Edoardo Mortara : « Réussir une bonne année avec Venturi » (2/2)

Edoardo Mortara pole 2022 Berlin
Edoardo Mortara avoue avoir partagé une très grande complicité avec son ancien coéquipier Norman Nato.
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Pas encore fixé sur son avenir en Formule E, le pilote suisse revient sur sa bonne première moitié de saison 8 et réitère sa volonté de briller pour sa cinquième année sous les couleurs du team monégasque.

En 2021, il était passé tout proche de la consécration suprême. Battu de sept petits points par son rival Nyck De Vries au terme d’un final berlinois tronqué par son incident du départ (il avait violemment percuté la Jaguar de Mitch Evans restée bloquée sur la grille à l’extinction des feux. Ndlr), Edoardo Mortara avait dû se contenter de la plus frustrante des places au classement général lui qui venait pourtant de réussir sa meilleure saison sous les couleurs du Venturi Racing. Déçu, mais pas abattu par ce finish au goût amer, le Suisse a rapidement évacué sa frustration en repartant sur des bases encore plus solides en saison 8. Victorieux dès la deuxième manche du championnat du côté de Diriyah (Arabie Saoudite. Ndlr), le fer de lance de l’écurie monégasque a réitéré sa performance quelques semaines plus tard à Berlin lors d’un week-end où il aurait même pu s’offrir un doublé sans la présence du champion du monde en titre de la discipline (De Vries s’est imposé avec une marge de 2,4 secondes sur Mortara lors de la deuxième course allemande. Ndlr). Complètement relancé dans la course au titre après avoir traversé un petit trou d’air entre Rome et Monaco (il enregistre un double abandon sur la deuxième course romaine et lors du rendez-vous à domicile de son écurie. Ndlr), le vice-champion du monde de Formule E a repris sa marche en avant avec l’ambition de réussir là où il avait échoué (de peu) l’an dernier. Pas encore assuré de poursuivre l’aventure au sein de l’écurie désormais dirigée par l’ancien pilote Jérôme d’Ambrosio, le natif de Genève compte s’appuyer sur ses excellents résultats du moment pour prouver à ses employeurs (et à leur futur partenaire Maserati) qu’il possède toutes les qualités requises pour amener Venturi Racing au sommet.

L’intersaison a, également, vu l’arrivée à vos côtés d’un nouvel équipier en la personne de Lucas Di Grassi. Quel regard portiez-vous sur le Brésilien avant son transfert chez Venturi ?

On a couru ensemble pendant de nombreuses années avec Lucas. C’est un concurrent redoutable. Il apporte énormément à cette équipe grâce à son immense expérience et à son savoir-faire. Cela me permet, en outre, de voir des choses un petit peu différente de celles que j’ai pu voir avec mes précédents coéquipiers. Son arrivée dans le team est positive, mais à titre personnel elle ne change strictement rien pour moi. Je me concentre sur mon travail. Je sais que je peux être compétitif si je fais bien mon job. Je l’ai déjà prouvé par le passé. Ce n’est pas parce que l’on a Lucas Di Grassi ou un autre pilote à ses côtés que l’on change d’approche.

Lors de vos quatre premières années chez Venturi, vous avez côtoyé trois coéquipiers aux profils et à l’expérience très différents : Maro Engel en 2018, Felipe Massa en 2019 et en 2020 et enfin Norman Nato en 2021. Avec lequel d’entre eux avez-vous eu le plus de plaisir à collaborer ?

Sûrement avec Norman (Nato. Ndlr). On arrivait très bien à se comprendre. Tous mes coéquipiers étaient extrêmement talentueux et ils m’ont tous permis de progresser au final. Maintenant d’un point de vue humain, on s’entendait super bien avec Norman. C’est peut-être la relation la plus agréable que j’ai pu avoir avec un coéquipier en Formule E. Cela ne veut pas dire que je ne m’entends pas avec Lucas (Di Grassi. Ndlr), mais simplement que j’avais certainement plus d’affinités avec Norman. Comme c’était déjà le cas avec Felipe (Massa. Ndlr) et Maro (Engel. Ndlr), je n’ai aucun problème avec Lucas.

Quand on a, comme vous, des années d’expérience en sport automobile peut-on encore apprendre d’un coéquipier ?

Il le faut. Selon moi, on commence à régresser le jour où l’on se dit qu’on ne peut plus apprendre. On doit, continuellement, essayer de s’améliorer parce que la perfection n’existe pas. Ce constat est aussi valable dans la vie de tous les jours, mais il s’applique d’autant plus dans le sport de haut niveau. Le jour où on s’arrête de vouloir progresser, c’est le début de la chute.

« Les choses étaient un petit peu compliquées au début. Je les voyais littéralement se tuer à la tâche et les résultats n’étaient pas là. Cela ne fait, bien évidemment, jamais plaisir à un pilote de ne pas signer de résultat, mais il ne faut pas oublier non plus l’aspect humain d’une équipe » 

Lorsque vous avez rejoint les rangs de Venturi Racing en 2017, l’écurie monégasque n’était encore que l’un des petits poucets de la discipline au milieu des géants de l’automobile que sont Renault, Jaguar, Audi ou Citroën. Aujourd’hui et comme l’ont prouvé vos résultats depuis l’an dernier, Venturi fait partie des écuries qui comptent en Formule E. Êtes-vous fiers d’avoir contribué aux progrès du team monégasque ?

Oui, mais je suis surtout super content pour les gars qui sont là depuis que je suis arrivé. J’ai pu voir leur implication au fil des années. En plus d’être forts techniquement et très talentueux, ce sont des passionnés. Ils ne comptent pas les heures de travail. Les résultats viennent quelque part les réconforter de tout le bon boulot effectué. Les choses étaient un petit peu compliquées au début. Je les voyais littéralement se tuer à la tâche et les résultats n’étaient pas là. Cela ne fait, bien évidemment, jamais plaisir à un pilote de ne pas signer de résultat, mais il ne faut pas oublier non plus l’aspect humain d’une équipe. Quand vous voyez la somme de travail abattue par les ingénieurs ou les mécaniciens et qu’au final cela ne paye pas, vous êtes forcément un peu triste aussi pour tous ces gars. Ce fut assez difficile à vivre pour être honnête. Mais dès la saison 5, cela a commencé à changer. Il faut, cependant, garder une chose en tête : on n’est, à mon avis, pas encore au top. Il va falloir continuer à travailler et à progresser pour aspirer peut-être un jour à devenir la meilleure ou tout du moins l’une des meilleures équipes de Formule E.

Mercedes a annoncé son départ de la Formule E à l’issue de cette saison 8. Avez-vous été surpris d’apprendre que la firme à l’étoile décidait de quitter la discipline au moment même où elle venait de rafler les deux titres mondiaux ?

Oui, mais ça c’est mon opinion et elle n’engage que moi. Cela m’a effectivement surpris, car ils venaient d’être sacrés champions du monde des pilotes et des constructeurs. Cela fonctionnait très bien. Ils avaient un package extrêmement compétitif comme nous l’avons nous-même prouvé. Je trouve ça dommage de se retirer un petit peu du jour au lendemain alors que l’on est au top. Il aurait été mieux, selon moi, d’exploiter un peu ce moment-là. Cela nous aurait, en outre, donné l’occasion de continuer à travailler avec eux (sourire. Ndlr).

Mercedes n’est pas un constructeur ordinaire pour vous puisqu’avant de les retrouver en Formule E, vous avez également couru pour eux en DTM. Ce départ ne marque-t-il pas quelque part la fin d’un chapitre de votre carrière ?

Certainement. J’ai connu plusieurs étapes dans ma carrière. La première avec Volkswagen, la deuxième avec Audi, puis la troisième avec Mercedes. Volkswagen-Audi c’était le même groupe donc quand j’ai décidé de quitter Audi, je me suis dit que je voulais voir autre chose. C’est pour cette raison que j’ai rejoint les rangs de Mercedes. Le programme avec Mercedes s’est, ensuite, arrêté de façon un peu forcé hélas. Ce n’était pas une décision personnelle comme auparavant avec Volkswagen ou Audi. Maintenant et pour en revenir à la Formule E, je suis très content que Maserati vienne dans ce championnat. Je suis d’autant plus heureux qu’ils le fassent avec Venturi. On verra si je continue ou pas avec l’équipe l’an prochain. Rien n’a été décidé pour l’instant. Cela dépendra aussi des résultats que l’on aura ensemble lors de cette saison 8. Autant j’étais déçu de voir partir Mercedes, autant je suis très satisfait de voir Maserati entrer dans ce championnat.

Venturi Racing n’a jamais paru aussi forte qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ne craignez-vous pas que le départ de Mercedes puisse enrayer la montée en puissance du team monégasque ?

Non, pour la bonne raison que techniquement j’ai vu une vraie évolution de cette équipe au fil des années. Le power-unit mis à part, on est devenu de plus en plus fort sur le plan technique. Si l’équipe parvient à obtenir un bon power-train de Maserati la saison prochaine, elle pourra être compétitive.

« Quand vous donnez trop d’importance à des constructeurs dans un championnat, vous devenez un peu dépendant de ces mêmes constructeurs. Or, on peut s’apercevoir qu’ils n’hésitent pas à débrancher la prise du jour au lendemain quitte à laisser des équipes dans les problèmes » 

Maserati, parlons-en justement. La marque italienne réussira-t-elle à se mettre d’entrée au niveau des meilleures ou devra-t-elle au contraire payer pour apprendre ?

L’avenir nous le dira (sourire. Ndlr) ! Je ne sais pas du tout, mais je l’espère pour eux et pour Venturi. À l’heure actuelle, cela ne me regarde pas. L’important pour moi aujourd’hui est de réussir une bonne année avec Venturi en saison 8. Après, l’aventure se terminera peut-être pour nous. On a, quand même, passé pas mal d’années ensemble (sourire. Ndlr). Alors bien sûr, j’aimerais poursuivre avec Venturi. Je suis resté énormément d’années ici et je trouverais dommage de partir maintenant alors que cela commence à fonctionner. On a connu des années plus difficiles par le passé. Encore une fois j’aimerais prolonger l’aventure ici, mais un autre constructeur va arriver et il aura peut-être des demandes différentes. On verra.

La défection, en seulement deux ans, d’Audi, de BMW et de Mercedes doit-elle inciter la Formule E à se remettre en question ?

J’étais, au départ, déçu de les voir partir. Mais au fil du temps, je me dis que ce n’est pas forcément une si mauvaise chose que ça. Quand vous donnez trop d’importance à des constructeurs dans un championnat, vous devenez un peu dépendant de ces mêmes constructeurs. Or, on peut s’apercevoir qu’ils n’hésitent pas à débrancher la prise du jour au lendemain quitte à laisser des équipes dans les problèmes. Avoir des teams privés n’est pas une si mauvaise chose finalement. On constate, aussi, l’arrivée de nouveaux constructeurs donc en fin de compte il y a une espèce de turnover. S’ils ont décidé de partir, tant mieux quelque part. D’autres arriveront et feront le job. C’est bien là l’essentiel.

La Formule E a présenté, en marge du ePrix de Monaco, sa toute nouvelle monoplace pour les futures saisons. Êtes-vous emballés par cette Gen3 au look très futuriste ?

Elle est assez différente de la Gen2. J’étais, à titre personnel, un grand fan de la précédente voiture. Aussi, je suis un peu déçu qu’ils n’aient pas continué à développer les concepts sur lesquels ils avaient déjà travaillé sur la Gen2. On s’y habituera. Sur le papier, la voiture est plus légère, plus performante et plus efficace aussi donc ça c’est génial. Durant la présentation j’ai entendu parler d’un gain de deux à quatre secondes au tour. La vraie différence, on la verra quand elle rentrera en piste. J’espère que les chiffres annoncés se vérifieront chrono en main, parce que c’est un peu ce qui manque à la Formule E aujourd’hui. Ce serait une très bonne chose pour la discipline si on arrivait à combler un petit peu l’écart avec les grosses formules.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Edoardo Mortara cockpit Berlin 2022
Mortara reconnaît qu’il a été surpris par le timing de l’annonce du départ de Mercedes de la FE.
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