Alain Prost : « On a mal jugé les nouveaux règlements aérodynamiques » (1/2)

Alain Prost Sportel Monaco 2019
Alain Prost regrette de ne pas être davantage écouté par les instances malgré son immense vécu en F1.
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Récompensé lors de la cérémonie des Sportel Awards, Alain Prost explique sans détour les raisons du mauvais championnat réalisé par Renault en 2019.

Dans sa tumultueuse, mais très fructueuse carrière de pilote il fut souvent incompris. Moqué pour ses sautes d’humeur, admiré pour la pureté de ses trajectoires, Alain Prost a longtemps entretenu un rapport ambigu avec le public français. Mauvais perdant pour les uns, pilote de génie pour les autres, le quadruple champion du monde de Formule 1 a pendant de très nombreuses années vu sa côte de popularité dans l’hexagone osciller entre l’amour fou et l’amour vache. Désavoué par son propre pays au soir du clash du Paul-Ricard avec René Arnoux (l’Isérois refusant de céder la victoire à son coéquipier chez Renault lors du Grand Prix de France 1982 comme il s’y était pourtant engagé avant le départ de la course Ndlr), l’ancien habitant de Saint-Chamond (Loire) a depuis totalement reconquis le cœur de ses compatriotes, s’imposant même comme l’une des figures sportives les plus populaires en France. Vénéré pour son duel de légende avec Ayrton Senna, idolâtré pour son palmarès exceptionnel (il a coiffé en 199 Grand Prix 51 victoires, 33 pole positions, 41 meilleurs tours en course et 106 podiums) en catégorie reine, le « Professeur » savoure aujourd’hui pleinement une réconciliation qu’il aurait cru impossible du temps où il avait, maladroitement, reproché aux Français de préférer les perdants aux vainqueurs. Engagé depuis plusieurs années maintenant aux côtés du Renault F1 Team (il a d’abord occupé un rôle d’ambassadeur avant de devenir conseiller spécial de l’écurie Ndlr), le désormais directeur non exécutif consacre l’essentiel de ses journées à ramener la seule écurie tricolore du plateau vers les sommets de la grille. Une tâche loin d’être évidente, mais que le natif de Lorette s’efforce de mener à bien en puisant dans son inestimable expérience de la course.

Comme tous les ans, le Sportel Monaco a récompensé la plus belle image sportive de l’année lors d’une cérémonie de remise des prix organisée dans l’enceinte du Grimaldi Forum. Une image de sport vous a-t-elle davantage marqué qu’une autre au cours des dernières décennies ?

Beaucoup d’images me reviennent en tête, mais si je dois n’en retenir qu’une seule, alors je ressortirais la finale de Wimbledon 2008 entre Roger Federer et Rafael Nadal (victoire de l’Espagnol au terme d’un combat haletant de 4h48 Ndlr). J’ai toujours eu un petit faible pour Federer, mais il me semblait impossible d’avoir un vainqueur et un vaincu ce jour-là. Des souvenirs comme ça j’en ai plein, mais celui-là m’a profondément marqué. J’essaye toujours d’observer la dimension humaine d’un événement. Quand vous en venez à souhaiter qu’aucune des deux équipes ne gagne ou qu’aucun des deux sportifs en lice ne l’emporte, alors le sport prend tout son sens. Et cela devient vraiment beau.

En plus de 45 ans de carrière dans le sport automobile, vous avez endossé une multitude de casquettes : pilote, patron d’écurie, journaliste, consultant, ambassadeur … En quoi cette polyvalence a-t-elle été enrichissante pour vous ?

C’est une chance d’avoir vécu toutes ces expériences. J’ai même eu l’opportunité de collaborer avec la fédération. J’ai travaillé pour des constructeurs français, anglais, italiens, allemands, japonais ou encore américains. J’ai également possédé une équipe en France, un pays assez spécial quand vous êtes entrepreneur. J’ai vu de l’intérieur quasiment toutes les facettes de ce sport et c’est ce vécu qui m’offre aujourd’hui une expérience, des connaissances et une certaine légitimité pour pouvoir dire les choses. Ce bagage, c’est une vraie force ! Maintenant, suis-je davantage écouté pour autant ? Pas forcément, mais c’est malheureusement le système qui veut ça.

« L’aérodynamique de la voiture n’est clairement pas au point. On le sait. C’est d’ailleurs le principal point négatif de notre saison »  

Comme l’accident mortel d’Anthoine Hubert à Spa (Belgique) l’a tristement rappelé, le danger reste une partie intégrante de la course automobile. Les pilotes sont, hélas, toujours confrontés à l’imprévu …

On est, malheureusement, bien placé pour le savoir avec l’accident d’Anthoine en Belgique. C’est une évolution constante à tous les niveaux. Et qui dit évolution constante dit forcément quelques mauvaises surprises de temps en temps. Heureusement, on voit moins de choses bizarres aujourd’hui qu’à notre époque. De nos jours, une voiture qui fonctionne bien sur un circuit et pas du tout sur un autre, cela n’existe plus. Mais l’incertitude existe toujours oui.

Après avoir régulièrement progressé depuis son retour officiel à la compétition en 2016, Renault a subitement régressé en 2019, achevant sa saison à une très lointaine cinquième place. Comment expliquez-vous un tel déficit de points (54) par rapport à votre principale rivale McLaren ?

Je crois que l’on a mal jugé les nouveaux règlements aérodynamiques notamment en ce qui concerne les changements de l’aileron-avant. L’aérodynamique de la voiture n’est clairement pas au point. On le sait. C’est d’ailleurs le principal point négatif de notre saison. Pour ce qui est de l’écart avec McLaren, je n’aime pas prononcer le mot malchance, mais la réussite nous a fui à quelques reprises. À Bahreïn, on a par exemple raté de gros points avec l’abandon des deux voitures. Même chose avec la disqualification du Japon. À chaque fois que l’on aurait dû ramener un bon résultat, on a rencontré des problèmes et de son côté McLaren est passée au travers des ennuis. Cela fait vite une différence sur le plan comptable. Aujourd’hui, ils ont un meilleur châssis que nous. C’est indéniable. Cela explique pourquoi nous n’avons pas été la quatrième force du plateau en 2019.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Alain Prost projection film Monaco Grand Prix
Pour Prost, l’écart avec McLaren s’explique par de trop nombreuses occasions manquées en 2019.
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