Retombé de son nuage après un début de saison de rêve avec sa nouvelle écurie Haas, Romain Grosjean attaque le Grand Prix de Monaco sans réelles certitudes. Si les essais privés de Barcelone ont permis au Français d’accumuler de précieux kilomètres au volant de la VF16, le natif de Genève préfère rester prudent avant de se frotter à un circuit où la moindre erreur se paye cash.
Romain, Monaco est le circuit le plus atypique du calendrier. Qu’éprouvez-vous lorsque vous roulez ici ?
Expliquer ce que l’on ressent en pilotant sur ce tracé est extrêmement complexe. Monaco, c’est un jeu permanent avec les barrières. Il faut trouver la juste limite, rester à 99% de ses possibilités sans chercher à aller au-delà. Lorsque l’on arpente le circuit à pied, on ne se rend pas forcément compte à quel point la piste est étroite et la vitesse que l’on peut y atteindre. Quand la voiture est bonne, les sensations éprouvées sont extraordinaires ici. Un peu comme si on nageait dans les vagues.
De nombreux supporters français viennent assister à cette course. Monaco n’est-il pas devenu par substitution votre Grand Prix à domicile ?
Complètement. Je mets d’ailleurs un bon quart d’heure à chaque fois pour rallier les stands depuis le paddock (Sourire). L’ambiance est particulière ici. Il y a beaucoup de monde et le public est vraiment très proche des pilotes. Se rendre d’un point A à un point B devient rapidement compliqué. Je reçois beaucoup de soutien du public à Monaco. Quand j’ai effectué le tour du circuit à pied avec mes ingénieurs, quatre ou cinq voitures se sont arrêtées en plein milieu de la route pour me demander des photos et des autographes. Cela a mis un bazar pas possible (Rires). C’état plutôt rigolo.
Monaco n’est pas forcément l’épreuve la plus passionnante du championnat depuis l’extérieur. En revanche on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer quand on est au volant …
Clairement pas. Monaco est un Grand Prix en plusieurs étapes. En essais libres, on construit d’abord notre rythme avant de progressivement monter en puissance. Lors des qualifications, on se donne à 100% sur les rares tours clairs que l’on a. La course est presque le moment le plus calme du week-end. Une fois le départ passé, on sait très bien qu’il est extrêmement difficile de doubler. Les leaders dictent le rythme de la course et derrière on se contente de suivre en adoptant un rythme de « croisière ». On est un peu à la queuleuleu.
« Bien économiser son énergie »
Monaco constitue l’un des rendez-vous les plus prisés de la saison par les sponsors. Vous êtes chaque année sollicités pour des nombreuses manifestations promotionnelles. N’est-il pas trop difficile de gérer toutes ces demandes et de rester dans le même temps concentrer sur son objectif sportif ?
On est indubitablement confronté à bien plus de demandes qu’à l’accoutumée. Encore que cette année je ne suis pas trop chargé (Rires). C’est plutôt une bonne chose. Je dois juste assister à un cocktail Richard Mille samedi soir et quelques autres événements promotionnels, mais dans l’ensemble je m’en sors bien. On apprend avec les années à intégrer ce facteur et à le gérer. On doit veiller à bien économiser son énergie tout au long du week-end parce que les moments où on est à l’écart sont rares. Il faut alors savoir profiter de chaque petite période de tranquillité pour se ressourcer.
Dans quel état d’esprit aborde-t-on cette épreuve quand on sait ne pas pouvoir disposer de l’une des meilleures voitures du plateau ? Est-on optimiste sachant que tout peut se produire ici ou à l’inverse négatif en raison de l’impossibilité de dépasser en piste ?
On lance une pièce en l’air et on attend de voir ce qu’il se passe (Rires). Monaco est le théâtre de la dernière victoire d’un pilote français en 1996 avec seulement trois voitures à l’arrivée. Si ce Grand Prix fut complètement fou, il ne s’est absolument rien passé lors de certaines éditions. En 2014 je m’étais retrouvé 19ème après le premier tour en raison d’une crevaison et j’avais finalement réussi à terminer 8ème à la suite de la pénalité infligée à Jules (Bianchi). Et je n’avais pas doublé une seule voiture. Les aléas de la course, les safety-car ou encore les arrêts ravitaillements de mes adversaires ont favorisé ma remontée.
« Jules reste l’un des nôtres »
Les prévisions météorologiques annoncent de la pluie ce dimanche en course. Pouvez-vous espérer tirer votre épingle du jeu dans ces conditions ?
La météo prévoit effectivement un temps assez couvert avec un risque d’averse pour la course. Monaco sous la pluie c’est compliqué. Il faut éviter les passages piétons, les lignes blanches, les signalisations, les plaques d’égout. Rouler sur le mouillé ici équivaut un peu à circuler en scooter à Paris (Rires). Ce n’est pas forcément une partie de plaisir.
On a coutume d’affirmer que le talent du pilote prime plus qu’ailleurs à Monaco. Est-ce toujours vrai ?
Les voitures sont tellement sophistiquées aujourd’hui que cette règle se vérifie malheureusement de moins en moins. Les différences sont également énormes entre les meilleures voitures et celles qui évoluent en queue de peloton. Les courses semblent plus ennuyeuses que par le passé, car les aléas sont moins nombreux de nos jours. On n’a plus de pannes d’essence, moins de casses moteurs ou de problèmes mécaniques. Personnellement, j’essaye toujours de donner mon maximum, mais réussir à faire une grosse différence est autrement plus difficile qu’autrefois.
Vous étrennez ce week-end une nouvelle livrée de casque en hommage à votre ami Jules Bianchi. Est-ce un moyen de penser à lui ?
Je voulais simplement honorer sa mémoire et rappeler la superbe course qu’il avait réalisée à Monaco en 2014. Si j’avais pu, j’aurais même entièrement redécoré mon casque et je ne me serais pas seulement contenté de l’arrière. Sa performance ce jour là fut tout bonnement magnifique. Jules reste l’un des nôtres. On ne doit pas l’oublier. Il fait toujours partie de nous.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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