Thierry Boutsen : « Les pilotes sont uniquement là pour conduire » (2/2)

Thierry Boutsen Sportel Monaco
Thierry Boutsen considère l'arrivée de Max Verstappen en F1 comme trop précoce.
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Retiré du monde de la course à la suite de son terrifiant accident au Mans en 1999, Thierry Boutsen s’est depuis mué en brillant homme d’affaires. Invité de la 25ème édition du Sportel Monaco, le salon international des contenus sportifs, le Belge aux 163 Grand Prix décrypte la F1 contemporaine sans langue de bois et fustige l’assistance abusive dont bénéficient les pilotes modernes.

L’arrivée de Max Verstappen en Formule 1 cette saison illustre parfaitement le fort rajeunissement du plateau actuel. Un pilote de 17 ans aurait-il pu prétendre à un baquet en F1 à votre époque ?

Non, c’était impensable à notre époque. Il fallait un bagage technique et un bagage de pilotage beaucoup plus important qu’aujourd’hui. Être pilote de Formule 1 de nos jours c’est un peu comme conduire un jeux vidéo. Vous êtes dans la voiture, vous conduisez et c’est tout. Le travail du pilote s’arrête là. Je trouve honnêtement qu’il faut quand même avoir un certain niveau de maturité et d’expérience pour pouvoir prétendre à la Formule 1. Donner sa chance à un gamin de 17 ans qui n’a aucune maturité, qui ne sait pas encore conduire et qui prend la place de quelqu’un qui est sûrement plus valable que lui est regrettable. Dans la vie il faut apprendre à marcher avant de courir.

Pensez-vous à l’instar de Jacques Villeneuve que la promotion de Verstappen chez Toro Rosso soit une mauvaise chose pour l’image de la F1 ? Ne risque-t-elle pas de décrédibiliser l’image d’excellence des pilotes de Formule 1 ?

Cette réflexion est sans doute valable pour l’écurie, mais pas pour la F1 en général. Les meilleurs pilotes actuels du plateau sont des gens expérimentés de 27 ans ou 30 ans. Ils savent de quoi ils parlent. Propulser un gamin de 17 ans comme ça, je trouve cela vraiment trop tôt, car il ne pourra pas démontrer ce dont il serait capable s’il en avait 25. Je crois qu’un pilote doit d’abord apprendre à conduire avant de pouvoir monter en F1. Cela pourrait très bien se passer, mais s’il avait attendu quatre ou cinq ans pour effectuer ses débuts cela aurait été beaucoup mieux. Cette promotion représente un risque énorme pour lui et pour l’équipe. S’il ne marche pas au bout de trois Grand Prix on va le mettre dehors et il n’aura plus jamais sa chance.

« Arriver en F1 ne se fait pas comme ça. Beaucoup de gens pensent que rouler et comprendre une voiture suffisent pour arriver en F1. Mais ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup de travail à effectuer pour atteindre ce niveau là. Seuls les gens acharnés et toujours à 1000% y arrivent »

La Formule 1 s’est rendue pour la première fois de son histoire en Russie la saison dernière. Elle retrouvera le Mexique en 2015 avant de découvrir l’Azerbaïdjan en 2016. Que vous inspire l’inéluctable exil de la F1 vers des contrées toujours plus éloignées de son berceau européen ?

Je pense qu’organiser des courses un peu partout dans le monde entier est une très bonne chose. On parle partout de la mondialisation et cela vaut aussi pour la Formule 1. C’est un business et pas uniquement une compétition sportive. Elle doit être rentable pour les gens qui pratiquent ce sport. L’Europe est actuellement en déclin total au niveau financier sur le marché des ventes de voitures. Ainsi, je comprends parfaitement que les organisateurs cherchent des endroits où la Formule 1 peut se développer et avoir une meilleure retombée qu’en Europe.

Le retour en grâce de Williams en 2014 conjugué à l’éclosion de Valtteri Bottas a dû forcément vous réjouir  vous qui avez décroché vos trois victoires en carrière au volant d’une voiture de Sir Franck …

Je suis ravi de leur retour au premier plan, car ils ont toujours été très présents en Formule 1. Ils ont gagné des courses presque chaque saison et pendant très longtemps à partir d’Alan Jones avec la mini-jupe. Jusqu’à quelques années en arrière, ils étaient aux avant-postes. Ils ont connu des moments difficiles récemment et je suis très content qu’ils soient enfin sortis de cette phase pénible. La voiture n’était pas la meilleure l’an dernier, mais ils étaient devants ce qui constitue une très bonne chose pour la F1. Il ne reste plus qu’à McLaren maintenant à revenir aux avant-postes. Quant à Valtteri, il s’inscrit dans la droite lignée des Finlandais volants. Il est costaud, ne commet pas trop d’erreur et va aussi vite en essai qu’en course. Il fait parti de cette nouvelle génération qui monte et qui va bientôt chasser quelques anciens. (Rires)

Vous êtes le dernier pilote belge à avoir remporté un Grand Prix, c’était le 12 août 1990 en Hongrie. Que manque-t-il à la Belgique pour revenir sur les grilles de départ ?

Il manque un pilote qui soit doué et qui ait le temps de travailler sereinement. Arriver en F1 ne se fait pas comme ça. Beaucoup de gens pensent que rouler et comprendre une voiture suffisent pour arriver en F1. Mais ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup de travail à effectuer pour atteindre ce niveau là. Seuls les gens acharnés et toujours à 1000% y arrivent. Même un gars comme Jérôme d’Ambrosio, pourtant très doué pour le pilotage, n’a pas duré longtemps. C’était un gars très rapide, mais il lui a manqué le petit quelque chose qui lui aurait permis de se démarquer d’avantage de son coéquipier et de rester dans le monde de la Formule 1. Il a eu sa chance et il n’a pas su l’a saisir. Stoffel Vandoorne sera peut être le prochain, mais il a encore tout à prouver.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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