il avait violemment percuté la Jaguar de Mitch Evans restée bloquée sur la grille à l’extinction des feux. Ndlr), Edoardo Mortara avait dû se contenter de la plus frustrante des places au classement général lui qui venait pourtant de réussir sa meilleure saison sous les couleurs du Venturi Racing. Déçu, mais pas abattu par ce finish au goût amer, le Suisse a rapidement évacué sa frustration en repartant sur des bases encore plus solides en saison 8. Victorieux dès la deuxième manche du championnat du côté de Diriyah (Arabie Saoudite. Ndlr), le fer de lance de l’écurie monégasque a réitéré sa performance quelques semaines plus tard à Berlin lors d’un week-end où il aurait même pu s’offrir un doublé sans la présence du champion du monde en titre de la discipline (De Vries s’est imposé avec une marge de 2,4 secondes sur Mortara lors de la deuxième course allemande. Ndlr). Complètement relancé dans la course au titre après avoir traversé un petit trou d’air entre Rome et Monaco (il enregistre un double abandon sur la deuxième course romaine et lors du rendez-vous à domicile de son écurie. Ndlr), le vice-champion du monde de Formule E a repris sa marche en avant avec l’ambition de réussir là où il avait échoué (de peu) l’an dernier. Pas encore assuré de poursuivre l’aventure au sein de l’écurie désormais dirigée par l’ancien pilote Jérôme d’Ambrosio, le natif de Genève compte s’appuyer sur ses excellents résultats du moment pour prouver à ses employeurs (et à leur futur partenaire Maserati) qu’il possède toutes les qualités requises pour amener Venturi Racing au sommet.
Venturi Racing pointe à la deuxième place du championnat constructeurs avec 148 points inscrits après huit ePrix soit le meilleur total jamais enregistré par l’écurie monégasque à mi-saison depuis ses débuts dans la discipline en 2014. Comment expliquez-vous une telle première partie de championnat ?
On a, effectivement, connu une très bonne première moitié de championnat. Cela s’explique principalement par notre bonne deuxième partie de saison 7. L’an dernier, on s’est rendu compte après Monaco que l’on ne faisait pas parfaitement plusieurs petites choses. Le fait, entre autre, d’aller plus dans les détails sur certains aspects du set-up de la voiture nous a permis de gagner pas mal en compétitivité sur la deuxième moitié de saison 7. Et sur la lancée, on a enchaîné avec de bons résultats en saison 8.
À titre personnel, vous avez également réalisé une très solide première moitié de championnat comme en témoigne vos splendides victoires lors de la deuxième course de Diriyah (Arabie Saoudite. Ndlr) et lors de la première manche de Berlin (Allemagne. Ndlr). Avez-vous le sentiment d’avoir encore franchi un palier cette saison ?
Je ne sais pas si j’ai franchi un palier. Avec l’équipe, on essaye de travailler du mieux possible course après course. En revanche, le niveau de compétitivité de notre package est bien meilleur qu’il ne l’a été les années précédentes. Cela nous a amené à faire plus de résultats dont des podiums et ces deux victoires en Arabie Saoudite et en Allemagne. Si on regarde en arrière, on se rend compte qu’historiquement on a toujours été pas mal à Diriyah. C’est en quelque sorte une piste « amie ». Maintenant, on va devoir prouver que l’on peut aussi être compétitif sur des circuits où l’on a rencontré davantage de problèmes dans le passé.
Ce succès en terre saoudienne a marqué le début d’une évidente chute de résultats puisqu’entre Diriyah et Rome le nombre de points récolté n’a jamais cessé de décroître. À quoi imputez-vous cette soudaine baisse de rendement ?
On a mené plus de la moitié de la course au Mexique, il ne faut pas l’oublier. Malheureusement, certains faits nous ont ensuite été défavorables. On termine quand même cinquième à Mexico. Si on avait ajusté deux ou trois petites choses, on aurait même pu finir sur le podium. Ce n’était clairement pas un mauvais week-end. À Rome ce fut un peu un concours de circonstance. Notre niveau de compétitivité en course était excellent. Mais on a quand même subi deux accidents en deux jours. Je porte, d’ailleurs, l’entière responsabilité du premier incident en course 1.
« Se faire jeter dehors par son coéquipier, c’est un peu la cerise sur le gâteau ! Ce genre d’incident est déjà difficile à digérer en temps normal, mais quand cela se produit avec son propre équipier, c’est juste inacceptable. J’ai l’impression qu’il (Di Grassi) fait un peu n’importe quoi et que c’est récurrent course après course »
La touchette avec Oliver Rowland ne vous a pourtant pas empêché de remonter dans les points …
Effectivement. On est descendu jusqu’à la quatorzième place, mais on a ensuite pu revenir jusqu’au sixième rang. Avec la pénalité, on est finalement classé septième. Les qualifications ne se sont pas super bien passées le deuxième jour, mais on est quand même parvenu à remonter dans le top dix tout en ayant sauvegardé plus d’énergie que les autres. Sans le contact avec António (Félix Da Costa. Ndlr), on aurait terminé avec pas mal de points car on avait un bon rythme de course. C’est ça qu’il faut retenir. En Formule E, il y a toujours des faits de courses, des hauts et des bas pendant la saison. Cela fait un peu partie de l’ADN de ce championnat. On ne peut pas toujours être constant ici.
L’ePrix de Monaco ne vous a, une fois de plus, pas souri cette année. Est-ce frustrant d’avoir dû renoncer à quelques encablures de l’arrivée alors que vous aviez réalisé une incroyable remontée en course ?
Terriblement frustrant ! La journée avait mal commencé avec ces problèmes de freins en qualification. Cela nous a fait partir d’assez loin sur la grille. Mais la course en elle-même fut vraiment bonne. On partait seizième et on était remonté au sixième rang au moment où mon coéquipier a eu la brillante idée de m’envoyer dans le décor à la chicane du Port. Le contact avec Lucas m’a causé une crevaison et j’ai donc été obligé de rentrer pour abandonner. Se faire jeter dehors par son coéquipier, c’est un peu la cerise sur le gâteau ! Ce genre d’incident est déjà difficile à digérer en temps normal, mais quand cela se produit avec son propre équipier, c’est juste inacceptable. J’ai l’impression qu’il fait un peu n’importe quoi et que c’est récurrent course après course. J’estimais qu’avec son coéquipier, on devait quand même se comporter d’une certaine manière. Je constate, hélas, que ce n’est pas le cas. Aussi, je réagirai d’une autre manière la prochaine fois (sourire. Ndlr).
L’an dernier, vous aviez enregistré huit résultats blancs sur l’ensemble de la saison soit autant que le champion Nyck De Vries. Avec le recul, où avez-vous laissé filer ces huit points qui vous auraient permis de coiffer la couronne mondiale ?
J’ai manqué trois courses la saison passée, ne l’oublions pas. D’abord, je n’ai pas pu participer à la course 2 de Riyad. Un problème technique rencontré en essais libres 3 a causé la perte des freins et on a tout cassé. Ensuite, on a dû changer le châssis à Rome et ce changement a occasionné des problèmes techniques en qualification. Du coup, on n’a pas pu prendre le départ de la première course de Rome. Cela fait déjà deux ePrix en moins. Quant à la troisième, c’est bien évidemment à Berlin avec ce crash dès le départ. Tout ceci n’a forcément pas aidé, mais je ne veux pas revenir sur ce qui s’est passé. La saison dernière a quand même été positive. Avec des si, on refait le monde vous savez. Tous les pilotes en lice pour le titre peuvent en dire autant. Alors évidemment il faut essayer de minimiser ces week-ends où l’on ne score pas. Si on prend l’exemple de Rome cette année Da Costa écope d’une pénalité pour le contact, mais de notre côté on doit se retirer. J’estime que ce n’est pas forcément de notre faute là aussi, mais ce sont malheureusement des choses qui arrivent. Cela fait partie du jeu.
La constance sera, une nouvelle fois, la clé de cette très indécise saison 8 de Formule E. Pour éviter de revivre pareil scénario à celui de l’an passé, ne faudra-t-il pas avant tout privilégier la régularité au panache ?
Non, pour la simple et bonne raison que vous êtes obligés de pousser un maximum pour vous retrouver avec les premiers. Si on en laisse un peu sous le pied, on ne se qualifie pas devant. On est donc obligé d’extraire à chaque fois le potentiel maximum de l’auto surtout en qualification. On n’a pas le choix quelque part, on doit prendre des risques. Quelquefois cela va sourire et d’autrefois non, mais globalement on n’a pas à choisir tel ou tel type d’approche. Le niveau est tellement élevé vous savez. Certains pilotes sont là depuis le début, ils maîtrisent donc parfaitement leur sujet. Ils ont tellement l’habitude de conduire ces voitures que pour les battre on ne peut rien laisser au hasard.
« Il (Jérôme d’Ambrosio) a démontré qu’il avait les épaules et les capacités pour être le leader de cette équipe. Je suis très satisfait du travail qu’il a abattu depuis qu’il a rejoint l’écurie. On a vraiment ressenti une certaine évolution sous son commandement donc on peut clairement qualifier sa venue de positive »
L’écurie Venturi a procédé à quelques changements pendant l’hiver avec notamment la promotion de Jérôme d’Ambrosio au poste de Team Principal et celle de Susie Wolff au rang de CEO. En quoi ce remaniement a-t-il été bénéfique à l’équipe ?
Il y a eu énormément de changements au sein de l’organigramme de l’équipe depuis que je suis arrivé. Finalement, on peut s’apercevoir que l’on a quand même eu de grosses évolutions en termes de résultat au fil des ans. Et ça, on le doit aussi aux changements effectués en interne par le team. Des personnes se sont retrouvées à des postes-clés et ont ensuite apporté une structure, une meilleure organisation au groupe. Ces changements sont assez logiques selon moi. Ils s’inscrivent dans la directe évolution de ce qui avait été décidé auparavant. Je considère donc ce remaniement comme une bonne chose. On va de l’avant.
Jérôme d’Ambrosio a l’avantage de bien connaître la Formule E puisqu’il y a officié pendant six saisons en tant que pilote. Son expérience de la course et de la discipline peut-il permettre à Venturi de progresser encore davantage cette année ?
Bien sûr. Son expérience de pilote est évidemment la bienvenue. Elle nous est bénéfique. Il a une vision des choses sûrement différente de celle d’un team principal « normal » ou tout du moins qui n’a pas lui-même été pilote. Ça, c’est extrêmement positif. Il a démontré qu’il avait les épaules et les capacités pour être le leader de cette équipe. Je suis très satisfait du travail qu’il a abattu depuis qu’il a rejoint l’écurie. On a vraiment ressenti une certaine évolution sous son commandement donc on peut clairement qualifier sa venue de positive.
Entretient-on un rapport différent avec un team principal qui a, lui-même, été pilote par le passé ?
Oui et non. Oui car avec son expérience de la course, il a une autre vision que celle que pourrait avoir un team principal « normal ». Parce qu’il a été pilote, il arrive à comprendre certaines choses que d’autres ne pourraient pas comprendre. Et non, car il est très important de le considérer comme un chef d’équipe et comme un boss en tant que tel. Ne pas agir ainsi serait négatif. Penser, parce que l’on a couru ensemble, qu’on a la possibilité de se permettre des choses que l’on n’oserait pas avec d’autres serait une grave erreur. À mes yeux, il est essentiel de le voir comme un chef d’entreprise. On a tous des responsabilités différentes au sein du team. Lui, c’est le chef d’orchestre et je dois simplement le considérer comme tel.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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