Les circuits mythiques : Buenos Aires (1/2)

Fangio argentine 1955
Juan-Manuel Fangio reste le pilote le plus victorieux avec quatre succès entre 1954 et 1957.
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Ardemment soutenu par le président de l’époque, Juan Peron, le projet de construction de l’autodrome Juan y Oscar Galvez prend corps au début des années 50. Dessiné dans l’immense parc d’Almirante-Brown, au nord-ouest de Buenos Aires, le circuit argentin devient le premier tracé à recevoir la Formule 1 en Amérique du Sud, le 18 janvier 1953. Mais après deux coupures de 12 et 14 ans, pour autant de modifications de la piste, la patrie du grand Juan-Manuel Fangio est délaissée par la catégorie reine en 1998 faute de pouvoir assumer les importants travaux de réhabilitation d’un circuit à la sécurité devenue obsolète.

Référence absolue dans le milieu de la course à la sortie de la guerre, l’Allemagne et son plus illustre représentant Mercedes ont longtemps bénéficié de l’appui soutenu du gouvernement germanique en matière de sport automobile. Dotée d’un terrain d’essai incomparable avec le Nürburgring, l’Allemagne jouit, en outre, d’un appui politique sans commune mesure avec les autres nations européennes. Pourtant, un autre pays va bénéficier du soutien important de son gouvernement pour ancrer son nom dans le calendrier de la Formule 1 : l’Argentine. Amoureux de compétition automobile, le président de l’époque, Juan Peron, subventionne les débuts en Grand Prix de plusieurs de ses jeunes compatriotes dans les années 40. Mais l’ancien militaire ne compte pas en rester là.

Pour définitivement asseoir l’Argentine au niveau international, la participation au championnat du monde de F1 devient indispensable. Or, le pays ne bénéficie d’aucun tracé digne de ce nom. Un comble quand on possède en ses rangs un pilote d’exception en la personne de Juan-Manuel Fangio. Sous l’impulsion de son chef d’État, l’Argentine choisit l’immense parc Almirante-Brown afin d’y implanter son futur tracé. Construit sur un terrain marécageux, le circuit développe 3,912 km dans sa configuration initiale. Achevé en mars 1952, il prend la dénomination d’Autodrome 17 Octobre en référence à la date à laquelle le président Peron fut libéré de sa captivité après avoir passé plusieurs jours en prison. Divisible en douze configurations différentes, le tracé accueille sa première course avec la Coupe Peron qui voit « El Maestro » triompher à domicile. Après un pressing appuyé auprès des organisateurs de la catégorie reine, Peron obtient l’organisation d’un Grand Prix l’année suivante.

La chasse gardée d’El Maestro

Très rapide, le tracé à la forme triangulaire, se compose des virages diaboliques (Curvón Passadore, Ascari ou encore Horquilla) entrecoupés par trois chicanes plus piégeuses les unes que les autres. Si le circuit argentin ne possède pas de dénivelés importants, il tire sa force par son caractère intrinsèquement rapide et l’ambiance qui se dégage de ses tribunes pleines à craquer. « La chose formidable sur ce tracé, c’était l’atmosphère qui émanait du public, révèle Jacques Laffite. Les spectateurs dansaient et chantaient dans les gradins. Il y avait une vraie ferveur autour de la F1. » Le 18 janvier 1953, le monde de la F1 se rend enfin en Argentine. Au terme d’une course de plus de trois heures, qu’il aura dominé de bout en bout, Alberto Ascari inscrit en premier son nom au palmarès de l’épreuve. Hélas, cette première visite de la F1 sur le sol argentin est entachée par un terrible accident. Particulièrement agitée, une partie du public décide de franchir le cordon de sécurité mis en place par la police sud-américaine afin de se rapprocher au plus près de ses héros.

Remonté à la 3ème place après s’être défait de José Gonzalez en début de course, Giuseppe Farina perd le contrôle de sa Ferrari et s’en va violemment percuter le groupe de spectateurs installé au bord de la piste. Le bilan est très lourd : neuf morts et plus de 40 blessés. En dépit du drame, la catégorie reine retrouve son escale sud-américaine en 1954. Nouveauté de taille : les pilotes arpentent désormais le circuit dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Très animée, cette deuxième édition du Grand Prix d’Argentine sacre l’idole de tout un peuple : Juan-Manuel Fangio. Mieux, le futur quintuple champion du monde coiffe la victoire les deux saisons suivantes avant de remporter un ultime succès à domicile, l’année de sa dernière couronne en 1957. Sur le déclin après sept saisons au plus haut niveau, « El Maestro », enregistre en 1958 une ultime place d’honneur en s’adjugeant la 4ème position de son dernier Grand Prix à domicile. Nouvelle star montante de la catégorie reine, Stirling Moss signe en ce 19 janvier la toute première victoire d’une F1 à moteur arrière.

Délaissée par le paddock en 1959, la manche argentine revient au calendrier un an plus tard. Seulement treizième sur la grille, Bruce McLaren réalise une remontée de folie et empoche la deuxième victoire de sa carrière après avoir arraché la tête du Grand Prix à Jo Bonnier à seulement treize tours de l’arrivée. Théâtre du dixième et dernier podium en F1 de Maurice Trintignant, cette septième édition marque une première coupure entre la catégorie reine et le pays de Fangio. La retraite de l’idole de tout un peuple conjugué à l’exil politique de Peron et une succession de gouvernements instables conduisent à l’abandon de la manche sud-américaine en 1961. L’attente durera plus de douze ans. Seul le retour au pouvoir d’un gouvernement militaire va permettre au parc Almirante-Brown de rugir de nouveau aux sons des moteurs. Modifié au niveau du virage d’Horquilla, la longue ligne droite a laissé place à un virage serré à droite, le tracé sud-américain ne développe désormais plus que 3,345 km.

Andrea Noviello

Jackie Stewart s'impose en 1972 devant le bouillant public argentin.
Jackie Stewart s’impose en 1972 devant le bouillant public argentin.
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