Julien Fébreau : « Hamilton est clairement un cran au-dessus » (2/2)

Julien Fébreau interview
Julien Fébreau considère que Pirelli est incapable d'assumer ses responsabilités.
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Voix des Grand Prix sur Canal + depuis la saison 2013, Julien Fébreau a réussi à imposer un nouveau style en laissant le spectateur profiter pleinement des départs. Si son désormais incontournable « montez le volume et rendez-vous au premier virage » est devenu une vraie marque de fabrique, l’ancien reporter de l’Équipe n’en demeure pas moins toujours aussi déterminé à assurer les meilleurs commentaires possibles aux fans de F1. Amoureux d’une discipline à laquelle il consacre sa vie depuis maintenant onze ans, le grand reporter de la chaîne cryptée décrypte avec autant de précision qu’à l’antenne la onzième manche du championnat courue en Belgique. Du magistral succès de Lewis Hamilton, à l’incroyable podium de Romain Grosjean en passant par la polémique provoquée par l’explosion des pneus Pirelli ou la nouvelle déconvenue de Honda : le pendant de Jacques Villeneuve au micro analyse en exclusivité pour Warm-up F1 tous les évènements clés de ce week-end belge.

L’écurie britannique traverse une crise économique sans précédent en témoigne l’intervention des huissiers juste après la course suite à l’attaque en justice de Charles Pic. On a également appris dans la semaine que Bernie Ecclestone avait payé les salaires des employés ce mois-ci et que l’équipe avait été obligée de fermer sa cantine à Enstone. Doit-on craindre l’arrêt de Lotus avant même la fin de la saison ?

Répondre à cette question n’est vraiment pas facile parce qu’en tant qu’observateur, même si on possède des informations, on n’a pas une lecture complète de la situation. Est-ce qu’on arrivera à cet extrême ? Il faut évidemment espérer que non. On a pleinement conscience que leur situation est vraiment compliquée. Maintenant, si le rachat de Lotus par Renault se conclut rapidement, permettra-t-il pour autant de débloquer la situation pour cette fin de championnat en vue de la saison prochaine ? Il faut l’espérer, mais c’est difficile de savoir. À première vue, on peut quand même espérer ou du moins imaginer que dans l’intérêt de tous, les responsables de l’écurie feront ce qu’il faut pour que l’équipe termine la saison proprement. Toutefois, rien n’est certain. On sait que les montants investis courses après courses sont très importants et aujourd’hui la situation financière de Lotus est très inquiétante. Il faut appeler à la responsabilité de ceux qui gèrent cette équipe en espérant qu’ils fassent ce qui est nécessaire pour que tout le monde soit payé, que tout le monde puisse manger à sa faim dans l’écurie et que la saison puisse se terminer convenablement. La voiture manque certes de beaucoup de développement, mais elle n’est pas si mauvaise que cela. On l’a encore vu la semaine dernière à Spa.

Daniil Kvyat a, lui aussi, réalisé une course splendide en dépit d’une qualification très moyenne. Avec désormais 57 points au championnat pilote, il devance pour la première fois de la saison son coéquipier Daniel Ricciardo. Le Russe est-il en train de prendre l’ascendant dans le giron Red Bull ?

Il est encore un petit peu tôt pour l’affirmer. Une chose est sûre néanmoins, Kvyat a effectué de gros progrès depuis le début de la saison. Il y était tenu de toute façon. Daniil a mis un petit peu de temps à se mettre dans le bain chez Red Bull en début d’année, mais il a fini par prendre ses marques. On n’a jamais douté de son niveau de pilotage. Red Bull l’a repéré il y a un moment déjà. Kvyat avait été très bien noté par les responsables de l’écurie autrichienne lors de son passage chez Toro Rosso. Il avait déjà impressionné dans l’écurie sœur donc quelque part on ne s’attendait pas à moins de lui. Ricciardo traverse une période un peu plus difficile. Il est aussi un petit peu plus touché par les problèmes de mécaniques en ce moment. À lui de ne pas se laisser emporter dans le pessimisme et de réagir face à un coéquipier de haut niveau. Après avoir dominé Vettel l’année dernière, il aurait pu céder à l’euphorie. Peut-être qu’il y a un tout petit peu cédé à un moment de la saison et qu’aujourd’hui il se ressaisit. Mais prétendre que Ricciardo est désormais dominé à la régulière par Kvyat serait un peu prématuré.

« Je trouve un petit peu légère l’explication de Pirelli »

La double explosion pneumatique de Rosberg en essais libres et de Vettel en course a également fait couler beaucoup d’encre à Spa. Le pilote Ferrari s’est d’ailleurs montré très critique envers Pirelli après l’arrivée. Partagez-vous les accusations de l’Allemand ?

On est évidemment toujours surpris et inquiet quand on assiste à ce genre d’explosion. C’est un petit miracle que Rosberg n’ait rien touché dans son tête-à-queue à 300 km/h. L’incident de Vettel en est un autre. Sebastian a été très chanceux que son pneu n’explose pas deux cents mètres avant parce qu’il était dans le Raidillon et là ça aurait pu occasionner de gros dégâts pour lui et sa voiture. Je trouve un petit peu légère l’explication de Pirelli pour qui, de toute façon, ce n’est jamais de sa faute quelque soit l’évènement pneumatique en question. C’est une entreprise qui a du mal à accepter ses responsabilités. Après, cet avis est très personnel. J’avoue que les débris sur la piste à Spa on les cherche encore. Il semblerait que Pirelli soit certain que des débris sont à l’origine de ces explosions. Au lieu de proposer de meilleurs choix de pneus, ils préconisent de mieux balayer les pistes. Partir uniquement sur cette proposition là est un peu trop facile à mon goût. Les analyses du manufacturier italien ont révélé de nombreuses coupures dans les pneus, bon pourquoi pas. Mais il y a quand même eu une défaillance structurelle dans le pneumatique, ce que n’admet pas Pirelli. Les pilotes vont se retrouver à atteindre des vitesses pointes de plus de 360 km/h à Monza et il faut espérer pour eux qu’il n’y ait pas trop de débris sur la piste à en croire Pirelli.

Cette nouvelle mauvaise publicité pour Pirelli peut-elle inciter la F1 à enfin réagir et à privilégier Michelin à l’avenir ?

Elle doit d’abord faire réagir Pirelli sur la manière de concevoir ses pneumatiques et l’inciter à se remettre en question. Après, est-ce que les responsables de la F1 doivent uniquement se baser sur ce qu’il s’est passé à Spa pour choisir leur prochain manufacturier ? Pas forcément. Peut-être faudrait-il réinstaurer deux manufacturiers en F1 avec des conditions d’évolutions en cours de saison maîtrisés afin de limiter les coûts. Car il s’agit d’un paramètre auquel la Formule 1 doit prêter attention. Si demain il y avait deux manufacturiers en piste, ce serait une bonne chose pour la compétition. Et libre ensuite à chaque écurie de choisir ses propres pneumatiques. Si Pirelli conçoit vraiment de très bons pneus, les écuries choisiront des gommes Pirelli plutôt que des Michelin. Et si les écuries ont un doute, on verra quel est leur choix. La F1 reste un sport compétitif : il y a une compétition de motoriste, une compétition d’écurie, une compétition de pilote, alors pourquoi n’y aurait-il pas une compétition de manufacturier de pneus ?

« Les évolutions apportées par Honda ne se sont pas fait ressentir »

Les pilotes ont encore pris un malin plaisir cette année à abuser des limites de la piste que ce soit en essais ou en course. Ne doit-on pas revenir en arrière et remettre des bacs à sable afin d’empêcher les pilotes de sortir constamment du circuit ?

Du point de vue sécurité, les bacs à sable ne représentent pas la bonne solution. En se référant à de nombreuses situations passées, ils ne constituent clairement pas la meilleure option. On se plaint souvent du trop grand nombre de pénalité donc s’il faut de nouveau ajouter des sanctions dès qu’un pilote met un peu trop les roues à l’extérieur, cela ne va pas plaire aux gens non plus. J’avoue que je n’ai pas la réponse à cette question. Je ne pense pas qu’il faille rajouter des bacs à graviers partout, même si cela empêcherait très certainement les pilotes d’abuser des limites de la piste. Dans un cas où le pilote ne sort pas volontairement ou n’en abuse pas, mais qu’il passerait par là, cela pourrait même être plus dangereux. Il est difficile de choisir entre compétition et sécurité. La sécurité doit de toute façon toujours être considérée en numéro un. Faut-il d’avantage pénaliser les pilotes pour les empêcher d’abuser des limites de la piste ? C’est une solution à ne pas négliger, mais il y a un juste milieu à trouver. Les pilotes doivent aussi se responsabiliser même si c’est difficile parce que s’il n’y a pas de menace, il semble évident qu’ils ne se priveront pas d’aller au-delà des limites de la piste.

Honda est arrivé à Spa avec l’ambition d’effectuer un grand pas en avant. Yasuhisa Arai a même prétendu que son moteur était désormais l’égal du Ferrari. Résultat : Button signe en qualification un piteux 17ème  chrono à 3,7 secondes du poleman et Alonso termine 13ème en course à un tour du vainqueur. Le constructeur japonais a encore perdu une occasion de se taire …

On a clairement été surpris par cette déclaration. C’était sans doute un peu prématuré de la part des Japonais parce qu’il valait mieux attendre la qualification et la course pour voir réellement ce que cela donnait. Et on l’a vu. On a la preuve que les évolutions apportées par Honda ne se sont, pour l’instant, pas vraiment fait ressentir. Bien qu’ils aient un devoir de politiquement correct vis-à-vis de McLaren et de Honda, les pilotes n’ont pas pu s’empêcher de déclarer qu’ils n’avaient pas vraiment senti d’amélioration. L’évolution installée par Honda était-elle totalement déployée ? On ne le sait pas. Est-ce que d’autres paramètres n’ont pas fonctionné autour de l’évolution ce qui a masqué la véritable capacité d’aller plus vite de cette voiture et de ce moteur nouvelle version ? On l’ignore également. On aura la réponse ce week-end à Monza. On a certainement tiré des enseignements de Spa-Francorchamps du côté de chez Honda. Il semblerait qu’ils changent encore pas mal d’éléments sur la voiture puisque d’autres pénalités vont tomber sur eux en Italie. Peut-être que cette fois-ci tout sera mis bout-à-bout de manière maximale et que pour le coup cela laissera apparaître une vraie évolution. Mais celle de Spa on la cherche encore. C’est comme pour les débris de Pirelli, on ne les a toujours pas trouvés.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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