Thibault Larue : « Rosberg s’est fait massacrer en qualification et en course » (1/2)

Thibault Larue
Thibault Larue ne voit pas Hamilton affaibli par sa mésaventure monégasque.
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Suiveur assidu des Grand Prix depuis la saison 2000, Thibault Larue livre tout au long du championnat une analyse aussi pointue et fine que ne l’est sa plume. Grand défenseur d’une discipline dont il connaît les moindres subtilités, le chef de la rubrique sport du mensuel Sport Auto décortique la 6ème manche de la saison de Formule 1 courue le week-end dernier à Monaco. De l’improbable victoire de Nico Rosberg, à la nouvelle bourde stratégique de Mercedes, en passant par le sursaut de Red Bull et l’impressionnant crash du débutant Max Verstappen : le fondateur du Blog F1 dresse en exclusivité pour Warm-up F1 le bilan de ce riche et épique week-end monégasque.

Thibault, Nico Rosberg remporte à Monaco une victoire totalement inattendue grâce à la nouvelle bourde stratégique de Mercedes. Ce succès un peu immérité tant la domination d’Hamilton aura été grande, peut-il vraiment relancer l’Allemand dans la course au titre ?

J’ai l’impression que non. Ce succès est très différent de ses autres victoires. Autant l’année dernière, mais aussi en 2013, Nico était plus rapide qu’Hamilton et il gérait mieux les pneus. L’histoire de la qualification et la bataille un peu extra sportif l’avaient renforcé l’an dernier. Là, je ne vois pas grand-chose qui le renforce ce week-end. Rosberg s’est quand même fait massacrer en qualification et en course. C’est un coup du sort qui coupe un peu Lewis dans son élan. Mais je n’ai pas l’impression que cela puisse vraiment relancer Rosberg. Il m’a l’air cette année un ton en dessous par rapport à l’an dernier. Il a réagi en Espagne, mais Lewis a été un peu gêné en course. Deux de ses arrêts ont également été loupés. Je n’ai pas encore vu un vrai Grand Prix cette année avec un Rosberg plus rapide comme ce pouvait être le cas la saison dernière sur certaines courses. Cela paraît plus un caillou dans la chaussure d’Hamilton qu’un vrai regain de confiance pour Rosberg. Nico n’a vraiment pas été au niveau d’Hamilton ce week-end. C’est clair.

Lewis Hamilton avait tout bien réussi ce week-end jusqu’à ce deuxième arrêt au stand. Les torts sont-ils partagés dans cette nouvelle bourde stratégique du team allemand étant donné que l’Anglais a émis des doutes sur la tenue de ses pneus à la radio ?

Sur le papier on pourrait répondre oui parce que nos informations confirment plus ou moins qu’Hamilton a lui aussi sa responsabilité dans cet arrêt. On le connaît Lewis, il n’est pas toujours très serein et il a certainement surpaniqué par rapport à ses pneus. Ses précédents tours étaient excellents. Il a mis ses gommes un tour après Rosberg. Il n’y avait aucune raison que les choses se passent mal et de toute façon si ses pneus baissaient de température, cela aurait également été le cas pour les autres pilotes. Ça c’est Lewis. Le boulot d’un ingénieur de piste est de rassurer son pilote. Et là clairement il y a deux fautes : une faute de calcul, cela arrive souvent parce qu’il est très difficile de calculer les bons écarts sous safety-car, mais la vraie erreur repose sur la chaîne de commandement. Premièrement, il faut qu’au-dessus du stratège de Mercedes il y ait quelqu’un qui réponde à Lewis : « calmes-toi tes pneus ne sont pas pires que ceux des autres ». Deuxièmement, le muret devait répliquer à la personne chargée des calculs de la stratégie : « tes calculs c’est bien gentil, mais non à Monaco on ne s’arrête pas quand on est en tête ». Point.

« Une vraie erreur du management de Mercedes »

Hamilton n’aurait-il malgré tout pas dû s’imposer à son stand en refusant cet arrêt et en restant en piste à l’instar de Rosberg et Vettel ?

Ce serait quand même dur de donner une responsabilité à Lewis parce que même si un pilote panique, l’équipe doit savoir le rassurer et effectuer le bon choix. Tous les pilotes ont stressé pendant un Grand Prix, même Schumacher cela lui arrivait beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. Michael questionnait énormément le stand, il était très inquiet sur les pneus et les choses comme ça. Normalement c’est au box de calmer le pilote et lui dire : « écoute Nico ne va pas s’arrêter, Vettel ne stoppera certainement pas, tes pneus vont très bien, on ne s’arrête pas ». C’est une vraie erreur du management de Mercedes. La personne en charge des calculs n’est en rien responsable, parce qu’elle est là pour calculer et pas pour réfléchir au reste. Paddy Lowe ou Andrew Shovlin auraient dû imposer leur décision. Lewis n’a quasiment aucune responsabilité dans cette affaire. On ne peut clairement pas le blâmer pour cet arrêt.

Les machines à gaz que sont devenus les pitwall n’ont-ils pas contribué à toute cette confusion ? N’aurait-il pas été plus judicieux d’opérer à l’ancienne en regardant les faits en piste ?

Tout ça ce sont des détails. On sait très bien qu’à Monaco on ne s’arrête pas quand on est en tête. C’est le seul Grand Prix comme ça d’ailleurs. Ils avaient un arrêt gratuit devant eux à un moment donné. Et en F1 l’arrêt gratuit c’est toujours le graal suprême. Quand tu peux te permettre de changer de pneus et que cela ne te coûtes rien évidemment que tu vas te précipiter pour le faire. Mais Monaco c’est vraiment compliqué, le deuxième secteur est tellement long qu’on ne connaît les écarts qu’au tout dernier moment. On ne peut pas opérer à l’ancienne, parce qu’il faut les simulations et tous les outils modernes. Sauf si tes pneus sont complètement explosés, ce qui n’était pas le cas jusqu’à preuve du contraire, le pragmatisme veut que tu ne t’arrêtes jamais à Monaco. La seule fois où cela s’est produit c’était avec Vettel en 2011, mais il y avait eu un drapeau rouge. Sinon il ne se serait jamais arrêté même avec des pneus complètement morts. Ce n’est pas la première bourde de Mercedes. Ils en avaient fait une monumentale en Malaisie aussi. Ne pas mettre les pneus tendres à Lewis alors que Rosberg remontait avec ces gommes une seconde au tour à Vettel est incompréhensible. Ils auraient mis des soft à Lewis en Malaisie, Hamilton aurait gagné. Il n’y avait pas photo. Ça commence à faire beaucoup.

« Hamilton a réalisé un Grand Prix extraordinaire »

Hamilton est apparu totalement dévasté après l’arrivée. Ce couac peut-il laisser des traces chez lui ou cet épisode demeurera-t-il une simple péripétie dans son championnat 2015 ?

Lewis a déjà connu beaucoup de problèmes à Monaco depuis le début de sa carrière et chaque année il remet les pendules à l’heure derrière au Canada. Le tracé Gilles-Villeneuve est l’un de ses circuits préférés. Lewis est dans son truc, il est plus calme que jamais. Rosberg aurait été plus proche de lui, ça aurait éventuellement pu le titiller, mais là il sort quand même un week-end à la Senna. Il a réalisé un Grand Prix de Monaco extraordinaire. Ainsi, je ne pense pas que cette course laissera des traces dans son esprit. Il a clairement le dessus sur Nico depuis le début de l’année. C’est indéniable. Il a pleinement conscience que Rosberg revient de temps en temps sur des petites choses comme ça, mais je pense que Lewis est nettement plus serein que l’année dernière. Il ne sortira pas affaibli de ce week-end monégasque.

Sebastian Vettel tire encore les marrons du feu en terminant 2ème à Monaco. Après des qualifications délicates pour Ferrari, l’Allemand n’a jamais lâché Rosberg en course. Son début de championnat quasiment parfait sera-t-il suffisant pour lui permettre de rivaliser jusqu’au bout avec les flèches d’argent dans la quête du titre ?

On ne peut pas le prédire à l’heure actuelle, mais une chose est certaine. Son but est de répéter une Räikkönen 2007, c’est-à-dire de rester coller le plus possible jusqu’au bout tout en espérant des accrochages et des abandons de ses adversaires directs. Vettel est très présent depuis l’entame de la saison. Il est costaud dès le samedi, il ne commet pas de fautes et il est souvent très proche de Rosberg si l’on regarde bien. Sur tous les Grand Prix il est là. S’il y a une domination de Mercedes sur Ferrari, elle est surtout du fait de Lewis, car Rosberg ne termine jamais très loin devant Vettel. La seule exception cette année reste pour le moment Barcelone où la Ferrari était quand même assez distancée des deux flèches d’argent. Il y a failli avoir un miracle pour Sebastian à Monaco, car je pense qu’il était plus rapide que Rosberg. Ferrari a tenté l’undercut en vain. Cela s’est joué sur des drapeaux bleus et un Merhi qui l’a un peu gêné. L’arrêt n’était pas non plus extraordinaire.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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