Guillaume Nédélec : « Surprendre les gens tout en apportant quelque chose au débat »

Guillaume Nédélec Emmanuel Moine
Complices à la TV, Guillaume Nédélec et Emmanuel Moine se sont associés pour écrire un premier livre sur la F1.
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Co-auteur d’un premier ouvrage sur les 24 Heures du Mans en mai 2023, Guillaume Nédélec s’est lancé un nouveau défi en s’attaquant quelques mois plus tard à la catégorie reine du sport automobile. Avec « La Formule 1 en 80 tours », un ouvrage dont il partage la paternité avec son confrère Emmanuel Moine, le chef des sports Sarthe de Ouest-France propose de revisiter l’histoire de la discipline à travers un angle pour le moins singulier.

Pour sa première expérience dans la peau d’un auteur, il a logiquement penché en faveur d’une discipline qu’il maîtrise sur le bout des ongles. Tombé sous le charme des sports mécaniques grâce à l’Endurance et à son épreuve phare les 24 Heures du Mans, Guillaume Nédélec a sans grande surprise consacré son premier ouvrage à la mythique course disputée dans la Sarthe (24 Heures et Malheurs du Mans, éditions du Rocher. Ndlr). Pas franchement rassasié par ce brillant coup d’essai, celui qui a fait ses classes aux seins des rédactions d’Auto Hebdo ou de Motors TV a décidé de vite poursuivre sur sa lancée en se tournant, cette fois, vers une autre de ses passions motorisées, la Formule 1. Accompagné dans ce nouveau projet par son compère Emmanuel Moine (les deux hommes commentent ensemble le Grand Prix de Monaco Historique pour le compte d’Automoto la Chaîne. Ndlr), le chef des sports Sarthe du quotidien Ouest-France livre avec « La Formule 1 en 80 tours » une vision originale, mais non moins passionnante de l’histoire de la discipline reine du sport automobile.

Revenons, tout d’abord, sur la genèse de ce projet. Qu’est-ce qui vous a décidé à écrire un livre sur la Formule 1 ?

L’histoire remonte à 2021. J’ai été approché par une entreprise du nom d’Oval Lab. Leur travail est, en quelque sorte, de faire le lien entre des auteurs et des éditeurs tout en assurant la mise en page des livres, mais aussi la valorisation de leurs contenus. Un journaliste que je connais devait à l’origine rédiger un bouquin sur les 24 Heures du Mans. Faute de temps pour pouvoir l’écrire lui-même, il m’a mis en contact avec Oval Lab. L’idée de départ était de réaliser un livre autour des 24 Heures du Mans sur le modèle de « La Formule 1 en 80 tours ». On s’est, toutefois, rendu-compte qu’avec mon emploi du temps et tout le travail que je devais abattre sur le centenaire des 24 Heures du Mans pour mon média Ouest-France, ce serait très compliqué d’y parvenir. On a donc fait évoluer le concept en se tournant plutôt vers la Formule 1. Sachant que de mon côté j’étais toujours confronté à cette « contrainte » très chronophage de la couverture du centenaire des 24 Heures du Mans, on a décidé de l’écrire à deux.

Comment le rapprochement avec votre confrère Emmanuel Moine s’est-il opéré ?

J’ai commencé à travailler avec Emmanuel justement à cette période. On commentait des courses historiques de Formule 1 ensemble sur Automoto la Chaîne. Le feeling était bien passé entre nous deux. On est, à peu près, de la même époque de la F1. On a, également, tous les deux une vraie connaissance de cette discipline. Cela nous plaît, on est des passionnés de sport automobile, alors on s’est dit : « allez, on va le faire tous les deux ! ». Le projet s’est lancé comme ça, mais il a vraiment pris forme autour du mois d’octobre 2022. On a, ensuite, commencé à bosser très précisément sur le dossier avec Emmanuel à partir de décembre 2022 pour le terminer vers la mi-juillet 2023. Une histoire présente dans le livre n’est d’ailleurs plus à jour aujourd’hui : le record du monde de l’arrêt au stand le plus rapide jamais réalisé. La marque (1,82 seconde. Ndlr) fixée par Red Bull en 2019 a depuis été battu par McLaren (1,80 seconde. Ndlr). On a bouclé le projet en juin et dans la foulée ou presque (le record est tombé lors du Grand Prix du Qatar le 8 octobre dernier. Ndlr) l’histoire a changé (rires. Ndlr).

De quelle façon Emmanuel Moine et vous vous-êtes-vous partagés le travail de recherche d’abord puis d’écriture ensuite ?

Très tôt, il a fallu que l’on anticipe 80 tours. On devait trouver 80 histoires et la principale difficulté résidait dans le fait que l’on ne pouvait pas proposer 80 fois un premier tour de course. Il nous a donc fallu dénicher à chaque fois une histoire correspondante à une certaine période de la F1. Dans un premier temps, on a tous les deux cherché chacun de notre côté. On a, ensuite, rassemblé nos différentes histoires sur un fichier Excel avec un petit pitch explicatif. L’objectif était de réussir à convaincre l’autre. Il nous est arrivé d’avoir plusieurs histoires pour un même tour. Emmanuel habite à Paris, moi au Mans. On ne se voyait pas forcément tout le temps donc on a beaucoup échangé par téléphone ou par SMS. Lui partait sur des histoires, moi sur d’autres ce qui fait que l’on s’est assez vite retrouvé avec près de 200 histoires possibles à raconter. Étant plutôt raccord sur celles que l’on souhaitait aborder dans le livre, on s’est un peu « monté la tête » pour convaincre l’autre du bienfondé de tel ou tel choix (sourire. Ndlr).

« L’idée motrice du livre était de tenir un angle et d’essayer d’apporter quelque chose d’un petit peu différent. On ne voulait pas raconter des histoires qui se ressemblent, mais au contraire proposer des histoires qui dénotent » 

La sélection finale ne fut-elle pas trop délicate à opérer ?

Il y a eu, effectivement, des choix très difficiles à faire. On a, notamment, décidé de ne pas évoquer l’accident de Senna à Monaco lors de l’édition 1988. C’est un choix fort, car ce crash à quelques encablures de l’arrivée alors qu’il dominait totalement l’épreuve a eu une grande incidence sur la suite de la carrière du pilote brésilien. Mais comme nous l’a très bien rappelé notre éditeur, choisir c’est renoncer ! On a été contraint de renoncer à beaucoup d’histoires, mais on l’a fait de façon équitable. Une fois les 80 histoires sélectionnées de manière définitive vers la mi-janvier, on a simplement pris la liste et mis notre nom à côté de celles que l’on voulait traiter. « Cette histoire t’intéresse ? Ou préfères-tu plutôt parler de celle-là ? ». On a échangé avec beaucoup d’enthousiasme pour finalement se concentrer sur 40 histoires chacun. On a, de surcroît, effectué un gros travail de relecture l’un sur l’autre. Le livre a, très rapidement, pris forme. Tous les textes étaient bouclés avant les 24 Heures du Mans programmés au mois de juin.

Outre l’incident de Senna à Monaco, auriez-vous aimé aborder d’autres moments marquants de l’histoire de la discipline dans l’ouvrage ?

On aurait, effectivement, pu raconter certaines histoires. Je pense, en premier lieu, au crash de Romain Grosjean lors du départ du Grand Prix de Bahreïn 2020. Il s’agit, quand même, du dernier vrai accident au cours duquel on a été confronté à la violence du feu. Le halo a pleinement rempli son rôle ce jour-là. Ne pas avoir pu parler de ce fait-là constitue un petit regret, mais je pourrais tout aussi bien évoquer le jour où Alain Prost a décidé de prendre définitivement sa retraite de la Formule 1 (Grand Prix du Portugal 1993. Ndlr). On n’a, également, pas beaucoup parlé des victoires de Jochen Rindt ou de Jackie Stewart. Toutes ces histoires sont forcément intéressantes, mais elles étaient peut-être un peu redondantes avec celles que l’on avait déjà traitées. Encore une fois, l’idée motrice du livre était de tenir un angle et d’essayer d’apporter quelque chose d’un petit peu différent. On ne voulait pas raconter des histoires qui se ressemblent, mais au contraire proposer des histoires qui dénotent.

Dans « La Formule 1 en 80 tours », vous traitez l’histoire de la discipline reine du sport automobile à travers un angle aussi inédit qu’original. Comment l’idée vous est-elle venue ?

Comme je l’expliquais tout à l’heure, on voulait à l’origine sortir un livre de cette veine-là sur les 24 Heures du Mans. On réfléchissait à plusieurs angles, mais on n’a jamais vraiment trouvé la bonne formule. On savait, surtout, que l’on manquerait un peu de temps pour l’écrire. Avec Emmanuel, on s’est tout de suite dit : « on doit réussir à proposer un ouvrage qui d’un côté prenne par la main tous les jeunes fans de la F1, ceux notamment qui l’ont découverte via Netflix, pour leur montrer à quel point l’histoire de ce sport est importante et de l’autre qui conforte un public plus connaisseur dans sa culture de la discipline. » On s’est vraiment posé la question de savoir si ce que l’on racontait était à la fois assez pointu pour satisfaire les passionnés les plus exigeants, mais dans le même temps assez accessible pour plaire aux personnes que ne connaissent pas forcément très bien ce sport. Pour imager mes propos, je dirais qu’on est un peu dans l’anecdote de la machine à café. On a cherché à la fois à surprendre les gens tout en apportant quelque chose au débat.

« En proposant un format très court, on se concentre sur ce qui est le plus important. Si l’ouvrage attise la curiosité des gens et leur donne envie d’approfondir certaines histoires, alors la mission est pleinement remplie » 

L’ouvrage fait également la part belle à quelques-uns des circuits les plus emblématiques qu’ait connu la catégorie reine. Souhaitiez-vous, par ce biais, offrir une petite respiration au lecteur ou simplement proposer aux fans un contenu là encore rarement mis en lumière dans un livre consacré à la Formule 1 ?

C’est une question très pertinente ! Quelque part, vous y avez déjà un peu répondu. On avait cette volonté de faire respirer les lecteurs, de leur proposer une petite pause avec quelque chose de graphique, mais pas trop statistique. Là encore, l’idée était de raconter de petites histoires autour des circuits. On parle bien évidemment de Monaco, mais aussi du Nürburgring ou encore d’Indianapolis qui a une histoire particulière avec la F1. Le cerveau doit « ingurgiter » beaucoup d’informations dans le livre et ces belles doubles pages dotées d’éléments graphiques sympas à regarder offrent aux lecteurs un petit moment de repos. Je tiens d’ailleurs à souligner le travail réalisé par Oval Lab sur l’infographie et sur l’image. Grâce à Mathieu Ropitault et Alexandre Sicault, on a eu droit à un vrai travail de fond. Collaborer avec eux dans le choix des photos et dans la prise de réflexion autour de l’angle adéquate de ladite photo collait parfaitement avec ce que l’on souhaitait raconter.

Autre choix fort du livre : celui de proposer des textes courts. L’objectif était-il de mettre en lumière les très jolis clichés présents dans l’ouvrage ou simplement de répondre aux désidératas d’un public jeune moins avide de lecture ?

Comme je le disais un peu plus tôt, il y a ce côté anecdote de la machine à café. On voulait aussi accompagner les jeunes lecteurs et les introduire dans ce milieu si complexe de la Formule 1 en partageant notre connaissance de la discipline. Dans le livre, on leur explique ce qui nous a fait aimer ce sport si particulier. Maintenant quand on raconte des histoires, il faut savoir aller à l’essentiel. Il ne fallait donc pas que ce soit trop long. En proposant un format très court, on se concentre sur ce qui est le plus important. Si l’ouvrage attise la curiosité des gens et leur donne envie d’approfondir certaines histoires, alors la mission est pleinement remplie. On a eu une approche quasi-journalistique pour la sélection des photos, car à l’instar des textes un cliché doit raconter quelque chose. La photo devait à la fois être lié au texte tout en permettant au lecteur de se plonger dans l’ambiance. Si les gens ont réussi à se projeter dans le décor de l’époque en contemplant les différentes photos présentes dans le livre, alors on a atteint l’objectif que l’on s’était fixé.

Après l’Endurance avec les 24 Heures du Mans et la Formule 1, quelle autre discipline sportive aimeriez-vous traiter dans un prochain ouvrage consacré à la course automobile ?

C’est une bonne question ! Je vais très certainement m’octroyer une petite pause dans un premier temps (sourire. Ndlr). Cependant, si je devais écrire un autre livre sur le sport automobile dans un futur plus ou moins proche, alors j’aimerais beaucoup traiter du WRC des années 2000. Ce fut une période extraordinaire qui a contribué à me faire aimer l’univers de la course à l’instar de l’Endurance de l’époque. Le rallye avait ce côté complètement fou avec à la fois des Subaru, des Mitsubishi, des Hyundai, des Skoda ou encore des Peugeot. Toutes ces marques roulaient les unes contre les autres ce qui ne les empêchaient pas d’avoir toutes une image de marque très forte. Il faut aussi se souvenir qu’à cette époque on pouvait suivre une spéciale du Tour de Corse en direct sur Stade 2. On a, sans doute, oublié la force que le sport automobile pouvait avoir en ce temps-là. J’aimerais bien raconter le parcours des Philippe Bugalski, Gilles Panizzi, François Delecourt, mais aussi de ce jeune Sébastien Loeb qui démarque dans la discipline et qui fiche une raclée à tout le monde.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Visuel couverture F1 en 80 tours
Riche en anecdotes, l’ouvrage s’attarde également sur quelques-uns des circuits les plus emblématiques de la F1.
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