Tombé en dix-septième position après un arrêt imprévu en début de course, Daniel Ricciardo a remporté un Grand Prix d’Azerbaïdjan complètement fou. Aidé par des circonstances favorables et l’auto élimination du duo Hamilton-Vettel, l’Australien a remonté tout le peloton pour conquérir la cinquième victoire de sa carrière en Formule 1. Revenu de nulle part, Valtteri Bottas coiffe sur la ligne la deuxième place à un Lance Stroll extrêmement solide dans les rues de Bakou.
Même dans ses rêves les plus fous, jamais Daniel Ricciardo n’aurait sans doute imaginé pareil scénario pour cette première édition du Grand Prix d’Azerbaïdjan. Toujours autant desservi par la faiblesse de son moteur Renault sur un tracé faisant la part belle à la puissance et à la souplesse des V6 turbo hybride, l’Australien avait, de surcroît, commis l’erreur à ne pas commettre lors de la séance qualificative en allant tutoyer d’un peu trop près les murs du circuit. Seulement dixième sur la grille, le pilote Red Bull ne partait clairement pas avec les faveurs des pronostics. Sa cote allait même complètement s’écrouler après seulement six tours couverts lorsqu’un débris logé dans l’une de ses écopes de freins l’obligea à s’arrêter inopinément à son stand. Rétrogradé en dix-septième position, « Smiling » ne pouvait dès lors plus rien espérer de cette huitième manche de la saison. Du moins le croyait-on à ce moment-là. Car une succession d’incidents va totalement relancer le Grand Prix du natif de Perth.
Outre les abandons précoces de Palmer, Kvyat et Verstappen, ce sont surtout les trois interventions successives de la voiture de sécurité et les différents coups de théâtre impactant les leaders de l’épreuve qui vont replacer l’Australien au centre du jeu. Passé au travers de toutes les embûches, Ricciardo prend les commandes des opérations au 35ème tour au moment où son ancien coéquipier chez Red Bull, Vettel, rentre purger sa pénalité de dix secondes. Il ne sera plus rejoint. Brillant d’opportunisme, « Ricci » enlève sur les bords de la Mer Caspienne la cinquième victoire de sa carrière, la première en 2017. « Je n’arrive pas à y croire, révèle le pilote flanqué du numéro 3. Cette course a été complètement folle. Nous savions que le podium était envisageable après le nouveau départ, mais jamais je n’aurais misé de l’argent sur une victoire. Cette année, on a eu la course que tout le monde attendait la saison dernière. C’était le chaos. On a réussi à en sortir indemne et cela a payé. »
Verstappen encore victime de son moteur
Installé au sommet de la grille de départ pour la 66ème fois de sa carrière, Hamilton tire habillement parti de sa pole pour virer en tête dans le premier virage. Si l’Anglais a déjà échappé au danger d’une mise en action toujours périlleuse en peloton, derrière lui tous ne peuvent pas en dire autant. Poussé vers l’extérieur par un petit décalage au freinage du triple champion du monde, Valtteri Bottas doit défendre sa position des assauts de son compatriote Kimi Räikkönen à l’amorce du virage 2. Un peu trop généreux sur l’attaque du vibreur, le pilote Mercedes rebondit avant d’envoyer involontairement la Ferrari d’« Ice-Man » dans le mur. Malgré un double contact plutôt sévère contre le béton, Räikkönen s’en tire à moindre frais. Seules la Force India de Sergio Perez et la Red Bull de Max Verstappen ont profité de l’aubaine pour s’infiltrer devant lui. Pour Bottas en revanche, l’addition est beaucoup plus salée. Une crevaison à l’avant-droit et un aileron-avant sérieusement chiffonné vont le contraindre un passage anticipé par les stands afin de réparer. Son Grand Prix d’Azerbaïdjan est bien mal embarqué.
Celui de Daniel Ricciardo n’a pas beaucoup mieux commencé. Parvenu à gratter une place grâce aux malheurs du Finlandais, le pilote Red Bull doit stopper à son box dès le 6ème tour en raison de l’obstruction de l’une de ses écopes de freins par un débris. Renvoyé en piste en gommes tendres, « Smiling » pointe alors au dix-septième rang. Loin, très loin même de la Mercedes de tête pilotée par un Hamilton au top de sa forme. Nanti d’une confortable marge de 3,3 secondes sur son dauphin Sebastian Vettel, l’Anglais domine allègrement ce début de Grand Prix. La lénifiant scénario de 2016 semble vouloir bégayer, mais c’était sans compter sur la fragilité des mécaniques et la nervosité des pilotes sur le tarmac surchauffé (51° au sol) de Bakou. Après l’abandon précoce de la Renault de Jolyon Palmer (problème de freins) dès le 8ème passage, un premier cador va trébucher. Alors qu’il n’a jamais été aussi menaçant derrière la Force India de Sergio Perez, Max Verstappen voit son moteur l’abandonner une nouvelle fois dans la 12ème boucle.
Hamilton-Vettel la guerre est déclarée
Si le prodigue néerlandais peut tout de même ramener sa RB13 meurtrie à son stand, Daniil Kvyat n’a pas cette chance. Trahi par un souci électrique, le pilote Toro Rosso est contraint d’immobiliser sa machine en bord de piste. Restée inactive sur les bords de la Mer Caspienne l’an dernier, la Safety-Car rentre en piste au 13ème tour. Ce ne sera pas la dernière fois de l’après-midi. Véritable aubaine pour Bottas, le Finlandais pouvant ainsi se dédoubler et revenir dans le tour des leader, l’entrée de la voiture de sécurité provoque alors une certaine confusion dans le peloton. Relancé au 17ème passage, le Grand Prix est presque aussitôt neutralisé, la Ferrari de Räikkönen ayant laissé échapper plusieurs débris dans la ligne droite des stands après avoir dû s’incliner face à Felipe Massa et Esteban Ocon. En charge de dicter le rythme de la relance une fois tous les morceaux de carbone retirés trois boucles plus tard, le leader Hamilton se montre particulièrement lent à repartir. Pire, le Britannique use même d’un stratagème mesquin, en freinant brusquement en sortie de virage, pour tenter de piéger son rival direct Vettel.
Surpris par la soudaineté de la manœuvre, le pilote de la Scuderia percute l’arrière de la flèche d’argent du triple champion du monde. Furieux, « Baby-Schumi » vient alors se placer à la hauteur d’Hamilton avant de lui adresser un grossier coup de volant. « Son comportement n’est pas digne d’un pilote de course, atteste le natif de Stevenage. En Formule 1 on se doit d’être respectueux. S’il veut prouver qu’il est un homme il doit le faire, mais en dehors de la piste. Piloter de la sorte est dangereux et donne le mauvais exemple aux millions de jeunes qui nous regardent à la télé. » Électrique, cette deuxième relance se tend encore plus quelques mètres plus loin lorsque les deux Force India se décident à vouloir jouer des coudes. Mieux sorti du virage 1 que son coéquipier, Ocon plonge à l’intérieur dans la courbe suivante avant de tasser vigoureusement le Mexicain contre le mur en sortie. Le contact est inévitable. « Checo » y laisse son aileron-avant tandis que le Tricolore crève à l’arrière-droit. Elle l’ignore encore, mais l’écurie indienne vient de perdre une occasion en or d’amener ses deux voitures sur le podium.
Stroll comme un vieux briscard
Les débris étant cette-fois bien trop nombreux en piste, la direction de course brandit le drapeau rouge et décide d’arrêter (provisoirement) le massacre. Au terme d’une (longue) pause de vingt minutes, le Grand Prix reprend ses droits derrière la voiture de sécurité. Lâchés par Bernd Mayländer au 24ème passage, les pilotes peuvent de nouveau s’en donner à cœur joie. S’il s’était déjà distingué dans la 10ème boucle en passant coup sur coup la Sauber de Marcus Ericsson et la Toro Rosso de Carlos Sainz au freinage du premier virage, Ricciardo réalise un autre chef d’œuvre en se jouant, bien aidé il est vrai par le DRS et le phénomène d’aspiration, à la fois des deux Williams de Lance Stroll et de Felipe Massa, mais aussi de la Renault de Nico Hulkenberg. Magistralement orchestrée, cette manœuvre va offrir à l’Australien un succès inespéré. Car devant lui, les leaders Hamilton et Vettel sont sur le point de rendre les armes. Trois tours après les abandons d’Hulkenberg et de Massa, Hamilton est victime du détachement de son appui-tête.
Malgré quelques vaines tentatives de le tenir à bout de main en ligne droite, le pilote Mercedes se résout à s’arrêter à son stand afin d’en changer. L’Anglais stoppe dans le 32ème tour au moment même où la FIA choisit de punir Vettel pour son geste déplacé. Condamné à un Stop-and-Go de dix secondes, l’Allemand abandonne lui aussi toute chance de victoire. Les malheurs des uns faisant le bonheur des autres, Stroll et Magnussen se retrouvent bombarder dans le top 3. Si le Danois cédera logiquement aux assauts de machines bien plus véloces que sa Haas, le débutant Canadien ne flanchera que devant le seul Bottas à seulement quelques mètres de la ligne d’arrivée. Reste qu’en terminant à la troisième place, le champion en titre de F3 décroche le premier podium de sa jeune carrière le jour où Fernando Alonso (9ème) empoche, lui, les premiers points de McLaren en 2017. « Ce résultat est une formidable récompense, savoure le pilote Williams. J’ai vécu quelques courses difficiles depuis le début de l’année, mais les deux dernières se sont vraiment bien déroulées. J’ai gagné en confiance dans la voiture et les ingénieurs m’ont aidé à revenir vers des réglages plus efficaces. »
Andrea Noviello
Poster un Commentaire