Jean-Éric Vergne : « Il va falloir que l’on trouve un peu de vitesse » (1/2)

Jean-Eric Vergne Rome Interview
"JEV" se montre résolument satisfait d'une première moitié de saison où il aura su faire preuve de constance.
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De nouveau passé proche de la victoire dans les rues de Berlin, le pilote DS Techeetah dresse un premier bilan positif de son championnat, mais assure qu’il lui faudra encore gagner en performance pour espérer conquérir une troisième couronne mondiale en fin de saison.

L’an dernier, il n’avait patienté que trois courses pour grimper sur la plus haute marche du podium. Vainqueur à l’expérience d’un ePrix très mouvementé dans les rues de Rome, Jean-Éric Vergne décrochait ce jour-là la dixième et (pour l’instant) dernière victoire de sa carrière en Formule E. Peu en réussite le reste de l’année, le pilote DS Techeetah n’allait par la suite plus goûter à l’ivresse du succès, se contentant à une seule petite occasion du bonheur plutôt relatif d’une deuxième place (lors de la première course disputée à New York. Ndlr). Frustré par une saison au cours de laquelle il n’aura jamais pu se mêler à la lutte pour le titre mondial, le Français a attaqué la nouvelle année avec l’ambition chevillée au corps de reconquérir un trône abandonné depuis deux ans à la concurrence. Entré timidement dans son championnat en Arabie Saoudite, « JEV » a depuis clairement passé la vitesse supérieure, accumulant les places d’honneur au volant d’une DS enfin de retour au plus haut niveau. Passé tout proche d’une nouvelle victoire à Monaco et à Berlin, le natif de Pontoise a finalement dû s’incliner face à meilleur que lui, emmagasinant cependant de précieux points qui lui permettent de figurer à la troisième place du classement pilotes seize unités derrière l’actuel leader Stoffel Vandoorne. Idéalement placé pour récupérer une couronne de champion qu’il a déjà coiffé à deux reprises en 2018 et en 2019, le Francilien sait toutefois qu’il lui faudra gagner en performance sur la deuxième partie de saison pour espérer lutter jusqu’au bout face à ses rivaux directs pour le titre.

Vous occupez actuellement la troisième place du championnat pilotes avec un total de 95 points récoltés en huit courses. Peut-on parler d’une première moitié de saison globalement réussie ?

Absolument. C’est une bonne première moitié de saison. Le mot qui synthétise sans doute le mieux notre première partie de championnat est constance. Pas la fille hein (rires. Ndlr) ! Je plaisante bien sûr. Cette régularité a d’ailleurs porté ses fruits jusque-là. Maintenant, si l’on veut gagner le championnat il va falloir que l’on trouve un peu de vitesse. On va devoir, également, améliorer des petits points encore perfectibles. Je ne parle pas là de choses énormes, mais de petits détails à corriger. Quand on aura progressé sur ces petits détails et réussi à obtenir un petit plus de performance, alors on pourra se battre pour des victoires.

Après de très bons tests hivernaux à Valence (il a signé le deuxième meilleur chrono absolu en Espagne derrière la Venturi d’Edoardo Mortara. Ndlr), vous avez connu une entrée en matière un petit peu plus difficile que prévu à Diriyah. Vos qualifications en demi-teinte expliquent-elles vos modestes huitième et sixième place du côté de l’Arabie Saoudite ?

Totalement. Lors des qualifications de la première course, je me suis fait gêner dans mon tour rapide et je n’ai donc pas pu entrer dans les phases de duel. J’ai facilement perdu cinq dixièmes sur ce coup-là. Or, cette demi-seconde m’aurait non seulement placé dans les quatre premiers, mais elle m’aurait aussi qualifié pour les phases de duel. On avait une bonne voiture à ce moment-là. On aurait donc pu se battre pour davantage de points le premier jour en Arabie Saoudite. Si je ne devais retenir qu’un seul point négatif de ce début de saison, alors ce serait celui-là.

La Formule E a introduit cette saison un tout nouveau format de qualification censé « supprimer l’impact de l’évolution de la piste tout en simplifiant la compréhension pour les fans ». Quel regard portez-vous sur ce changement de réglementation ?

C’est une réussite ! On est vraiment allé dans la bonne direction avec cette modification réglementaire. On a choisi le sens du sport. Ce format est beaucoup plus juste et c’est pour cette raison que j’apprécie autant les nouvelles qualifications. Elles nous laissent la chance de pouvoir nous battre pour de bonnes positions. Si vous arriviez en tête du championnat l’an dernier, vous vous retrouviez automatiquement dans le premier groupe. Techniquement, vous en étiez réduits à nettoyer la piste pour les autres. Dans tous les cas vous étiez condamnés à terminer quinzième, seizième, dix-septième ou encore dix-huitième. À partir de ce moment-là, la course c’était un peu une autre paire de manches (rires. Ndlr). Quand vous vous élancez d’aussi loin sur la grille, ce n’est plus tout à fait la même histoire.

« Cette troisième place (à Mexico) nous a ouvert l’appétit pour la suite. Elle nous a donné envie de revenir plus fort et de battre Porsche. Ce que l’on a réussi à Rome. On était meilleur qu’eux, mais on ne savait pas que Jaguar allait se montrer beaucoup plus rapide » 

La deuxième course à Diriyah a été marquée par un épisode assez surréaliste lors de l’évacuation de la voiture accidentée d’Alexander Sims. Vous avez déclaré après coup « avoir été choqué de la manière dont la direction de course a géré cet incident et notamment de la façon dont est intervenu cet engin de levage à la sortie d’un virage en aveugle sans même que les pilotes n’en soient avertis. » Huit ans après le drame Jules Bianchi à Suzuka, comment la FIA peut-elle encore commettre de telles erreurs ?

Je tiens déjà à préciser qu’une telle tragédie n’aurait pas pu se reproduire dans ce cas présent, car on était tous bloqué à 50 km/h. On a également tous vu la voiture immobilisée sur le côté de la piste donc on ne risquait pas de la percuter à cette vitesse-là. Ce qui est déjà un bon point selon moi. Après, c’est à vous (les journalistes. Ndlr) de poser directement la question à la FIA. J’ignore ce qu’il s’est passé exactement. Je ne crois d’ailleurs pas que la fédération soit le plus à blâmer dans cette histoire. Je pense, au contraire, qu’il y a eu une incompréhension avec les commissaires de piste et que ce sont eux les plus en faute. Ils n’ont pas l’habitude de participer à des compétitions automobiles. Ce manque d’expérience de la course explique sans doute cette incompréhension. La FIA ne peut, malheureusement, pas contrôler certaines choses.

Reparlons sport si vous le voulez bien. Après la déception de Diriyah, vous avez décroché votre premier podium de l’année dans les rues de Mexico City. Cette troisième place conquise de haute lutte marque-t-elle le vrai lancement de votre saison ?

Complètement. Le podium de Mexico a vraiment fait du bien au moral. Il a boosté tout le monde dans l’équipe. On était clairement la deuxième force du plateau au Mexique derrière Porsche. Cette troisième place nous a ouvert l’appétit pour la suite. Elle nous a donné envie de revenir plus fort et de battre Porsche. Ce que l’on a réussi à Rome (Italie. Ndlr). On était meilleur qu’eux, mais on ne savait pas que Jaguar allait se montrer beaucoup plus rapide (rires. Ndlr). Il faut donc, désormais, que l’on soit certain d’être plus véloce que Porsche, Jaguar, mais aussi tous les autres (sourire. Ndlr).

Ce podium en terre mexicaine s’est surtout joué sur la stratégie et la gestion de l’énergie. Vous avez, d’abord, beaucoup consommé en début de course avant de changer votre fusil d’épaule et de réduire votre consommation pour terminer fort sur la fin. Quand avez-vous compris que votre plan de départ n’était pas le bon ?

Je ne m’en souviens pas avec précision, mais je sais que l’équipe m’a appelé assez rapidement pendant la course. Ils ont effectué un bon « call ». On aurait, toutefois, pu faire les choses un peu différemment. J’ai perdu beaucoup de temps à me faire dépasser et ensuite à redoubler. Cela n’aurait pas changer le résultat dans tous les cas, mais cela m’aurait sans doute rendu la course un peu moins stressante (rires. Ndlr).

« On peut, très certainement, améliorer des petits détails au niveau du software ou encore du freinage. Il n’y pas de gros problèmes ou de loup sur l’auto. Il faut simplement que l’on se concentre sur ces détails si l’on veut réussir à faire la différence » 

Vous allez confirmer votre montée en puissance dans ce championnat à l’occasion du double rendez-vous de Rome (il empoche une quatrième et une deuxième place dans les rues de la capitale italienne. Ndlr). Que vous a-t-il manqué en Italie pour pouvoir concrétiser votre potentiel en victoire ?

(Il réfléchit un instant avant de se lancer. Ndlr) Un peu de chance sans doute ! Je n’ai pas forcément toujours pris « l’Attack Mode » au bon moment également. J’ai rétrogradé de quelques places et j’ai ensuite dû surconsommer pour pouvoir redoubler. Si l’on veut gagner en Formule E aujourd’hui, on doit parvenir à réunir une succession de petits détails. À Rome, ces petits détails ne se sont pas mis en place au bon moment et au bon endroit. On n’avait, pourtant, pas trop à rougir sur le plan de la performance vis-à-vis des Jaguar. On a bien rectifié le tir du samedi au dimanche, mais cela n’a hélas pas été suffisant.

Au soir de votre belle deuxième place romaine, vous avez déclaré que « votre équipe devait faire encore mieux pour espérer se battre pour la victoire ». Dans quel domaine devez-vous le plus progresser ?

Ce sont, encore une fois, des petits détails. Comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure, certains « calls » auraient pu être mieux gérés lors de la deuxième course à Rome. On peut, très certainement, aussi améliorer des petits détails au niveau du software ou encore du freinage. Il n’y pas de gros problèmes ou de « loup » sur l’auto. Il faut simplement que l’on se concentre sur ces détails si l’on veut réussir à faire la différence.

Vous avez dû attendre la cinquième qualification de l’année à Rome pour enfin renouer avec la pole position dans l’exercice de la vitesse pure. Est-ce le temps qu’il vous aura fallu pour complètement assimiler ce nouveau format ?

Non, pas du tout. J’ai juste eu le malheur de tomber à chaque fois en duel avec un mec qui était vraiment beaucoup trop fort (sourire. Ndlr). À Diriyah, je me suis retrouvé face à De Vries qui était intouchable sur cette course-là. La combinaison de son pilotage et de sa voiture l’a rendu super-rapide et j’ai logiquement dû m’incliner. À Mexico, je suis de nouveau tombé sur un gars imbattable en la personne de Pascal Wehrlein. Lui aussi était intouchable ce jour-là. À Rome, c’est en revanche moi qui me suis retrouvé dans cette position et j’ai enfin pu aller chercher cette pole.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Jean-Eric Vergne course Rome 2022
Vergne pense que la FE a pris la bonne direction en remodelant son format de qualification.
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