
Lointain dix-septième du championnat pilotes avec un maigre butin d’onze points amassés en cinq courses, Norman Nato a vécu un début de saison 11 tronqué par les pénalités. Victorieux, puis déclassé il y a trois semaines de cela à Miami, le pilote Nissan sait qu’il ne peut plus se permettre le moindre impair au moment d’attaquer un ePrix de Monaco déjà crucial pour lui.
Il croyait avoir définitivement lancé sa saison 2025 de Formule E à Miami. Auteur de sa toute première pole position dans la discipline sur le tracé niché à l’intérieur du célèbre speedway, Norman Nato avait ensuite enchaîné avec une course de toute beauté de l’autre côté de l’Atlantique. Vainqueur sur le fil d’un Pascal Wehrlein particulièrement coriace, le Cannois pensait alors, à tort, pouvoir célébrer sa deuxième victoire en FE depuis son entrée dans le championnat de monoplaces 100% électriques en 2021. Que nenni ! Déclassé après l’arrivée pour ne pas avoir totalement utilisé son deuxième « Attack Mode », le pilote Nissan est reparti de Floride sans les vingt-cinq points qu’il méritait, mais avec la satisfaction d’avoir enfin pu montrer sa pointe de vitesse à tout le reste du plateau. Distancé de 58 unités par son coéquipier et leader du classement pilotes Oliver Rowland (69 points. Ndlr), le Tricolore veut profiter du double rendez-vous monégasque de ce week-end pour stopper l’hémorragie au championnat et confirmer le potentiel entrevu sur le sol américain.
Vous arrivez à Monaco avec un petit pécule de onze points récoltés en cinq courses. Quel regard portez-vous sur ce début de championnat quelque peu compliqué ?
Il a été difficile dans le sens où l’on a perdu beaucoup de points. La position au championnat ne reflète clairement pas la performance affichée depuis le début de la saison. Je gagne en piste à Miami, j’aurais donc dû empocher 25 points là-bas, mais je ne les ai pas. À Sao Paulo (Brésil), je suis en tête de la course quand j’écope d’un drive-through pour surpuissance. Je termine sixième jour-là avec le meilleur tour en prime et après coup je reprends une pénalité (cette fois pour une position incorrecte au moment du restart. Ndlr). Tous ces points que l’on a perdu au classement, on ne le retrouvera jamais. Maintenant, on est performant et la voiture marche bien. Si on me rajoute simplement les points que je viens de citer, je devrais occuper le top cinq du championnat. Pour un retour dans l’équipe, c’est plutôt pas mal. Mais une chose est certaine toutefois : avec tous ces points égarés, on n’a plus le droit à l’erreur.
Ce week-end, vous allez quasiment rouler à domicile vous qui êtes nés à seulement une petite cinquantaine de kilomètres de la Principauté. Retrouver le circuit princier au moment même où vous sortez d’une très grosse prestation à Miami doit forcément vous réjouir …
Absolument. Être à Monaco, c’est dans tous les cas toujours un plaisir. Cela va être ma huitième participation ici toutes catégories confondues. C’est un peu comme les 24 Heures du Mans, on ne s’y habitue jamais réellement. À chaque fois que l’on vient en Principauté, on est comme des gamins. On a le sentiment de vivre quelque chose d’unique. Je suis très content d’être là d’autant que pour la première fois on va avoir un double-header à Monaco. Physiquement et mentalement, cela va être dur. Comme vous l’avez justement rappelé, je sors d’un gros week-end à Miami. Et de manière plus globale, le début de saison a été plutôt bon si l’on s’attarde uniquement sur la performance pure. J’ai toujours été compétitif en essais libres ou en qualification. Je suis en confiance dans la voiture. J’ai donc bon espoir de pouvoir réussir un très bon résultat ce week-end.
Pour la première fois de sa jeune histoire avec la Formule E, Monaco accueillera deux courses cette année dont une, la première, avec la toute nouvelle procédure du Pit Boost. En quoi ce ravitaillement obligatoire change-t-il votre approche du week-end ?
Cela reste assez nouveau pour tout le monde. On a donc vite fait de se retrouver du bon ou du mauvais côté de la stratégie. J’ai envie de dire que c’est un peu une question de chance. Ou de réussite. Quand la pièce tombe du bon côté, évidemment on prend. Dans l’autre cas, on ne peut qu’accepter la situation à l’image de ce qu’il m’est arrivé il y a trois semaines à Miami. Ce sont, malheureusement, des choses que l’on ne pas contrôler. Si cela doit arriver, cela arrivera. Le Pit Boost complique un peu la donne sur le plan stratégique. Mais cela reste du sport automobile et de la Formule E. À Miami, on perd la victoire sur un manque de chance. On a tout bien fait ce jour-là, on a gagné la course en piste, mais ce drapeau rouge est, hélas, venu tout gâcher. Quoiqu’il puisse se passer ce week-end à Monaco, il faudra déjà que de notre côté on fasse le job. Il faudra tout bien faire et ensuite on verra bien où l’on terminera.
« On n’est clairement pas dans un schéma à la Miami où l’on peut pratiquement doubler huit ou neuf voitures en un seul tour. Honnêtement, si l’on parvient à en dépasser une ou deux ici ce sera déjà très bien »
De par son dessin et surtout l’étroitesse de sa piste, le circuit de Monaco favorise sans doute un peu moins les dépassements que les autres tracés du calendrier. Pour espérer briller en Principauté, faudra-t-il obligatoirement réussir sa qualification ?
Complètement. La qualification va être assez importante quand même surtout en course 1, car l’énergie sera un peu plus « simple » à gérer qu’en course 2. Les dépassements vont être assez compliqués ici. Alors bien sûr les quatre roues motrices seront un avantage à Monaco, mais la piste n’en restera pas moins serrée. Si on excepte le virage de Sainte-Dévote, il est quasiment impossible de dépasser dans tout le secteur 1. Et encore si on s’y attend, on peut défendre dans le premier virage. On n’est clairement pas dans un schéma à la Miami où l’on peut pratiquement doubler huit ou neuf voitures en un seul tour. Honnêtement, si l’on parvient à en dépasser une ou deux ici ce sera déjà très bien. Mais encore une fois, les dépassements seront très difficiles.
Cet ePrix de Monaco édition 2025 risque de mettre à rude épreuve les hommes et les machines compte tenu de son programme très matinal, mais aussi du faible laps de temps offert aux équipes pour effectuer des changements sur les autos entre les différentes cessions. Selon vous, est-ce le plus frais physiquement et le plus lucide mentalement qui parviendra le mieux à tirer son épingle du jeu en Principauté ?
Le plus lucide, pas forcément. Cela s’annonce, de toute façon, compliqué pour tout le monde. Quand tout se passe bien, on consomme automatiquement moins d’énergie et on se pose aussi moins de questions. Si cela se passe mal en revanche … Pour répondre à votre question, je ne crois pas que la différence puisse se faire sur le plan physique. Nous sommes suffisamment entraînés pour y faire face. En ce qui me concerne, je participe également à des courses d’Endurance donc j’ai l’habitude de courir sur des longues distances. Quand on prend part à une course de 24 Heures, on finit automatiquement par manquer de lucidité à un moment ou un autre. Mais il faut savoir répondre présent dans les moments clés. Ici, on va devoir bien gérer nos FP1 et FP2 tout en essayant de se reposer un minimum entre les séances.
Bien récupérer, ce sera la clé pour performer lors de ce double-header monégasque ?
Totalement. C’est ça qui s’annonce le plus difficile pour nous et pour l’équipe. Le matin, le réveil va sonner à 5 heures et jusqu’à la course on va quasiment enchaîner non-stop. Une fois la course terminée, il faudra analyser les datas et préparer celle du lendemain. Or, on va encore se lever tôt le dimanche. Pendant deux jours, on ne va pratiquement pas arrêter. C’est pour cela que j’ai dit que physiquement ce serait un week-end exigeant. Ce sont quand même des autos compliquées à piloter. Le samedi, le rythme sera très élevé avec la FP1, la FP2, les qualifications et la course. Sur le plan mental, ce sera du non-stop.
« La seule case que je n’ai pas encore coché à Monaco, c’est la Formule E. Depuis mes débuts en kart, cette épreuve m’a toujours réussi. Il faut donc que je parvienne à concrétiser en FE »
Revenons, si vous le voulez bien, sur ce tracé iconique de Monaco. En quoi cette piste est-elle si différente des autres circuits sur lesquels vous pouvez courir en Formule E ?
C’est Monaco, tout simplement. N’importe quel pilote a envie de gagner Monaco et ce quelque soit sa nationalité. Ici, j’ai envie de dire que votre plus grand ennemi c’est vous-même. Il est facile de trop en faire. Tout le monde connaît très bien ce circuit. Ce n’est pas forcément le plus exigeant d’un point de vue pilotage, mais si on n’en fait pas assez, on peut facilement prendre un ou deux dixièmes dans la vue. Or, deux dixièmes à Monaco signifie quasiment dix places sur la grille. Il n’y pas de marge d’erreur. Comme souvent en Formule E, il faut tout le temps rouler au-delà de la limite. Ce circuit m’a plutôt bien réussi dans le passé et ce quel que soit la catégorie. Pour l’instant, cela n’a pas vraiment marché en FE donc j’espère que ce week-end ce sera la bonne.
Comment expliquez-vous justement que le vainqueur de la Monaco Kart Cup 2010 ou encore de la Formule 3.5 2014 n’ait encore jamais réussi à triompher en Principauté au volant d’une Formule E ?
En qualification, cela a plutôt bien marché à chaque fois. Lors de la saison 9, j’ai signé le troisième chrono avec Nissan. Mais en course, ce fut toujours un peu compliqué (rires. Ndlr). C’est d’ailleurs ce que je disais à mes ingénieurs ce matin. La seule case que je n’ai pas encore coché à Monaco, c’est la Formule E. Depuis mes débuts en kart, cette épreuve m’a toujours réussi. Il faut donc que je parvienne à concrétiser en FE. J’ai toujours été rapide ici donc ce n’est pas un problème de vitesse. Maintenant, la course n’est jamais simple en Principauté. Il faut parvenir à tout mettre bout à bout et avoir aussi un peu de réussite. Tout le monde a une extra-motivation en arrivant ici, car ils veulent tous la gagner. Il faut tout faire encore plus parfaitement que d’habitude pour espérer au moins décrocher un podium.
Le fait qu’il y ait deux courses cette année et potentiellement deux vainqueurs différents, est-ce que cela atténue un peu la valeur d’un succès dans les rues de la Principauté ?
Non, je ne le crois pas. Après, je peux comprendre que cela puisse faire bizarre de voir un vainqueur le samedi et un autre le dimanche. Mais on ne va clairement pas se plaindre de rouler plus à Monaco. Sur ce point-là, on est tous d’accord. Maintenant, cela peut effectivement être confusant pour les personnes qui consultent les réseaux ou même pour vous les médias qui devez écrire un papier le samedi et un autre le dimanche. À moins que ce soit le même pilote qui remporte les deux courses … Ce serait exceptionnel. Encore une fois, je peux comprendre que sur le plan des résultats, cela peut paraître un peu étrange, mais franchement on ne va pas râler parce que l’on roule davantage à Monaco. Celui qui prétendra le contraire sera, franchement, de mauvaise foi.
Andrea Noviello
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