Jean-Louis Moncet : « Ce retour de Renault va donner un peu de piment à la F1» (1/2)

Jean-Louis Moncet Abou Dhabi
Jean-Louis Moncet considère que Lewis Hamilton s'est relâché dans cette fin de saison.
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Véritable référence dans le paysage journalistique français, Jean-Louis Moncet continue inlassablement de décrypter l’actualité de la Formule 1. Toujours aussi épris d’une discipline qu’il côtoie depuis près de 30 ans maintenant, le chroniqueur du magazine Auto Plus ne cesse de régaler ses lecteurs de part sa qualité d’analyse et ses références historiques. Grand défenseur d’un sport dans lequel il aura vécu ses plus belles émotions professionnelles, celui que l’on surnomme la « bible de la F1 » se penche sur la dix-neuvième manche de la saison disputée à Abou Dhabi. Du succès impérial de Nico Rosberg, au rachat de Lotus par Renault en passant par la belle performance de Romain Grosjean ou encore les bêtises de Max Verstappen : le consultant de Canal + balaye en exclusivité pour Warm-up F1 tous les points chauds de ce dernier rendez-vous du championnat 2015.

Jean-Louis, l’attente aura été longue, mais Renault a finalement annoncé son rachat de l’équipe Lotus. Ce retour du constructeur français constitue-t-il une bonne nouvelle à la fois pour le sport automobile français et pour la Formule 1 dans son ensemble ? 

Oui, il s’agit bien entendu d’une excellente nouvelle sur ces deux plans. En premier lieu pour le sport automobile français, car la marque au losange va servir de locomotive. Quand une maison comme Renault redémarre en Formule 1, cela induit de nombreux sous-traitants en France, même si pour la plupart ils seront en Angleterre. Sur le plan de la F1 en elle-même, cela nous offre maintenant avec Mercedes et Ferrari un troisième grand constructeur capable de s’installer au premier rang. Pas tout de suite naturellement, mais au premier rang tout de même. Ce retour de Renault va donner un peu de piment à la F1 dans les années à venir.

L’équipe française est-elle condamnée à vivre une année de transition compte tenu de l’état délétère dans lequel se trouve Enstone aujourd’hui et du retard accumulé sur la voiture de 2016 ?

Oui, je le crains. Je pense même qu’il n’y aura pas seulement une saison, mais plusieurs années de transition. Il faut tout reconstruire. Le site d’Enstone en lui-même pose déjà question car, les travaux n’y ont pas toujours été permanents. Une équipe de Formule 1 moderne est un laboratoire. Il est crucial de l’entretenir en permanence, de lui offrir de nouveaux appareils ou des machines-outils plus performantes. La soufflerie n’a également pas été revue depuis un certain nombre d’année. C’est ce qui s’appelle repeindre les murs. Deuxièmement, il va falloir analyser toutes les idées qui n’ont pas été mises au point l’an dernier en raison du manque d’argent. Troisièmement, il va falloir recruter de grands pilotes, car on a Maldonado et Palmer pour l’instant. Je n’ai rien contre eux, mais un bon jour viendra où il faudra recruter des stars et si possible des stars françaises.

« Renault ne va pas tout casser d’un coup »

Carlos Ghosn a déclaré dans la semaine que rien n’était acté au niveau des pilotes alignés par Renault l’an prochain. Peut-on s’attendre à des surprises ou alors va-t-on rester sur la paire choisie par Lotus ? 

Je n’en sais trop rien. En revanche, ces deux pilotes apportent de l’argent. Le rachat coûte cher et je ne vois pas Carlos Ghosn, ni les patrons de l’équipe notamment Cyril Abiteboul, dépenser un million d’euros de dédit en refusant d’engager Palmer et Maldonado. Ils ont plutôt besoin de l’argent apporté par ces deux là pour pouvoir faire avancer l’équipe. Cela ne sera pas facile, dans un premier temps tout du moins, de modifier ce line-up. S’ils changent malgré tout, cela signifie tout simplement que Renault est sur une voie royale. Cela voudrait dire qu’on n’a pas hésité à dépenser de l’argent afin d’avoir une équipe complète et française naturellement. Dans ce cas là on verra le résultat.

Combien de temps faudra-t-il à Renault selon vous pour recruter de meilleurs pilotes ?

Il va, à mon avis, falloir prendre son mal en patience. Esteban Ocon est toujours chez Mercedes et il n’en sortira pas. Le jeune Pierre Gasly vient de resigner avec Red Bull. Je ne le vois donc pas en pilote d’essais l’an prochain. En l’occurrence il faudra attendre que l’équipe soit de nouveau sur les rails pour engager la star du moment et un excellent pilote français à ses côtés. C’est comme cela qu’il faut voir les choses. Renault ne va pas tout casser d’un coup. On ne peut pas évoluer aussi brutalement et on ne peut pas non plus se permettre de tomber dans les travers d’Honda. C’est-à-dire piétiner sur un moteur. Il est important de ne pas négliger cet aspect et de se montrer raisonnable au début. Je le répète, mais encore une fois tout est à reconstruire.

Un duo Jean-Éric Vergne-Stoffel Vandoorne n’aurait-t-il pas été une bonne idée étant donné leur situation respective chez Ferrari et McLaren ?

Non, car ils sont trop jeunes. Stoffel Vandoorne oui, cependant il est lié par McLaren. Cela risque donc d’être très compliqué. Il faudra renégocier un contrat. Vandoorne serait un très bon choix, l’un des meilleurs choix qu’il existe même. Quant à Jean-Eric Vergne il est chez Ferrari, mais il traîne un peu. Il est en Formule Electrique. Je ne sais pas du tout ce qu’il a envie de faire. Je l’ai vu à Abou Dhabi et il était très déprimé. Il marche peut être au moral. La saison 2016 risque d’être très difficile pour lui. Après, je n’en ai aucunes certitudes. Il pourrait effectivement arriver chez Renault dans le futur. Toutefois, je pense qu’ils ont autre chose à penser qu’aux pilotes en ce moment du côté de la marque au losange.

« Rosberg a été nettement moins bon que l’an passé »

Nico Robserg a conclu sa saison 2015 en apothéose en remportant sa troisième victoire consécutive à Abou Dhabi. Avec six victoires au compteur, l’Allemand a même battu son score de l’an dernier. Le double vice-champion du monde a-t-il sauvé sa saison grâce à sa fin de championnat étincelante ? 

Oui, mais en partie seulement. Nico a vraiment réalisé une belle fin de saison, cependant il vient encore de manquer une occasion de décrocher le titre. Il a largement été dominé par Lewis Hamilton cette année. Il faut quand même voir les choses en face. J’aime beaucoup Nico, toutefois il s’est de nouveau fait battre en 2015. S’il doit redémarrer à chaque fois en fin de saison pour boucler un beau championnat il ne pourra jamais prétendre à la couronne mondiale. Il a, selon moi, été nettement moins bon que l’an passé.

Dans quels domaines a-t-il le plus péché en 2015 ?

L’an dernier il s’est quasiment battu tout le temps. Cette année il a été devancé par son coéquipier sur toute la ligne. Premièrement au niveau des points, deuxièmement sur le terrain où il s’est laissé bousculer trois fois de suite sans réagir. Nico est toujours affecté par le syndrome Spa 2014. Tant qu’il n’aura pas résolu ce problème par lui-même, il restera dans cette position là. Malgré ses victoires en fin de saison, Rosberg s’est montré moins bon que Lewis Hamilton cette année. C’est indéniable. S’il ne réagit pas et s’il ne se reconstruit pas, il restera comme ça en l’état. Si Nico nous fait encore le même coup en 2016, il demeurera un second couteau à vie.

« Hamilton doit comprendre qu’il ne peut pas gagner toutes les courses »

Lewis Hamilton a encore subi la supériorité de son coéquipier à Abou Dhabi. Doit-on imputer sa soudaine baisse de forme de cette fin de saison au changement de réglementation depuis Monza ou alors à une légère chute de motivation consécutive à la conquête de son 3ème titre ? 

De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans ses relatives moins bonnes performances. Il y a certainement du relâchement, mais aussi peut-être du mécontentement au niveau de la voiture. Hamilton a voulu opérer sa propre stratégie et il s’est brûlé les pattes. Toto Wolff l’avait pourtant prévenu en déclarant : « tu peux faire ta stratégie toi-même, cependant tu ne gagneras pas de course ». Cela s’est effectivement produit. Lewis a voulu garder ses pneus durs le plus longtemps possible et ils se sont effondrés tout d’un coup comme c’est souvent le cas avec Pirelli ou même avec les autres gommes d’ailleurs. Il a ensuite demandé des pneus tendres, mais c’était trop juste.

Mercedes n’aurait-elle pas dû laisser Hamilton aller au bout de sa démarche en montant les gommes tendres lors de son dernier arrêt ?

Non, pour la simple et bonne raison que les pneus tendres ne tenaient que six tours alors qu’ils lui en restaient plus du double à accomplir. Cela a perturbé sa fin de course. Hamilton déclare à qui veut l’entendre que les réglages de sa voiture ne sont plus les mêmes depuis Singapour. Je ne sais pas vraiment si c’est vrai ou pas. En revanche, Robserg a mieux réagi à ce changement. Toutes ces raisons mises bout à bout expliquent sans doute le léger déclin d’Hamilton. Lewis doit aussi comprendre qu’il ne peut pas gagner toutes les courses non plus. Même s’il tout a essayé pour. Il ne s’attendait également peut-être pas à ce que Rosberg lui oppose une telle résistance après ce qui s’était passé à Austin ou au Japon.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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