Frédéric Ferret : « Hamilton a pris un sérieux avantage sur Rosberg » (1/2)

Frédéric Ferret
Frédéric Ferret voit en Sebastian Vettel le petit piment de cette saison 2015.
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Œil du seul quotidien sportif français sur les Grand Prix depuis 2003, Frédéric Ferret garde encore aujourd’hui le même enthousiasme à arpenter un paddock qu’il côtoie depuis plus de dix ans maintenant. S’il affiche à son compteur personnel plus de courses que près la moitié du plateau réuni, le grand reporter n’en demeure pas moins toujours aussi admiratif devant les prouesses réalisées par les pilotes. Indéfectible passionné, le journaliste de l’Équipe décrypte la quatorzième étape de la saison courue le week-end dernier sur le majestueux tracé de Suzuka. De la démonstration de Lewis Hamilton, à la nouvelle défaite de Nico Rosberg en passant par l’interminable feuilleton Renault ou les déclarations fracassantes de Fernando Alonso : le responsable de la rubrique F1 dissèque en exclusivité pour Warm-up F1 tous les évènements marquants de ce rendez-vous japonais.

Lewis Hamilton remporte à Suzuka la 41ème victoire de sa carrière et rejoint au palmarès son idole Ayrton Senna. Outre son dépassement autoritaire sur Rosberg au deuxième virage, le Britannique a encore frappé un grand coup en course. Le double champion du monde a-t-il définitivement tué le championnat au Japon ?

On ne peut jamais l’affirmer avec certitude parce que la Formule 1 reste un sport mécanique. On n’est jamais à l’abri de casses à répétition voir d’une blessure. On se souvient que cela était arrivé il y a très longtemps à Didier Pironi. Il était largement en tête du championnat en 1982 et malheureusement une grave blessure l’a privé de la moitié de la saison, l’empêchant de devenir le premier pilote français champion du monde. Il existe également la jurisprudence Michael Schumacher qui en 1999 se casse la jambe et ne peut défendre ses chances de titre. Maintenant, Hamilton a pris un sérieux avantage sur Rosberg. On va dire qu’à 80% c’est lui qui sera champion du monde 2015.

Mercedes était passée complètement au travers de son week-end à Singapour. Les flèches d’argent ont retrouvé leur suprématie à Suzuka en dominant largement la concurrence en qualification et en course. Connaît-on aujourd’hui les raisons de leur contreperformance à Singapour ?

Mercedes ne comprend pas encore les raisons de sa déroute à Marina Bay. Singapour pourrait se rapprocher de Budapest sur le plan du tracé. Or, la Hongrie constitue l’autre défaite de Mercedes cette année. On va mettre à part la Malaisie parce que je considère Sepang plutôt comme un péché d’orgueil. Sur une piste rapide où il y a très peu de virages lents, la Mercedes peut forcément très bien s’exprimer. Suzuka est un tracé naturellement fluide. Le circuit est utilisé toute le reste de l’année même si la pluie avait gommé toutes les traces des pneumatiques, rendant la piste verte. L’ensemble de ces facteurs fait que l’on est sur un circuit classique qui permettait aux Mercedes de reprendre leur avantage.

« Hamilton est au septième ciel »

Les nouvelles normes à respecter en termes de pression de pneus n’auraient-elles finalement nettement moins d’incidence que prévu ?

Selon le discours tenu par Mercedes, et j’aurais plutôt tendance à les croire, Singapour est un tracé totalement atypique. Il ne ressemble à rien de ce que l’on rencontre durant la saison. Ils ont un peu perdu pied là-bas. Je pense que cette histoire de pression de pneus, même s’ils ne veulent pas trop en reparler, les a obligé à se réadapter et à retrouver le moyen de faire fonctionner leurs voitures. Mercedes n’a pas voulu revenir dessus, mais je crois que cette pression des gommes joue énormément dans les réglages. Ils étaient perdus à Singapour. Ils ont eu une semaine de plus pour se remettre à niveau. En revenant sur un circuit classique, ils ont retrouvé leur avantage et ils ont pu de nouveau montrer qu’ils étaient les meilleurs.

Nico Robserg a de nouveau subi de plein fouet la domination de son coéquipier Hamilton à Suzuka. Alain Prost a déclaré dans l’émission Formula One qu’il n’était plus le même depuis l’incident de Spa l’an dernier. Comment expliquez-vous une telle différence de performance par rapport à la saison dernière ?

Si l’on regarde sur le papier, la différence de performance est astronomique. En revanche si l’on s’attarde sur les résultats, Rosberg est plus souvent 2ème et proche d’Hamilton que l’an dernier. Alors oui, Nico est cette année intrinsèquement un peu moins bon qu’Hamilton. Mais Lewis réalise une saison parfaite. Il a zéro problème. Hamilton a eu sa casse à Singapour, mais sinon il a surfé sur un nuage. Lewis est au septième ciel. Rosberg a d’abord eu du mal à s’adapter à sa voiture en début de saison. On n’a pas bien compris pourquoi, mais il n’a cessé de s’en plaindre, de ne pas trouver les bons réglages. Quand Nico a réussi à les trouver à Barcelone, il a quand même mis 20 secondes à Hamilton. On l’a un peu trop vite oublié ce Grand Prix d’Espagne. On pensait qu’il avait retrouvé le chemin des réglages et qu’il allait regagner de la performance. Mais derrière Rosberg s’est retrouvé confronté à pleins de petits problèmes dont les derniers à Monza lorsqu’on lui installe un nouveau propulseur et qu’il ne fonctionne pas.

« Rosberg n’est pas totalement mort »

Rosberg est-il d’avantage touché par la malchance que la saison dernière ?

Possible. Mercedes a été contraint de lui mettre un ancien moteur à Monza, mais il ne marchait pas non plus. On a donc été obligé de baisser la performance. Cela signifie qu’il n’a même plus les moyens de se battre à armes égales. Et comme Hamilton a pris l’ascendant psychologique, on l’a encore vu sur ce dépassement du deuxième virage, Nico est clairement derrière Hamilton. Maintenant, je crois que tout peut se retourner assez facilement. Rosberg n’est quand même pas totalement mort. Il a la même voiture qu’Hamilton et il a déjà prouvé qu’il savait très bien s’en servir. Il ne faut pas non plus oublier que Nico est à chaque fois remonté de loin pour terminer deuxième. Pour revenir sur le côté malchance, la pluie tombe un tout petit peu plus tôt à Silverstone, elle punit Hamilton et rend le choix de Rosberg bon. C’est lui qui aurait gagné. Donc tout cela se joue à peu de choses près. Beaucoup de gens prétendent qu’Hamilton a écrasé Rosberg, mais j’aurais tendance à un petit peu tempérer ce jugement. Rosberg fait un joli deuxième.

Sebastian Vettel réalise encore une très belle course au Japon en tenant tête tout le Grand Prix à la Mercedes de Rosberg avant de céder sur l’undercut de son compatriote. Vettel n’est-il pas clairement l’homme fort de ce championnat derrière Hamilton ?

Oui, Vettel est indéniablement un homme fort. Il n’est pas quatre fois champion du monde pour rien. Il est chez lui au Japon. Suzuka c’est sa piste plus qu’à Hamilton. Quand Sebastian était au volant de la Red Bull personne ne pouvait l’approcher ici, pas même Webber. Cela joue forcément en sa faveur. Vettel est surmotivé parce que c’est sa première saison chez Ferrari et qu’il a envie de montrer tout le bien qu’il pense de lui-même. Surtout que l’an dernier il a été sevré de victoire. Sebastian nous permet d’avoir encore un peu de suspense dans ce championnat. Grâce à lui, on n’aborde pas forcément un Grand Prix en se disant qu’une Mercedes va encore gagner. On a toujours un petit espoir de voir quelqu’un d’autre que les deux flèches d’argent remporter la course. Vettel est le petit piment de 2015.

« Tout le monde vise le baquet de Räikkönen »

Romain Grosjean a officiellement rejoint la nouvelle écurie Haas F1 après quatre saisons passées à Enstone. Le Français vise-t-il le baquet de Räikkönen en optant pour la petite écurie américaine ou était-il juste lassé de la situation précaire chez Lotus ?

Tout le monde vise le baquet de Räikkönen dans deux ans. Il faut donc trouver le bon chemin pour y accéder. Je pense qu’en rentrant au sein de la Scuderia, ce n’est pas le chemin le plus stupide. Est-ce que cela suffira ? Ferrari a déjà un œil sur Verstappen et sur Ricciardo. Elle avait également un œil sur Hulkenberg. La force d’attraction de Maranello fait qu’ils ont le pouvoir de choisir. Ce sont eux qui choisissent, pas le pilote. Jamais. L’important pour Grosjean comme pour tous ceux qui veulent aller chez les Italiens c’est d’arriver à bien se faire voir et au bon moment. Une première année dans une nouvelle écurie qui se monte représente-t-il le bon choix ? Cela peut s’avérer un très bon pari et cela peut aussi se révéler catastrophique. On voit par exemple qu’Hulkenberg n’est plus du tout dans les petits papiers de Ferrari depuis deux ans alors qu’il a failli rejoindre la Scuderia à deux reprises.

Le Français et son coéquipier Pastor Maldonado signent à Suzuka de belles 7ème et 8ème places. Après tous les problèmes vécus à leur arrivée sur le circuit, ce beau résultat d’ensemble constitue une belle récompense pour l’écurie Lotus et tous les mécaniciens qui subissent cette situation pénible …

Ce résultat est la plus belle des récompenses pour tous les gars qui bossent sur le circuit après cette quinzaine très dur à vivre. Cela devait également être très spécial pour ceux de l’usine. On a tendance à les oublier parce qu’ils ne voyagent pas, mais cela doit être assez compliqué de vivre dans cette incertitude permanente, de ne pas savoir tous les vendredi de paye s’ils vont ou non recevoir leur chèque afin de nourrir leur famille. Ils bossent comme des fous. Ils travaillent autant que les gens de Mercedes ou que les gens de chez Ferrari. Ces petits points qui leur tombent dans la poche représentent une grande satisfaction pour eux. Cela peut également aider l’équipe à négocier un petit chèque au moment où il faudra se faire racheter ou pas par Renault.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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