Lauréate de la deuxième édition du Monaco World Sports Legends Award, Michèle Mouton revient sur la trépidante saison 2017 du WRC.
Elle est arrivée dans le monde de la course par hasard au détour d’une rencontre lors d’un banal concert de rock. Elle y a pourtant laissé une trace indélébile. Première femme à s’imposer durablement au plus haut niveau, Michèle Mouton est même passée tout près de la couronne mondiale en rallye au cours d’une saison 1982 restée dans les annales de la discipline. Finalement battue aux points par Walter Röhrl (l’Allemand comptant deux victoires contre trois à la Française en fin d’année) alors qu’elle venait tout juste d’apprendre la disparition de son père, celle que l’on a surnommé « le Beau Volcan noir » pendant sa carrière n’a pas pour autant tout perdu au moment de son revers ivoirien. Bien au contraire. En devenant la première et jusque-là l’unique femme vice-championne du monde des rallyes, l’ancienne pilote Audi a obtenu l’immuable estime de toute la gente masculine. Et décroché le statut de légende. Toujours aussi dévouée à la cause du « sexe faible », la Grassoise s’occupe désormais de promouvoir le rôle des femmes en sport automobile pour le compte de la FIA. Également impliquée dans la sécurité des rallyes, elle officie en tant que Manager Général du WRC depuis 2011, Michèle Mouton veille à la bonne santé de son sport de prédilection. Avec dévotion et passion. C’est ainsi en toute logique que « la Sorcière Blanche » a accepté de se pencher sur une saison 2017 exceptionnellement disputée et qui aura vu le roi Sébastien Ogier mater une concurrence plus redoutable que jamais.
Le pilote Hyundai peut-il se relever de cet échec ou est-il condamné à rester dans l’ombre d’Ogier?
Oui, sans aucun doute. Thierry reste quelqu’un de très solide et je peux vous assurer que dans sa tête il a déjà oublié sa défaite. Thierry doit bien évidemment regretter le scénario de ce championnat, mais il a très probablement tiré un trait sur son échec mondial en 2017. Quand on court à un tel niveau, on est uniquement focalisé sur la prochaine course. On essaye simplement de tirer les conclusions de ce qu’il s’est passé auparavant, puis on tourne la page et on regarde vers l’avant. On se sert de nos erreurs pour grandir.
Ott Tänak a, quant à lui, véritablement explosé la saison passée en remportant deux rallyes soit autant que son illustre coéquipier chez Ford Sébastien Ogier. L’Estonien vous-a-t-il bluffé en 2017 ?
Clairement, même si je m’attendais à une telle progression de sa part. Tänak avait déjà prouvé son talent en 2016. Il ne faut pas oublier qu’il avait failli s’imposer en Pologne avant qu’une crevaison ne vienne le priver d’un succès amplement mérité. Il avait manqué de chance sur ce coup-là. Il a également réalisé deux ou trois performances très intéressantes cette saison-là témoignant de ses réels progrès. Ott est l’un des pilotes qui s’est amélioré le plus vite l’an dernier.
Comment avez-vous perçu l’éclosion de ses nouveaux talents en WRC ?
De manière positive bien évidemment. L’émergence de ces pilotes nous a offert une superbe bagarre en 2017. Elfyn Evans s’est lui aussi révélé sur la fin. Seul Paddon a peut-être un peu déçu la saison dernière. Tous les autres ont progressé. Les voitures et les équipages évoluant quasiment tous au même niveau, on a pu éviter de revivre des saisons comme celles marquées sous le sceau de Volkswagen. Car en plus de posséder une auto dominante, ils avaient également les meilleurs équipages. Cette redistribution des cartes a renforcé le rôle du pilote. Et c’est en ça que ce championnat 2017 a été magnifique.
« L’intelligence de course d’Ogier a aussi fait la différence. Il sait pousser quand il le faut et se contenir lorsqu’il n’a pas les moyens de jouer la gagne »
Tänak défendra les rangs de Toyota en 2018 après avoir passé ses six dernières années sous les couleurs du team M-Sport. Doit-on déjà l’ériger comme l’un des favoris à la prochaine couronne mondiale ?
Indubitablement oui. Toyota a répondu présent en 2017 à la plus grande surprise de nombreux observateurs. D’aucuns imaginaient qu’il leur faudrait plus de temps d’adaptation. Or, ils ont immédiatement été dans le coup. Le championnat en est sorti grandi. Avec une année d’expérience derrière eux, ils seront encore plus solides cette saison d’autant que Tänak évoluera aux côtés de Jari-Matti. 2018 sera plus beau encore que 2017.
Pour son grand retour à la compétition, Toyota a réalisé une saison prometteuse marquée notamment par les succès de Latvala en Suède et de Lappi en Finlande. Qu’a-t-il manqué au constructeur japonais pour venir se mêler à la lutte avec M-Sport et Hyundai ? Plus d’expérience ?
Je ne crois pas que le manque d’expérience de l’équipe ait eu un réel impact sur leurs performances. En revanche, Jari-Matti a connu pas mal de soucis mécaniques. Cela compte à la fin. Et l’intelligence de course de Sébastien Ogier a aussi fait la différence. Il sait pousser quand il le faut et se contenir lorsqu’il n’a pas les moyens de jouer la gagne. Ses multiples secondes places lui ont octroyé de très précieux points au championnat. Cette approche très cérébrale de la course l’a sûrement aidé à gagner l’année passée et à compenser quand la voiture ne répondait pas à ses attentes.
Ogier a d’autant plus de mérite que contrairement à ses adversaires, il n’a pas vraiment eu le loisir d’apprivoiser la Fiesta pendant l’hiver …
Complètement. Il faut quand même se souvenir que Sébastien est monté dans la voiture sans effectuer pratiquement aucun essai au préalable. Il n’a pas eu le temps de développer l’auto à sa guise non plus. Démarrer dans de telles conditions est tout sauf facile, car cela nécessite automatiquement un temps d’adaptation. Sébastien est toutefois brillamment parvenu à surmonter cet écueil et à inscrire des points d’entrée. Sa régularité tout au long de la saison 2017 a été la clé de son succès.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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