Julien Fébreau : « Hamilton est clairement un cran au-dessus » (1/2)

Julien Fébreau
Julien Fébreau pense que le podium de Grosjean à Spa va faire du bien au moral du Français.
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Voix des Grand Prix sur Canal + depuis la saison 2013, Julien Fébreau a réussi à imposer un nouveau style en laissant le spectateur profiter pleinement des départs. Si son désormais incontournable « montez le volume et rendez-vous au premier virage » est devenu une vraie marque de fabrique, l’ancien reporter de l’Équipe n’en demeure pas moins toujours aussi déterminé à assurer les meilleurs commentaires possibles aux fans de F1. Amoureux d’une discipline à laquelle il consacre sa vie depuis maintenant onze ans, le grand reporter de la chaîne cryptée décrypte avec autant de précision qu’à l’antenne la onzième manche du championnat courue en Belgique. Du magistral succès de Lewis Hamilton, à l’incroyable podium de Romain Grosjean en passant par la polémique provoquée par l’explosion des pneus Pirelli ou la nouvelle déconvenue de Honda : le pendant de Jacques Villeneuve au micro analyse en exclusivité pour Warm-up F1 tous les évènements clés de ce week-end belge.

Julien, Lewis Hamilton remporte en Belgique une 39ème victoire incontestable. Après avoir surclassé Rosberg en qualification, le Britannique a très largement dominé son coéquipier en course. Ce succès péremptoire du double champion du monde ne risque-t-il pas de définitivement tuer le championnat ?

Il est certain que Lewis Hamilton prend aujourd’hui une belle option sur le titre mondial. Si on compare à 2014, il est dans une position plus facile et beaucoup plus dominante cette année. Pourtant, il avait déjà été titré l’an dernier. À la lecture des chronomètres et des résultats d’Hamilton, on ne voit vraiment pas comment, à l’heure actuelle, Nico Rosberg pourrait inverser la tendance sur le plan de la performance pure. Après, on est dans un sport mécanique et la mécanique s’est déjà mêlée plusieurs fois à la lutte entre Hamilton et Rosberg l’an dernier. Rien ne dit que d’ici la fin de la saison des problèmes mécaniques ne pourraient pas toucher l’un ou l’autre. Cela pourrait freiner Lewis dans son élan, mais encore une fois en termes de maîtrise du sujet, de pilotage, et même Rosberg le reconnait aujourd’hui, Hamilton est cette année clairement un cran au-dessus. Le tout petit point faible qui était le sien l’année dernière en qualification est devenu un point extrêmement fort en 2015. Comme il est toujours aussi bon le dimanche et qu’il part désormais depuis la pole position, il ne laisse finalement aucune chance à qui que ce soit en qualification comme en course.

La presse a beaucoup parlé d’Hamilton pendant la trêve estivale pour ses fêtes à l’autre bout du monde et ses hobbies pas toujours conseillés quand on est pilote de course. Cette victoire autoritaire n’est-elle pas la meilleure réponse de l’Anglais à tous ceux qui jugent son train de vie en inadéquation avec sa profession ?

Si Lewis Hamilton était moins performant, on pourrait évidemment lui reprocher son mode de vie chez Mercedes. Sauf qu’aujourd’hui il est capable de concilier les deux et qu’il est imbattable. Donc que peut-on dire ? Que peut-on reprocher à un garçon qui gagne tout ? Il est dans une telle position que si demain matin il veut faire du saut en parachute, du ski acrobatique ou je ne sais quel autre sport dangereux, ce serait difficile de lui dire non parce qu’il est capable de gérer ça. Même s’il fait la fête, cela n’a pas d’influence sur ses performances en piste. C’est quelqu’un qui aime le côté paillette, qui aime faire la fête avec des gens célèbres, qui aime exister sur les réseaux sociaux, qui aime se montrer en présence d’autres personnalités très connues. Il est comme ça et il semble que cela lui réussisse bien. Il paraît assez épanoui dans sa façon d’être et en plus cela ne perturbe pas son travail de pilote automobile. Quand il arrive sur les Grand Prix, il est à 100% de sa concentration et de son énergie. Il est complètement dédié à son travail avec l’équipe et les résultats sont là.

« Rosberg a trouvé plus fort que lui »

Ses frasques à répétition ne risquent-elles pas de lui jouer des tours un jour ou l’autre ?

Il n’y a rien à lui reprocher à l’heure actuelle. Le jour où il sera moins bon et où il sera dominé à la régulière par un autre pilote, ses employeurs seront peut-être en droit de lui dire que son mode de vie a des conséquences sur son travail. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Il semble avoir trouvé son équilibre. On ne peut pas le lui reprocher. Ce qui est en revanche amusant pour nous observateurs et agaçant pour ses adversaires c’est de voir qu’il est capable du jour au lendemain de passer d’une fête sur un yacht privé en fumant un cigare en présence de Rihanna à signer le lendemain une pole position d’un Grand Prix ou terminer devant tout le monde. C’est très irritant pour ses adversaires et pour son coéquipier en premier lieu qui, semble-t-il, affiche plus de travail, plus de concentration encore sur l’exercice de pilote de Formule 1. On a l’impression qu’il consent plus de sacrifices, qu’il doit se coucher plus tôt. Et au final cela ne marche pas parce qu’Hamilton est encore devant. Ce mode de vie peut effectivement beaucoup frustrer ceux qui sont moins agiles que lui.

Nico Rosberg est complètement passé à côté de son week-end à Spa lui qui comptait pourtant sur ce rendez-vous belge pour combler son retard sur Hamilton à la faveur notamment de la nouvelle procédure de départ. Au final entre une qualification pénible, un envol complètement manqué et une course bien triste, rien n’a souri à l’Allemand …

Quand on prend l’exemple du départ, Rosberg avait un pense-bête d’écrit sur son volant avec les procédures à suivre alors qu’Hamilton les avait apprises par cœur et répétées sur le bout des doigts. Lewis est celui des deux qui s’est le moins laissé perturber par cette nouvelle donnée. C’est un domaine où Hamilton a de nouveau été plus fort. On a vraiment l’impression qu’Hamilton joue avec Robserg et qu’il accélère un peu quand il veut. En qualification, on s’est au début dit ça va être très serré et puis finalement au moment où Lewis a décidé d’hausser le ton il a quasiment mis une demi-seconde à Nico. On a pu avoir, par moment, l’impression que Rosberg revenait en course. En réalité, c’était ni plus ni moins Hamilton qui gérait son avance, qui relâchait un petit peu pour que ses pneus ne s’abîment pas. Il a toujours tenu à distance Rosberg, il a fait ce qu’il voulait de son coéquipier. Nico l’admet d’ailleurs à demi-mot, il a trouvé plus fort que lui. Il n’y a hélas pas grand-chose à faire pour l’instant face à un pilote aussi rapide, aussi en confiance que Lewis. Rosberg est pourtant un très bon pilote, il ne démérite pas, mais aujourd’hui il y a un petit monde d’écart entre les deux.

« Ce podium arrive au meilleur moment pour Lotus »

Rosberg parvenait à rivaliser avec Hamilton l’an dernier dans l’exercice des qualifications alors que cette saison le constat est sans appel : 10 à 1 en faveur de l’Anglais. Comment expliquez-vous une telle différence ? Est-ce Rosberg qui a atteint ses limites ou Hamilton a-t-il sensiblement haussé son niveau de jeu ?

Je pense qu’Hamilton a très nettement haussé son niveau de jeu. On l’avait vu commettre des erreurs l’année dernière parce qu’il s’était un peu laissé surprendre par Rosberg. Il s’était peut-être aussi un peu trop mis la pression. Cette année, il aborde cet exercice plus relâché et on sait à quel point c’est important d’être vraiment calme et apaisé au moment d’une qualification. Parce qu’une séance qualificative ça va très vite, on a vraiment très peu de temps. On n’a quasiment droit qu’à une seule chance à chaque fois. Lewis a atteint un niveau de confiance et de confort tel que sur cet exercice très compliqué du tour lancé il réunit tous les paramètres pour réaliser un excellent tour. Il est dans une spirale ultra-positive, vertueuse et il est difficile d’arrêter ça même si Nico se donne les moyens d’y arriver. On voit aussi qu’un peu à la façon d’un Alonso, Hamilton travaille peut-être son tour de circuit secteur par secteur. Il met rarement tout bout à bout le premier jour. Mais au moment le plus important de la qualification, il est capable de rassembler tous les éléments qu’il a travaillés depuis le début du week-end. Et une fois ceux-ci additionnés, ça va beaucoup plus vite que les autres.

Romain Grosjean signe à Spa une sensationnelle 3ème place au terme d’une course somptueuse. Ce premier podium du pilote français depuis près de deux ans arrive au meilleur moment compte-tenu de la situation financière de Lotus …

Oui, il arrive au meilleur moment pour l’équipe Lotus parce que les employés que l’on croise sur les Grand Prix, même ceux que l’on ne voit pas et qui restent à l’usine, souffrent beaucoup de la situation actuelle. Ils sont très moroses et il est évident qu’un bon résultat sportif, même s’il ne règle pas les problèmes, offre un petit répit, un soulagement, un sourire pendant aux moins quelques heures. Cette performance fait forcément du bien à toute l’équipe, mais aussi à Romain Grosjean parce qu’il en avait besoin. Bien que l’on sache quel est son talent, le démontrer par un vrai bon résultat et une belle course c’est toujours mieux. Il y a bien évidemment eu l’évènement Vettel en fin de course, cependant on sait qu’il était dans le coup pour monter sur le podium. Il aurait peut-être passé Vettel dans les deux derniers tours. Mais au-delà de ça, il a réussi une grande course. Ce résultat est important pour lui, pour son mental et sa confiance. C’est également une bonne chose, dans l’optique d’un rachat de Lotus par Renault, de montrer aux responsables de la marque au losange que faire confiance à Romain Grosjean à l’avenir dans une écurie française serait une idée judicieuse.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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