Anne Giuntini : « Hamilton a face à lui un vrai battant » (1/2)

Anne Giuntini
Anne Giuntini ne voit pas Ferrari revenue complètement aux avant-postes.
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Plume inimitable et reconnue du seul quotidien sportif français depuis 1987, Anne Giuntini peut se targuer d’avoir connu l’âge d’or de la Formule 1. Toujours autant passionnée d’une discipline à laquelle elle aura consacré plus de 28 ans de sa carrière, le grand reporter de L’Équipe dissèque la 8ème course de la saison en Autriche. De l’impérial succès de Nico Rosberg, à la déception Ferrari, en passant par les malheurs de Red Bull et McLaren ou de la crise actuelle de la catégorie reine : la journaliste aux 28 saisons de F1 analyse en exclusivité pour Warm-up F1 les moments forts de ce week-end autrichien.

Anne, Nico Rosberg décroche en Autriche le 11ème succès en Formule 1 au terme d’une course magistrale. Cette victoire s’est-elle entièrement bâtie sur le bon envol de l’Allemand ?

Oui, c’est certainement une course qui s’est jouée au départ. Mais cela n’enlève rien à la manière remarquable dont Rosberg a ensuite conduit son Grand Prix. Le départ était parfaitement maîtrisé. Quelques aient été par ailleurs les soucis d’Hamilton, Rosberg a pris un très bel envol. Il a, par la suite, mené une course absolument exemplaire, sans fautes et sans la moindre défaillance. Et sincèrement, il a de nouveau prouvé, si à un moment donné on a pu douter un petit peu non pas de ses compétences parce qu’on le connaît, il en a des compétences, il a du talent, mais si à un moment donné on a pu se dire qu’Hamilton avait vraiment pris l’ascendant sur lui et bien je pense qu’après cette course la réponse n’est pas aussi claire. Hamilton a face à lui un vrai battant qui est loin d’avoir dit son dernier mot au championnat du monde et qui se battra certainement jusqu’au bout. Comme Rosberg le disait, alors on ne sait pas exactement quelle est la nature de ce qu’il a trouvé, mais il a trouvé quelque chose en lui cette année qui lui permet d’avoir franchi encore un pas. Je l’ai trouvé grand sur cette course.

Rosberg a devancé son coéquipier Lewis Hamilton tout le week-end si on excepte les qualifications qui demeurent son point faible cette saison. Le Rosberg conquérant de 2014 est-il enfin de retour selon-vous ?

Je ne pense pas que l’on avait perdu le Rosberg de 2014. Il a toujours été là. Simplement à un moment donné, on a quand même eu le sentiment, en tout cas moi je l’ai eu, qu’Hamilton évoluait un cran au-dessus. J’ai ressenti cette sensation toute la saison dernière tout en ayant le plus grand respect pour Rosberg. Cependant, j’ai vraiment eu le sentiment qu’Hamilton avait quelque chose en plus. J’ai encore eu cette impression en début de saison et là je me dis qu’avec Rosberg il a quand même un adversaire à sa hauteur, à sa dimension. Ce sont tous les deux de très bons pilotes. On a d’un côté un grand champion et de l’autre un champion potentiel réel qui s’il venait à décrocher le titre le mériterait de toute façon.

« On a deux grands pilotes qui s’affrontent »

Lewis Hamilton a pour la deuxième fois cette saison après l’Espagne été dominé à la régulière par son voisin de garage. Est-ce juste un autre week-end sans pour le Britannique ou le signe d’une éventuelle baisse de forme ?

Je ne dirais pas qu’il ait été dominé à la régulière tout du moins en course. Il a eu un problème technique au départ. Il a ensuite mené son Grand Prix comme il a pu. Il effectivement déclaré que Rosberg avait un meilleur rythme que lui en course, mais je pense que si Hamilton avait réussi son départ, il serait à mon avis resté devant. La domination de l’un ou de l’autre ne me paraît pas évidente. On a deux grands pilotes qui s’affrontent. Je ne parlerais toutefois pas de domination de l’un des deux.

Felipe Massa signe à Spielberg le 40ème podium de sa carrière en Formule 1. Après plusieurs courses passées dans l’ombre de son coéquipier Bottas, le Brésilien se relance sur un tracé qui lui avait déjà réussi l’an dernier. Cette belle 3ème place va-t-elle lui être bénéfique en vu de la suite de la saison ?

Oui, cela va lui faire du bien, mais il ne faut pas non plus se voiler la face. Massa, on l’aime beaucoup. Il est charmant, attachant, mais il est plus vers sa fin de carrière que vers le début. Je crois que Bottas a beaucoup plus de choses à prouver. Tout simplement. Ce bon résultat est assez circonstanciel dans le cas de Massa. C’est une bonne chose pour lui et une bonne chose pour Williams. Ce podium nous fait forcément plaisir, mais on ne peut pas en tirer de leçon définitive. On l’apprécie sur le moment, on est content. Maintenant, je pense que ce n’est pas déterminant pour la suite de sa carrière. Ce  podium n’est pas fondamental. Il y a tellement d’autres pilotes que l’on a envie de voir dans des bonnes voitures et dans des bonnes équipes que l’on va moins, alors c’est un petit peu cruel ce que je dis là, se soucier du sort de Massa.

« Je vois mal Red Bull quitter la F1 »

On attendait beaucoup de Ferrari sur ce week-end compte tenu des évolutions apportées sur le V6 Turbo italien depuis Montréal. Au final entre la nouvelle bourde en qualification privant Räikkönen de Q2, l’erreur au stand sur la machine de Vettel et le crash du Finlandais en course, rien n’a tourné rond pour l’équipe de Maranello …

Ce n’était clairement pas un grand week-end pour eux. Mais contrairement à beaucoup, je trouve un peu exagéré quand j’entends, je lis ou je vois des gens qui s’extasient sur le retour ou la résurrection de Ferrari. Leur saison dernière était carrément catastrophique. Ferrari ne pouvait pas tomber plus bas et là ils sont revenus à peu près au niveau où ils évoluaient en 2011. En 2012 ils ont failli gagner le championnat. Ils avaient réussi, autant eux qu’Alonso, une saison parfaite avec une voiture imparfaite. Cette année, ils sont revenus dans une position décente pour une équipe qui a autant de moyens et qui possède en ses rangs deux très bons pilotes. Rien de plus. Qu’ils commettent des faux pas de temps en temps, c’est un petit peu dans leur logique du moment. Cela ne me choque pas et ne me surprend guère parce que je ne vois pas du tout Ferrari revenue complètement aux avant-postes. Ils sont mieux que l’année dernière. Heureusement d’ailleurs parce qu’ils pouvaient difficilement être plus mal. Cependant, ils ne sont de toute façon pas là où ils devraient être.

Red Bull constitue l’autre déception de ce rendez-vous autrichien. L’écurie quadruple championne du monde n’a encore été que l’ombre d’elle-même à domicile. Les mauvais résultats à répétition depuis l’entame du championnat vont-ils pousser Dietrich Mateschitz à se désengager de la F1 ?

Je n’ai évidemment pas la réponse. Je ne suis pas dans la tête de Dietrich Mateschitz. Je ne crois pas qu’ils se désengageront de la Formule 1, car elle leur rapporte pour le moment tellement d’image et de ressources. Je vois mal Red Bull quitter la F1. En revanche, ce que je n’arrive pas à distinguer ce sont les intentions de Mateschitz, Horner, Marko et peut être de Gerhard Berger parce qu’on l’a beaucoup vu avec eux ce week-end. Je ne sais pas du tout où Red Bull veut en venir. Ont-ils envie de s’impliquer différemment dans la Formule 1 ? Je n’en sais rien, alors là c’est vraiment moi qui spécule, mais veulent-ils prendre la place de Bernie Ecclestone un jour ou l’autre ? Ou bien se disent-ils que ce sont eux qui devraient être le promoteur de cette discipline ? Je ne sais pas. Je trouve toutefois les discours de Mateschitz plein de sous-entendus et de message que je n’arrive pas à décrypter. Alors qu’ils se désengagent de la F1, ça ne je le crois pas. Qu’ils aient envie de la pratiquer d’une autre manière ou qu’ils aient envie d’avoir d’autres partenaires que Renault avec eux, ça c’est certain. Arriveront-ils à les avoir et si oui quand ? Ça reste le grand point d’interrogation.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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