Jean-Luc Roy : « Ce succès de Rosberg arrange tout le monde » (2/2)

Jean-Luc Roy Mexique 2015
Jean-Luc Roy pense que Kimi Räikkönen n’est plus dans le coup cette saison chez Ferrari.
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Fondateur de la « Télévision Grande Vitesse » en 1999, Jean-Luc Roy a consacré toute sa carrière au sport automobile. Commentateur des Grand Prix sur RMC depuis 2008, l’ancien journaliste de Kiosque affiche toujours la même passion pour une discipline dont il ne se prive pourtant pas à dénoncer les dérives. Toujours aux manettes du « Debriefing F1 », l’ancien chroniqueur de l’Équipe revient sur la dix-septième manche de la saison courue au Mexique. Du week-end parfait de Nico Rosberg, à la belle performance des Red Bull en passant par le cauchemar vécu par Ferrari ou encore l’aseptisation de l’ancien tracé de Mexico : le président de Motors TV analyse en exclusivité pour Warm-up F1 tous les événements marquants de cette épreuve mexicaine.

Ferrari a vécu un Grand Prix catastrophique à Mexico. La Scuderia n’accroche pas le moindre point pour la première fois de la saison et enregistre son premier double abandon depuis 2006. La belle série de l’écurie la plus titrée de l’histoire a brutalement pris fin sur l’Autodrome Hermanos Rodriguez …

Clairement. La performance de la voiture n’entre toutefois pas en jeu dans ce résultat blanc. Avec tout le respect qu’on leur doit, je crois que les pilotes sont les uniques responsables à Mexico. Vettel s’est une première fois sorti dans les esses. Il a lui-même confessé son erreur. Il assume également sa sortie de piste à la fin de la course. L’accrochage du premier virage avec Ricciardo fait malheureusement partie du jeu. Sa crevaison l’a condamné à réaliser une course d’attaque afin de revenir dans le coup. Et en attaquant comme un malade il se sort même si je reste persuadé qu’il n’est pas le seul responsable dans son crash. Je vais une nouvelle fois taper sur le moteur et la réglementation, mais ce système de récupération d’énergie pourrit les zones de freinage des pilotes puisqu’il y a un aspect qu’ils ne maîtrisent pas du tout.

À l’inverse de son coéquipier Kimi Räikkönen, Vettel ne serait-il donc pas entièrement à blâmer pour son abandon ?

La manière dont la voiture récupère l’énergie est entièrement gérée par l’électronique. On sait tous très bien que les pilotes sont obligés de lever le pied 50 mètres avant de vraiment freiner. Le problème vient donc de là à mon avis. On n’assiste plus du tout à des freinages d’anthologie comme ceux que l’on connaissait par le passé. Aujourd’hui, des éléments extérieurs rentrent en ligne de compte. Cela a malheureusement coûté cher à Vettel au Mexique. Il a beau en assumer la pleine responsabilité, je ne crois pas pour autant qu’il soit responsable à 100% de cette sortie de piste. Quant à Räikkönen, je confirme ce que j’ai déjà dit depuis longtemps : selon moi il n’y est plus. Cela reste un bon pilote et un type que l’on aime bien. Kimi demeure un champion du monde, mais il n’est plus dans le coup. Je suis persuadé que si on mettait au hasard un Alonso ou un Ricciardo dans la deuxième Ferrari, on aurait d’autres résultats que ceux obtenus depuis le début de la saison par Räikkönen.

« La réglementation est tout simplement débile »

Les McLaren Honda ont encore souffert de problèmes de fiabilité récurrents au Mexique. Face au manque de progrès évident affiché par le motoriste japonais doit-on déjà s’inquiéter pour McLaren en vue de 2016 ?

C’est une certitude. Il n’y a pas un seul signe positif même si on avait noté une légère amélioration ici ou là. Ils ne sont en réalité  pas du tout dans le coup. Là encore c’est tellement technique qu’il est difficile de savoir ce qui cloche réellement chez Honda. Ils sont indéniablement partis dans la mauvaise direction. Comme je l’ai déjà évoqué par ailleurs dans le Debriefing F1, le problème ne vient pas d’Honda ou de Renault selon moi. La réglementation est tout simplement débile. Je ne peux pas croire que des gens du talent et de la compétence de Renault ou de Honda soient devenus mauvais en matière de moteur. Ils ne sont certainement pas bons en matière de récupération d’énergie, de régurgitation d’énergie et de tout ce qu’il y a autour. Tout ce qui personnellement ne m’intéresse pas du tout. Je pense que leur moteur en tant que tel, le vrai moteur thermique, doit forcément être bon.

La complexité de la réglementation actuelle explique-t-elle l’incapacité de réaction du motoriste japonais ?

Sans aucun doute. Comme la réglementation est mal foutue, appliquée trop vite et sans queue ni tête, ils n’arrivent pas à se mettre au niveau. Encore une fois, les ingénieurs de Honda ne sont pas devenus mauvais du jour au lendemain. Les seuls à avoir bien travaillé au final c’est Mercedes. Ferrari a certes rattrapé une petite partie de son retard, mais ils sont encore clairement un bon niveau en dessous. Je le redis : c’est la réglementation qui est débile. Pour en revenir à Honda, oui il y a déjà lieu de s’inquiéter énormément. Il y a forcément des tensions entre McLaren et Honda. Je ne sais pas comment cela va se terminer à long terme, cependant cela ne peut pas durer très longtemps comme ça. On a de surcroît bien compris que les recettes de l’écurie, les vraies recettes issues de la Formule 1, vont être totalement dérisoires cette année. Cela va quand même commencer à poser un vrai problème de financement.

« Les nouveaux circuits pardonnent beaucoup plus »

Le retour du Mexique au calendrier a unanimement été salué par tous les pilotes et les écuries du championnat. Si le succès a été total, le Grand Prix en lui-même n’a guère été très passionnant. Hermann Tilke n’est-il une nouvelle fois pas allé trop loin en dénaturant complètement l’ancien tracé sous l’autel de la sécurité ?

C’est une vraie bonne question. Comment concilier les exigences de la sécurité d’aujourd’hui avec le caractère des anciens tracés ? C’est toujours la même chose. On va être encore quelques uns à le dire ces prochaines années : le courage fait partie des qualités d’un pilote. Alors si l’on veut gommer cette notion de vrai courage, c’est-à-dire braver le danger, forcément on en arrive à des circuits aseptisés. On voit bien que l’on peut aujourd’hui sortir à 300 km/h puisqu’il y a une zone de 80 mètres de goudron derrière. On se récupère et on a juste raté son coup. Comme dans les jeux vidéo. C’est d’ailleurs pour cette raison que des Verstappen ou des Kvyat, soyons crus, peuvent aller aussi vite aussi tôt. Avant ils se seraient certainement fait très mal à plusieurs endroits. Comme ils ne se blessent plus aujourd’hui, ils peuvent tout se permettre c’est-à-dire notamment freiner trop tard. Je ne remets pas en cause leur talent, car de toute évidence ils sont très talentueux. Cela reste difficile d’aller très vite, mais les nouveaux circuits pardonnent beaucoup plus qu’auparavant.

La nouvelle version du tracé de Mexico vous a-t-elle convaincu ?

Ce nouveau Mexico est l’un des moins mauvais ou à l’inverse l’un des meilleurs boulots de Tilke par rapport à un tracé donné. Après oui je sais bien la Peraltada était vraiment une courbe mythique. Mais si on voulait garder ce contexte et surtout ce site, casser la vitesse des voitures était à mon avis la seule solution envisageable parce qu’aujourd’hui on imagine à quelle vitesse ils passeraient là-dedans. Riccardo Rodriguez s’y était malheureusement tué, Ayrton Senna y était violemment sorti. Il y a eu des énormes accidents puisque c’était une courbe hyper rapide. Elle rappelle un peu la parabolique de Monza. On n’a pas cassé la vitesse pour le coup à Monza, mais on a tellement dégagé autour que ce n’est plus du tout la même chose. Tant mieux, je n’aime pas que les pilotes se fassent mal. Ce n’est pas la question. Mais évidemment quand on met un dégagement autour les choses deviennent beaucoup plus faciles. On peut se permettre de trop attaquer, on sort, on se dit : « non là ça ne passe plus » donc on revient un peu arrière. Avant ce n’était pas possible.

« En France tout le monde s’en fout »

L’engouement enregistré à Mexico pendant les trois jours du week-end peut-il donner des idées aux promoteurs des Grand Prix Européens ?

J’aimerais bien que cela leur donne des idées. Mais j’aimerais déjà qu’il en reste des promoteurs de Grand Prix européens parce qu’au rythme où ça va je suis évidemment inquiet pour l’avenir. Le seul critère que l’on prend en compte aujourd’hui c’est le fric et la somme que le promoteur est prêt à mettre sur la table pour accueillir un Grand Prix. Le circuit de Silverstone a été en danger. La situation semble apparemment stabilisée pour quatre ou cinq ans, mais le Grand Prix d’Angleterre a été fortement menacé. Monza est très en danger, Spa a également été en danger dans le passé. La France n’en parlons plus ou du moins parlons en au passé désormais. Pour ce qui est de l’Allemagne, on sait bien que c’est très compliqué aussi et qu’il a fallu essayer de mettre en place cette règle de l’alternance qui n’a, au final, pas fonctionné. À l’inverse de tous ces pays, les Mexicains ont encore, à l’instar des Brésiliens, des Anglais et des Italiens, de l’enthousiasme pour la F1. C’est par exemple ce qu’il manque énormément à un pays comme la France.

La France est-elle condamnée à ne plus jamais accueillir la Formule 1 ?

Je le crains hélas. On a assisté à la mort du Grand Prix de France sans que cela ne soulève la moindre émotion hormis chez les vrais passionnés que nous sommes. Il n’y a pas eu de réaction en haut lieux. Quelque soit leur couleur, les politiques n’ont pas été plus émus que cela. Alors qu’en réalité cela se joue à quelques millions d’euros. Les grandes sociétés françaises impliquées dans l’automobile, le sponsoring, le pneu ou dans le carburant, n’ont également pas affiché le moindre signe de soutien. On a le sentiment qu’en France tout le monde s’en fout. Heureusement, il existe encore des pays enthousiastes comme le Mexique même s’ils n’avaient plus connu la F1 depuis 23 ans. L’Angleterre reste aussi un pays de passionnés. En l’occurrence des gens ont pris leur destin en main au Mexique. Carlos Slim et son fils ont fait ce qu’il fallait. C’est hyper réjouissant de voir des personnes qui ont le courage de faire ce qu’ils ont fait. Ils ont vraiment réalisé du bon boulot. Je crois que le Mexique est maintenant parti pour un long bail. En tout cas je l’espère.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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