Les circuits mythiques : Montjuïc (2/2)

Emerson Fittipaldi Montjuic 1973
Emerson Fittipaldi remporte l'édition 1973 après s'être élancé de la 7ème place sur la grille de départ.
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Instauré sous l’impulsion du pilote allemand Rudolf Caracciola, le circuit de Montjuïc est inauguré le 25 juin 1933 en plein cœur de Barcelone. Mélange de portions lentes et de courbes ultra-rapides, le tracé catalan accueille sa première course de Formule 1 en 1969. Si le caractère sélectif de la piste enchante les pilotes, sa sécurité précaire conduira rapidement à sa perte. Au terme d’une quatrième édition marquée par le terrible accident de Rolf Stommelen, l’épreuve est définitivement bannie du calendrier.

Endroit le plus périlleux du circuit, la « bosse de l’Estadio » conserve son aspect originel malgré les inquiétudes formulées par les membres du CSI (Commission Sportive Internationale) qui auraient aimé y voir greffer une chicane afin de ralentir les monoplaces. Théâtre de la première apparition des pneus slicks en Formule 1, le manufacturier américain Firestone lançant les toutes premières gommes lisses de l’histoire en réponse aux pneus à faibles sculptures fournis par Goodyear en Afrique du Sud, l’édition de 1971 est de nouveau émaillée par de nombreuses casses mécaniques. Ses lignes droites courtes (400 mètres pour celle des stands), ses dénivelés importants (90 mètres entre le point le plus haut et le plus bas du tracé) et ses virages au rayon improbable font de Montjuïc un véritable calvaire pour les hommes et les machines. Dix pilotes sont contraints à l’abandon lors d’une course de nouveau remportée par Stewart au terme d’un somptueux duel avec la Ferrari de Jacky Ickx.

L’Écossais offre à cette occasion le tout premier succès en F1 d’une Tyrrell un an après le lancement de l’écurie éponyme. De retour au calendrier en 1973 après la traditionnelle alternance avec Jarama, Montjuïc conforte un peu plus sa place dans le microcosme de la F1 grâce à un week-end exempt de toute anicroche. Largement dominateur en qualification, le Suédois s’offrant la pole position avec sept dixièmes d’avance sur le deuxième Denny Hulme, Ronnie Peterson marque de son empreinte le troisième Grand Prix d’Espagne disputé sur le circuit catalan en réalisant un impressionnant cavalier seul avant que la boîte de vitesse de sa Lotus ne le trahisse à moins de 20 tours de l’arrivée. Seulement septième sur la grille, Emerson Fittapaldi hérite d’une victoire inespérée après avoir su profiter des nombreux abandons de ses adversaires pour remonter progressivement dans la hiérarchie. Rejeté au 14ème rang par une crevaison, François Cevert réussira lui aussi un incroyable retour aux avant-postes achevant son superbe Grand Prix à la deuxième place devant George Follmer auteur de son premier et unique podium en F1 au volant de la Shadow.

Le drame Stommelen

Bien qu’appréciée par les pilotes pour son cadre idyllique et son tracé élitiste, la piste barcelonaise s’attire les foudres du microcosme de la F1 pour ce qui restera comme son dernier Grand Prix en 1975. Dès les premières séances d’essais, les pilotes montent au front et dénoncent la mauvaise fixation des rails de sécurité. Furieux et agacé par l’incompétence des organisateurs, Emerson Fittipaldi tourne au ralenti lors des qualifications en signe de protestation et refuse de prendre part à la course. Si ses collègues lancent un appel à la grève, les organisateurs catalans menacent les pilotes et écuries de poursuites judiciaires en cas de désistement. Pire, la garde civile du général Franco est prête à confisquer les voitures des différentes équipes si ces dernières n’obtempèrent pas. Hormis le double champion du monde brésilien, tous les pilotes prennent finalement le départ donné comme toujours à 10 heures du matin, corrida espagnole oblige.

Mais après une seule boucle parcourue Wilson Fittipaldi, le frère d’Emerson, et Arturo Merzario se retirent volontairement de la course, laissant leurs camarades s’expliquer sur un tracé devenu bien trop dangereux à leurs yeux. Leurs craintes vont, hélas, très vite se vérifier. Au terme du 23ème tour, dix pilotes ont déjà abandonné dont sept sur sortie de piste. Le pire est pourtant à venir. Leader du Grand Prix alors qu’il s’élançait d’une lointaine 9ème place sur la grille, Rolf Stommelen voit l’aileron arrière de son Embassy-Hill se briser en pleine ligne droite alors qu’il s’apprête à avaler la « bosse de l’Estadio ». L’Allemand perd instantanément le contrôle de sa voiture et s’envole dans un lampadaire tuant cinq personnes. Sérieusement blessé aux jambes, poignets et côtes, Stommelen ne reprendra le volant d’une Formule 1 que trois mois plus tard en Autriche. Interrompue dix longues minutes après l’accident, la course sacre finalement Jochen Mass, l’Allemand empochant au passage son seul succès en F1.

En terminant sixième d’une épreuve qui n’aura vu que huit monoplaces franchir la ligne d’arrivée, Lella Lombardi devient, quant à elle, la première femme à inscrire un point en catégorie reine. Arrêtée après seulement 29 tours parcourus, la manche n’octroie finalement qu’un demi-point à l’Italienne partie depuis l’avant dernière place sur la grille et auteur d’une splendide remontée. Dénoncé avec véhémence par l’ensemble du plateau avant la course, l’indigne sécurité du circuit catalan causera sa perte. Lassée par tant d’amateurisme, la F1 abandonne définitivement le merveilleux cadre de Montjuïc au soir de sa quatrième édition et ce malgré les promesses formulées par les organisateurs en vue de l’édition 1977 (La bosse de l’Estadio devait laisser place à une chicane afin de ralentir les monoplaces). La montagne magique referme ses portes et laisse l’Espagne orpheline d’un circuit certes dangereux, mais au charme ô combien inimitable.

Andrea Noviello

Rolf Stommelen Carlos Pace Montjuic 1975
Le terrible accident de Rolf Stommelen en 1975 scellera le sort du circuit de Montjuic en F1.
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