Emanuele Pirro : « Les pilotes et les commissaires se complètent » (1/2)

Emanuele Pirro Sportel Monaco
Emanuele Pirro considère comme une bonne chose l'arrivée d'un pilote parmi les commissaires.
Facebooktwitter

Auteur d’un passage furtif en Formule 1, Emanuele Pirro a toutefois gardé un pied dans l’univers des Grand Prix. Convié à assister au 25ème anniversaire du Sportel Monaco, le salon international du sport et des médias, l’ancien pilote Benetton décortique son rôle de commissaire-pilote et explique les raisons de la complexification à outrance des règlements en F1.

Emanuele, vous êtes commissaire-pilote depuis l’instauration du système en 2010. L’une des critiques le plus souvent émise par les fans concerne le trop grand nombre de sanctions adressées aux pilotes. Vous qui avez connu l’époque où les pilotes réglaient leurs problèmes entre eux comme de grands garçons, ne regrettez-vous pas qu’on en soit arrivé là ?

J’aime beaucoup les courses du passé pour différentes raisons. Malheureusement, les temps changent. Les choses que les gens réclament sont différentes. Même au niveau technique tout était beaucoup plus facile par le passé. Certaines personnes pensent artificiellement que 30 ou 40 ans en arrière le règlement imposait seulement 3L au moteur et que tout le reste était libre. Il est impossible de procéder de la sorte aujourd’hui. La technologie disponible de nos jours est incroyable et si on ne met pas de limitations, on en arrive à construire des voitures tout bonnement inconduisibles. Un dixième compte aujourd’hui nettement plus que par le passé. Les pilotes exigent également des règles beaucoup plus précises parce que le bon sens ne prédomine pas toujours.

Les pilotes d’aujourd’hui sont-ils à ce point devenus dépendants des règles ?

Les instances sportives doivent écrire un règlement précis, car tous les pilotes demandent très clairement et très fortement ce qui est possible de faire et ce qui est impossible de faire. Le monde entier va dans cette direction là. La personne qui nettoie les toilettes aujourd’hui doit veiller à ce que le sol reste parfaitement sec, car s’il quelqu’un glisse ce n’est pas de sa faute, mais celle de celui qui a nettoyé les toilettes. C’est un exemple significatif. Il faut prévenir tous le monde de tous les dangers. Ce qui arrivait à notre époque était de la responsabilité du pilote. On était habitué à être responsable de nous même et de nos actes en piste. Si aujourd’hui quelqu’un se casse la tête quelque part et qu’il n’y a pas de panneaux de prévention disant attention à la tête, on peut attaquer la personne responsable.

Est-ce la raison qui a poussée le pouvoir sportif à autant complexifier la réglementation ces dernières années ?

Comme je le rappelais précédemment, le bon sens a quelque peu disparu dans l’esprit des gens et le pouvoir sportif doit nettement plus réglementer les choses pour signifier ce qui est possible de ce qui ne l’est pas. Pendant une certaine période, les pilotes quémandaient toujours plus de règles, mais il s’agissait constamment des mêmes. La FIA a dorénavant tendance à se montrer un peu moins sévère. Mais si la sévérité diminue, l’égalité baisse également. Plus on laisse d’interprétation et moins l’égalité sera présente. On doit peut être s’habituer à avoir plus de tolérance si quelques jugements n’ont pas été pris avec l’égalité que l’on est en droit d’attendre.

« On a l’habitude d’établir des règles en fonction des personnes qui représentent le sport en question afin d’améliorer le sport dans leurs intérêts personnels. Je pense au contraire qu’il serait plus judicieux de penser d’avantage aux spectateurs, car certaines choses acceptées par les personnes qui courent ne sont pas forcément bien comprises par les fans »

À force de trop réglementer la F1, ne risque-t-on pas de totalement noyer le public ?

On a l’habitude d’établir des règles en fonction des personnes qui représentent le sport en question afin d’améliorer le sport dans leurs intérêts personnels. Je pense au contraire qu’il serait plus judicieux de penser d’avantage aux spectateurs, car certaines choses acceptées par les personnes qui courent ne sont pas forcément bien comprises par les fans. Il faudrait d’avantage penser au public et établir des règles qui leur plaisent même si les acteurs du sport ne le perçoivent pas très bien. Le public a du mal à comprendre les nombreux changements de réglementation et les fans sont parfois fâchés sans raisons parce qu’ils ne savent tout simplement pas qu’un règlement a été modifié.

L’introduction d’un ancien pilote au sein du collège des commissaires, semblait être une très bonne idée au départ. Pourtant, elle se révèle finalement être presque un bide puisque les sanctions n’ont cessé de croître depuis l’adoption de cette mesure en 2010. Quel poids avez-vous au moment de la prise de décision et vous sentez-vous réellement écoutés ?

Intégrer un pilote dans le collège des commissaires fut une très bonne idée pour la simple et bonne raison que le point de vue d’un pilote est parfois très différent de celui d’un commissaire. Le pilote donne toujours une interprétation que ceux qui n’ont jamais couru ne peuvent pas avoir. Les commissaires, surtout en Formule 1, sont très compétents et possèdent une grande expérience de la course automobile. Il est important d’avoir des gens comme ça pour bien évaluer et juger les épisodes de course. Les pilotes et les commissaires traditionnels se complètent. Quand j’ai commencé dans ce rôle, j’ai eu peur que les commissaires n’acceptent pas cette intrusion d’un ancien pilote. Et ce ne fut pas du tout le cas. Il y a toujours eu une excellente collaboration entre le collège des commissaires et le pilote désigné pour les assister.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Facebooktwitter

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*