Stéphane Vrignaud : « Hamilton va continuer à maîtriser son sujet » (2/2)

Stéphane Vrignaud doute de la stratégie à long terme de Renault.
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Observateur avisé du monde des Grand Prix depuis de longues années, Stéphane Vrignaud décortique toutes les épreuves du championnat du monde fort de sa plume acérée et de son regard décalé.  Jamais le dernier à dérider un univers parfois trop politiquement correct, le chroniqueur du blog Bonus Track revient sur le 4ème Grand Prix de la saison disputé à Bahreïn. De la nouvelle domination de Lewis Hamilton aux difficultés récurrentes de Nico Rosberg en passant par la résurrection de Räikkönen et de l’enlisement de Renault : le journaliste d’Eurosport tire en exclusivité pour Warm-up F1 tous les enseignements à retenir de ce week-end de Sakhir.

Le responsable de la filière Red Bull, Helmut Marko, a accusé il y a quelques jours Mercedes d’avoir aidé Ferrari à compenser son immense retard pendant l’intersaison en recrutant son spécialiste de la technologie hybride, un certain Wolf Zimmermann. Quel crédit apportez-vous à ces propos ? Cela semble invraisemblable …

Je ferais le constat qu’il y a beaucoup de choses en Formule 1 qui ne sont pas publiques, mais qu’on aurait beaucoup de mal à croire. Je ne sais pas quel crédit apporter aux déclarations d’Helmut Marko. Je ne vois qu’une chose : une fois de plus il est dans un rôle d’agitateur. Son but est de déplacer les problèmes, de créer quelques diversions et de faire passer ceux qui gagnent pour des gens non respectueux des règles. Ferrari a opéré un spectaculaire redressement et ça les agace. Le rétablissement de Ferrari, on ne le doit qu’à eux. S’ils ont mis la main sur un super technicien de chez Mercedes, tant mieux. On sait très bien qu’ils ont la capacité de faire des propositions financières très intéressantes afin de convaincre des gens de la concurrence de les rejoindre. C’est l’histoire de la course auto et de la vie en général. Mercedes se retrouve opposée à Ferrari, c’est l’unique coïncidence que l’on puisse dénoter. Là où l’année dernière on les accusait de tout croquer, on les voit désormais plus comme des gens qui gagnent contre Ferrari. L’année dernière ils s’imposaient un peu contre personne. Et cela convient mieux à Mercedes en termes d’image et de publicité.

Kimi Räikkönen a réussi un Grand Prix de toute beauté à Sakhir. A-t-on retrouvé le vrai Kimi brillant et conquérant de ses années Lotus ?

Räikkönen est un peu égal à lui-même hormis si l’on se réfère à sa saison 2009 où il avait tout balancé et où il était démotivé. La voiture lui convient bien tout comme pour Hamilton. Il a une monoplace dans les mains qui correspond exactement à ce qu’il attend. Je vois aussi autre chose : pour la première fois de sa carrière il a un coéquipier avec qui il entretient une réelle complicité, une amitié même. Räikkönen n’a pas d’amis dans le paddock. Il s’entend bien avec Vettel parce qu’ils ont le même caractère assez direct et sans détour. Je pense que cela compte énormément. Kimi marche aussi beaucoup au moral et il était un peu submergé jusque-là par Vettel qui est arrivé et qui a gagné très vite. C’était un peu compliqué pour lui. Arrivabene l’a très bien compris et il l’a carrément cajolé à l’arrivée du Grand Prix de Bahreïn. Ils entretiennent bien son moral comme Éric Bouiller le faisait chez Lotus.

« Renault paraît très affecté »

Räikkönen peut-il à terme prendre le dessus sur son coéquipier Vettel chez Ferrari ?

Non, je ne le crois pas. Räikkönen n’ira pas beaucoup plus loin parce que son problème reste la qualification. Il n’a jamais été un foudre de guère sur un tour chrono et cela le limite. On l’a vu à Bahreïn. Il est parti de la deuxième ligne pour la première fois depuis 2013. Cela prouve une certaine faiblesse dans cet exercice. Or, on s’est aperçu qu’en partant de cette place là, il avait tout de suite accès à une belle position puisqu’il est sorti 3ème du premier virage. Cela a boosté sa course immédiatement. Il faudrait qu’il refasse ça à chaque Grand Prix c’est-à-dire qu’il soit au moins dans le top 4 de la qualification. Il n’y a que ça qui puisse le sauver. Malheureusement Vettel ne va pas se louper à chaque fois. Une éventuelle victoire de Kimi passe d’abord par une bonne qualification. Il lui faudra battre Vettel le samedi. Et je ne le vois pas en mesure de le faire. Je pense qu’il va rester un peu derrière Sebastian.

Jenson Button a vécu un week-end cauchemardesque à Bahreïn ne participant ni aux qualifications ni à la course. Dans le même temps, Fernando Alonso est passé tout près d’inscrire ses premiers points en course. La veille il avait déjà offert sa première Q2 à McLaren-Honda en 2015. Peux-ton se réjouir de ce léger mieux ?

Cette 11ème place d’Alonso résulte d’avantage d’un concours de circonstance puisqu’il avait déclaré en marge de ce week-end qu’aucune nouveauté technique n’apparaissait sur la voiture entre le 3ème et le 4ème Grand Prix. On ignore la marge de progression de Honda. Le problème pour l’instant est que bien qu’Alonso ait accroché une Q2 à Sakhir, il ne fait pas encore la différence en qualification comme on pouvait s’y attendre. C’est peut être parce qu’un très bon pilote ne peut pas démontrer ses qualités au volant d’une voiture qui est encore très moyenne. Son impact n’est pas encore flagrant dans les résultats de l’écurie et je trouve cela un peut bizarre. On verra bien. Il faut lui laisser du temps puisqu’il s’agit de toute façon d’un projet à long terme. Concernant Button, Honda et McLaren avaient certainement envisagé ce genre de soucis techniques. Ce n’est pas une première puisque Kvyat ou Magnussen n’avaient, eux non plus, pas pu prendre le départ en Australie. Cela arrive. Honda rencontre vraisemblablement plus de problème qu’ils ne l’avaient pensé. Ils sont un peu revenus à Bahreïn, mais ils visent clairement le long terme.

Renault a peut être touché le fond lors des deux derniers Grand Prix. Le climat détestable qui règne avec Red Bull et les piètres résultats obtenus depuis l’an dernier peuvent-ils inciter la marque au losange à se retirer de la F1 ?

Oui, c’est une éventualité à ne pas négliger. Je dirais qu’on ne sait jamais si on a réellement touché le fond. On ne sait pas ce que va faire Renault lors des prochaines courses. Je vois qu’il y a de la bonne volonté, mais il y a surtout des effets d’annonces et pas de résultats tangibles pour l’instant. Il est quand même regrettable que Red Bull n’ait pas appris à perdre et ne soit pas un peu plus patient. Ils considèrent que tout leur est dû. Je sais bien qu’ils investissent beaucoup, qu’ils ont énormément gagné, mais la route tourne. Curieusement, Renault paraît très affecté par les effets négatifs sur son image et envisage des solutions un petit peu étrange. Je ne crois pas qu’une Toro Rosso repeinte en jaune changerait quoique ce soit. Je pense même que Renault s’exposerait aux moqueries des Britanniques qui verraient dans ce choix la résurgence de la fameuse théière jaune du début de l’ère turbo. Ce n’est clairement pas une question de couleur de carrosserie. S’ils veulent faire quelque chose par rapport à Toro Rosso il faut qu’ils reprennent le contrôle de l’écurie et qu’ils redeviennent un constructeur à part entière. Car rester dans la configuration actuelle de partenaire et motoriste d’une écurie comme Red Bull n’est pas tenable. S’il y a des dissensions, des frustrations, ils risqueront de toute façon de revivre la même situation l’an prochain, dans deux ans ou dans trois ans. Cette solution n’est pas viable sur le long terme.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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