Jean-Luc Roy : « Ce succès de Rosberg arrange tout le monde » (1/2)

Jean-Luc Roy Mexique
Jean-Luc Roy considère Renault comme l'unique option envisageable pour Red Bull l'an prochain.
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Fondateur de la « Télévision Grande Vitesse » en 1999, Jean-Luc Roy a consacré toute sa carrière au sport automobile. Commentateur des Grand Prix sur RMC depuis 2008, l’ancien journaliste de Kiosque affiche toujours la même passion pour une discipline dont il ne se prive pourtant pas à dénoncer les dérives. Toujours aux manettes du « Debriefing F1 », l’ancien chroniqueur de l’Équipe revient sur la dix-septième manche de la saison courue au Mexique. Du week-end parfait de Nico Rosberg, à la belle performance des Red Bull en passant par le cauchemar vécu par Ferrari ou encore l’aseptisation de l’ancien tracé de Mexico : le président de Motors TV analyse en exclusivité pour Warm-up F1 tous les événements marquants de cette épreuve mexicaine.

Jean-Luc, après quatre mois de disette Nico Rosberg a enfin renoué avec la victoire au Mexique en décrochant le 12ème succès de sa carrière. Ce week-end parfait de l’Allemand peut-il lui permettre de se relancer en vue de 2016 ?

Il faut naturellement le souhaiter parce que je crois que c’est dans l’intérêt du prochain championnat au-delà évidement des progrès que les adversaires de Mercedes seront en mesure d’accomplir durant l’intersaison. J’espère que ce succès l’a un petit peu remis dans le sens du vent même si je n’en suis personnellement qu’à moitié convaincu. J’ai vraiment le sentiment qu’Hamilton domine allègrement la discipline. Tant qu’ils ont auront tous les deux la même monoplace dans la même écurie, Hamilton sera à mon avis toujours devant Rosberg. Même si Nico a signé les quatre dernières pole positions, Lewis a su démontrer que la pole ne constituait finalement pas un aussi grand avantage que l’on pouvait l’imaginer. J’ai envie de penser que cette victoire à Mexico va remettre en selle Rosberg, mais je n’y crois pas vraiment.

Lewis Hamilton a évolué un ton-en-dessous de son coéquipier Rosberg à Mexico. Doit-on imputer cette légère baisse de forme à une décompression consécutive à la conquête de son troisième titre le week-end précédent à Austin ?

Indubitablement oui. Lewis a atteint son objectif en conquérant sa troisième couronne à Austin donc il a connu une très légère baisse de motivation au Mexique. Mais il ne faut pas tout dramatiser pour autant. Comme je l’ai évoqué précédemment, Rosberg reste sur une belle série en qualification. Le titre n’a rien à voir là-dedans. Il se trouve que Nico exploite mieux et trouve mieux ses marques sur un tour. Cependant, il a du mal à concrétiser en course à l’inverse d’un Hamilton. Lewis ne termine pas très loin de Rosberg et si on l’avait laissé conduire la stratégie qu’il voulait tenter, c’est-à-dire ne pas s’arrêter une deuxième fois, Hamilton aurait peut-être été capable de rester devant.

« Mercedes a le souci de traiter ses deux pilotes à parité »

Hamilton aurait-il pu l’emporter en ne repassant pas par les stands selon vous ?

On aurait évidemment assisté à un retour de Rosberg dans les derniers tours, mais Lewis aurait possiblement pu le contenir. Je ne pense sincèrement pas qu’Hamilton ait connu une quelconque baisse de forme à Mexico. Cela arrangeait tout le monde que Rosberg remporte cette course. Cette victoire permet à Nico de reprendre largement la deuxième place au championnat et Mercedes signe un nouveau doublé. Je crois que pour apaiser les tensions qui ont surgi à Austin à cause du dépassement d’Hamilton dans le premier virage et de l’erreur de Nico, là c’est à lui qu’il en voulait, ce succès de Rosberg arrange tout le monde. Cela rassure Robserg tout en n’étant pas vraiment grave pour Hamilton puisqu’il termine quand même sur les talons de son coéquipier.

Hamilton a déclaré après la course que « le team a voulu encourager Rosberg » en l’empêchant de n’effectuer qu’un seul arrêt et donc de remporter la course. Pensez-vous comme l’Anglais que Mercedes a en quelque sorte privilégié une victoire de Rosberg au Mexique pour redonner confiance à l’Allemand ?

Encore une fois, ce résultat arrangeait tout le monde à commencer par Mercedes. Si on avait laissé Hamilton mener sa stratégie à lui, on aurait pu raviver quelques tensions au sein du team. Mercedes a, depuis le début de la saison dernière, le souci de traiter ses deux pilotes exactement à parité. Si Mercedes demandait à un de ses pilotes d’adopter une stratégie qui n’était pas déterminée par l’écurie elle-même, on peut forcément affirmer qu’elle aurait permis à Hamilton de faire ce qu’il voulait contrairement à Rosberg puisqu’on l’avait déjà stoppé. À partir du moment où ils avaient arrêté Nico, ils devaient également faire rentrer Lewis. Il faut se replacer dans le contexte pour comprendre que Mercedes domine tellement de toute façon qu’ils n’avaient rien à craindre de personne. Ils pouvaient arrêter leurs deux pilotes.

« Faire rentrer les deux pilotes était la seule stratégie possible »

Comprenez-vous le choix stratégie opéré par la firme à l’étoile ?

Complètement. Si j’étais le patron de Mercedes, j’aurais fait la même chose. J’aurais également stoppé Rosberg puisqu’il avait largement le temps de changer les pneus et repartir tranquillement terminer la course. J’aurais aussi arrêté Hamilton, histoire de ne pas les traiter différemment. Alors oui Hamilton peut « pleurnicher » un peu en prétextant que si on l’avait laissé en piste il aurait peut-être gagné, mais cette stratégie lui a profité à d’autres occasions dans la saison. La règle d’équipe a prévalu sur ses ambitions personnelles. En tant que journaliste et passionné de F1, je trouverais formidable que chaque pilote fasse ce qu’il veut. Mais il ne faut pas rêver ou être naïf. Si les pneus d’Hamilton avaient explosé, qu’il s’était mis dans le mur ou qu’il avait perdu la course à cause de cela, cela aurait été une erreur de management de Mercedes. Faire rentrer les deux pilotes était donc la seule stratégie possible.

Contrairement aux attentes, Red Bull a plutôt bien fonctionné sur un tracé pourtant peu propice à son moteur Renault. Si elle est encore loin des Mercedes, l’écurie quadruple championne du monde semble retrouver de l’allant dans cette fin de saison. Vous y attendiez-vous ?

On sait de toute façon que le châssis Red Bull est bon. On l’a vu à plusieurs reprises sur certains circuits dans le passé. Ce qui pêche vraiment c’est le moteur. Le manque de performance du V6 Renault, et de tous ses composants, pénalise énormément Red Bull. Je me répète sans doute, mais je ne peux pas croire que Renault soit devenu un mauvais motoriste. Quand on parle de moteur aujourd’hui, on fait référence au groupe propulseur avec le système de récupération, le système de régurgitation, les batteries et tout le bazar. Les Red Bull étaient moins chargées en aéro que les autres voitures et malgré cela elles se faisaient facilement prendre en ligne droite par les moteurs Mercedes. Pourtant, leur châssis est tellement performant qu’elles arrivaient à compenser dans la partie du retour après les deux lignes droites du début. Le châssis Red Bull a toujours été bon, comme le châssis Toro Rosso et comme je pense aussi le châssis McLaren.

« Renault ne peut plus apposer son nom sur le capot des Red Bull »

Les rumeurs évoquent de plus en plus la possibilité que Red Bull monte des moteurs Renault rebadgé l’an prochain comme on avait pu le voir chez Benetton et Williams avec Mecachrome ou Supertec à la fin des années 90. Ne serait-ce finalement pas la moins mauvaise option pour toutes les parties ?

Il s’agit de toute façon de la seule solution. On l’a bien compris et l’on ne va pas revenir sur les autres possibilités. Ferrari a refusé, Mercedes aussi et du coup Honda a également rejeté tout partenariat puisque McLaren a mis son véto. Il ne reste donc qu’une seule solution : rester avec Renault. Alors effectivement ce n’est pas forcément la piste qu’ils privilégiaient dans la mesure où cela va être une année un peu blanche pour Renault, y compris pour son équipe si jamais le rachat se concrétise avec Lotus. On attend d’ailleurs toujours la confirmation de ce rachat. Imaginons que cela se fasse, ils ont plutôt intérêt à se faire discret. Le moteur peut clairement être rebadgé Infiniti puisque la marque sponsorise déjà Red Bull.

Cette éventuelle réconciliation entre Renault et Red Bull est-elle vraiment une bonne chose ?

Cela peut permettre de « sauver les apparences » et de préserver l’honneur de chacun. Red Bull ayant craché sur Renault en tant que tel et Renault ayant courbé l’échine sans réagir, le motoriste français ne peut décemment plus apposer son nom sur le capot des monoplaces autrichiennes. Il y aura certainement une sorte transaction entre les parties concernées. Je reste persuadé depuis le début que cela fait l’objet d’un accord à trois. Bernie Ecclestone et Jean Todt font pression sur Renault afin qu’ils continuent à fournir Red Bull l’an prochain. En contrepartie Bernie leur permettra sans doute d’accéder au statut d’écurie historique avec à la clé un super bonus. Renault pourrait ainsi récupérer 20 ou 30 millions de dollars supplémentaires en prize money chaque année.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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