Sevré de victoires depuis près de trois mois, Lewis Hamilton s’est parfaitement relancé en triomphant d’un Grand Prix des États-Unis soporifique à souhait. De retour à son meilleur niveau dans son jardin d’Austin, l’Anglais coiffe le 50ème succès de sa carrière et recolle à 26 points de son coéquipier Nico Rosberg, deuxième de la course, au championnat. Victime de la nouvelle intervention injustifiée de la virtual safety-car, Daniel Ricciardo complète le podium de ce dix-huitième rendez-vous de la saison.
Il n’y avait plus goûté depuis près de trois mois et son lointain succès sur les terres de son rival Nico Rosberg à Hockenheim. Entre temps, une cascade de mauvais départ (Italie, Japon) est venue mettre un sérieux frein à ses ambitions de troisième titre mondial consécutif chez Mercedes. Pire, la malchance s’est également abattue sur lui le jour où il aurait dû renouer avec les lauriers à Sepang au sortir d’une démonstration de force magistrale. Hélas pour le Britannique, la mécanique en avait décidé autrement, repoussant de facto son retour sur la plus haute marche du podium. Dévasté par la déception après son abandon en Malaisie, Lewis Hamilton a longtemps crié à la théorie du complot avant de comprendre que son courroux, aussi justifié soit-il, ne servirait pas ses intérêts à l’amorce de la dernière ligne droite du championnat.
Remobilisé par sa claque de Suzuka, le triple champion du monde a enfin retrouvé à Austin la sérénité qui lui avait tant manqué ces derniers temps. Un ton au-dessus de son voisin de garage en qualification, l’Anglais a confirmé sa (très nette) supériorité en course. Parfait au moment de l’extinction des feux, Hamilton n’a ensuite eu qu’à dérouler pendant 56 tours pour s’offrir sans véritable opposition la 50ème victoire de sa carrière, le quatrième en cinq participations sur le COTA. « Austin a toujours été un endroit très particulier pour moi, confie à l’arrivée le pilote flanqué du numéro 44. J’adore les États-Unis, je m’y sens comme à la maison. Cette cinquantième victoire a mis un moment à venir. Je suis en F1 depuis dix ans et j’ai eu la chance de travailler avec des gens incroyables. Arriver à un tel nombre me semble irréel. Maintenant, je vais tout mettre en œuvre pour continuer à piloter de la sorte. La bataille n’est pas terminée. »
Ricciardo le bondissant
Crédité la veille de sa toute première pole position sur le circuit des Amériques, Hamilton a néanmoins conscience que les statistiques ne plaident pas en sa faveur. À trois reprises lors des quatre dernières éditions, l’homme s’élançant depuis la deuxième place sur la grille (lui en l’occurrence) s’est imposé à Austin. L’an dernier, il avait notamment su profiter de sa position intérieure dans le premier virage pour gentiment écarté Rosberg de son chemin au sommet de la montée. Outre la menace de son coéquipier chez Mercedes, Hamilton doit également surveiller celle toute aussi potentiellement dangereuse de Daniel Ricciardo. L’Australien a opté la veille pour des supertendres, des gommes qui doivent lui permettre de mieux s’extraire de son emplacement que les deux Mercedes équipées de pneus tendres. Le pari du pilote Red Bull ne fonctionnera qu’à moitié. Logiquement bien parti, le natif de Perth profite de la prudence de Rosberg au premier virage pour subtiliser la deuxième place à l’Allemand.
Mais devant Hamilton n’a pas tremblé et vire logiquement en tête dans la descente. Plus personne ne le reverra. Relativement propre entre les gros bras, le départ provoque en revanche quelques remous dans le milieu du peloton. Arrivé avec sans doute un peu trop de vitesse, Nico Hulkenberg part dans une glissade incontrôlée et va encastrer sa Force India dans la Williams du malheureux Valtteri Bottas. Si le vainqueur 2015 des 24 Heures du Mans doit déjà mettre pied à terre, direction hors-service, le Finlandais n’est guère plus chanceux, le contact ayant occasionné une crevaison qui l’oblige à stopper à son box dès la fin du premier tour. Dans l’agitation de cette première boucle, Daniil Kvyat a également envoyé en tête-à-queue la seconde Force India de Sergio Perez tandis qu’à l’avant Sebastian Vettel tente, sans grande réussite il est vrai, de se défaire de ce diable de Max Verstappen. Rejeté au troisième rang, Rosberg n’a quant à lui déjà quasiment plus la moindre chance de jouer la victoire à Austin.
Le pari de Rosberg
Rassuré par son envol sans anicroche, Hamilton met rapidement son dauphin Ricciardo hors de portée de la zone DRS (Drag Reduction System). En huit tours, l’écart entre les deux hommes dépasse les 2,6 secondes ce qui pousse Red Bull à anticiper le premier passage par les stands de « Smiling ». Arrêté à la fin du 8ème passage, l’Australien repart devant la McLaren de Jenson Button, une chance dont ne peut se targuer Kimi Räikkönen appelé lui aussi par son pit-wall à monter les pneus tendres. Le bon début de Grand Prix d’ « Ice-Man », il avait surpris Verstappen à l’extinction des feux et se maintenait relativement facilement proche de Rosberg, est en partie compromis. Stoppé au 9ème tour par Red Bull, l’Hollandais en profite pour reprendre la quatrième place au champion du monde 2007 à la suite d’un pit-stop parfaitement exécuté. Si le leader Hamilton calque sa stratégie sur les autres gros bras en montant lui aussi des gommes tendres sur sa flèche d’argent dans la 11ème boucle, il n’en va pas de même pour l’autre représentant de la firme à l’étoile.
Persuadé que seule une stratégie décalée peut lui permettre de ravir la deuxième place à Ricciardo, Rosberg opte pour les mediums dans l’optique de prolonger un maximum son seconde relais. Le pari du double vice-champion du monde est audacieux. Il sera finalement payant, même si la réussite ne l’aura une nouvelle pas oublié. Revenu dans le sillage de la Mercedes du natif de Wiesbaden au 16ème passage, il s’était déjà joué de la Ferrari de Räikkönen trois tours plus tôt, Verstappen va indirectement favoriser la stratégie du fils de Keke. Après avoir en vain tenté d’éliminer la flèche d’argent, le Batave se loupe complètement en rejoignant la voie des stands dans la 24ème boucle alors qu’il n’y a pas été convié par son équipe. Le jeune prodigue abandonne dans l’opération ses dernières chances de monter sur le podium et tombe au sixième rang. Pire, les interminables 9,2 secondes d’attente lors du changement de pneus ont occasionné des dégâts irréversibles sur la Red Bull.
Une virtual safety-car contestable
La boîte de vitesse du Néerlandais rend l’âme au 30ème tour, contraignant Verstappen à immobiliser sa RB12 sur le bas-côté près d’un poste de commissaires. Si la monoplace du fils de Jos ne représente aucun danger pour le reste du peloton, la Fédération Internationale de l’Automobile choisit tout de même de sortir la voiture de sécurité virtuelle. Une décision aussi incompréhensible que lourde de conséquences sur le scénario de la course. Trop heureuse de profiter d’un arrêt au stand « gratuit », Mercedes rappelle ses deux autos la boucle suivante. Hamilton et Rosberg repartent ainsi chausser d’un train de médiums neuf au plus grand désarroi d’un Ricciardo dépité de se voir injustement souffler une deuxième place amplement méritée de la sorte. « Nous avons perdu dix secondes avec la virtual safety-car, peste l’Australien. J’aurais dû avoir une marge de cinq secondes sur Nico après la deuxième salve des pit-stops. Même s’il m’avait rattrapé, j’aurais au moins pu me battre. Alors qu’après cela, la course n’avait plus aucun intérêt. »
Dépourvu d’enjeu à l’avant du peloton, Hamilton comptant plus de dix secondes d’avance sur Rosberg, le Grand Prix réserve tout de même aux amateurs de spectacle une fin d’épreuve un peu plus épicée. Si l’abandon de Räikkönen dans le 38ème passage en raison d’une roue mal serrée s’inscrit comme une énième péripétie dans la saison cauchemardesque de Ferrari, il fait néanmoins les affaires d’un trio d’outsiders avide de gros points. Propulsé en cinquième position par l’abandon d’ « Ice-Man », Carlos Sainz doit conjuguer avec la pression de Felipe Massa, mais surtout avec celle d’un Fernando Alonso survolté. Après avoir pris le meilleur sur son ancien coéquipier chez Ferrari d’une manière certes quelque peu cavalière dans le virage 15, le « Taureau des Asturies » élimine également son compatriote à un tour de l’arrivée malgré la défense, une nouvelle fois, plus que répréhensible de « Carlito ». Alonso termine cinquième dans le même tour qu’Hamilton, grand vainqueur du premier round de la tournée américaine.
Andrea Noviello
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