Fruit de l’imagination d’Ersnt Christ, le circuit d’Hockenheim sort de terre le 25 mai 1932. Longtemps utilisé comme piste d’essai par Mercedes-Benz, le tracé germanique se compose d’interminables lignes droites et d’une partie plus sinueuse dans le Stadium. Située à 25 km au sud-ouest d’Heidelberg, la piste reçoit pour la première fois la Formule 1 en 1970 avant de définitivement supplanter l’anachronique Nürburgring dès la saison 1977. Bien qu’apprécié des pilotes, le grand Hockenheim ne résistera pas à la dictatoriale politique sécuritaire de la FIA et refermera ses portes au soir de son 25ème Grand Prix en 2001, non sans avoir coûté la vie à l’immense Jim Clark et au Français Patrick Depailler.
Un an après avoir failli mourir dans le virage de Bergwerk, l’Autrichien s’impose de nouveau en Allemagne, offrant au passage le centième succès de l’histoire de Goodyear. Mais douze ans après le drame Clark, Hockenheim est de nouveau endeuillé en 1980. Alors qu’il effectue des essais avec son équipe Alfa Romeo en préparation du futur Grand Prix d’Allemagne, le Français Patrick Depailler est victime d’un ennui mécanique (sans doute une rupture de l’une de ses jupes latérales) dans la très véloce courbe de l’Ostkurve. Lancé à plus de 280 km/h, le natif de Clermont-Ferrand perd le contrôle de sa monoplace et s’en va mortellement percuter le rail de sécurité. Conscient de la dangerosité de la courbe en cas de sortie de piste, les propriétaires du tracé créent, en 1982, une troisième chicane dans l’Ostkurve, amputant Hockenheim de son virage juge de paix. Bien que désormais plus sûr, le tracé allemand va de nouveau être le théâtre d’un terrible accident lors des essais libres de l’édition 1982.
Alors qu’il s’est adjugé le meilleur temps de la première séance de qualification la veille, Didier Pironi décide de sortir pour tester différents trains de pneus Goodyear en dépit des conditions dantesques. Véritablement noyé sous la pluie, le circuit n’offre qu’une visibilité infime aux pilotes. Lancé à pleine vitesse dans un tour rapide et aveuglé par les fortes projections d’eau, le natif de Villecresnes n’aperçoit pas la Renault au ralenti de son compatriote Alain Prost, lui-même dépassé par la Williams de Derek Daly. Le choc est inévitable. La Ferrari du Français s’envole dans les airs avant de lourdement s’écraser dans les rails de sécurité. Sévèrement touché aux pieds, Pironi risque l’amputation, mais verra ses jambes sauvées après une opération de plus de six heures. Ferrari ayant omis de déclarer le forfait de son pilote pour la course, Pironi conservera toutefois sa pole position, la quatrième et dernière de sa carrière.
Victime de Tilke
Vainqueur d’une course dans laquelle Nelson Piquet assénera une ubuesque série de coup de poing à Eliseo Salazar, Patrick Tambay signe le lendemain sa première victoire en F1, redonnant au passage du baume au cœur à une Scuderia déjà meurtrie par la mort récente de Gilles Villeneuve. Absent du calendrier en 1985 au profit du nouveau Nürburgring, le tracé germanique revient en 1986 et sacre Piquet dans une course marquée par de nombreux abandons dont celui d’Alain Prost, tombé en panne d’essence à quelques encablures de l’arrivée. Après deux modifications de la chicane Ostkurve en 1990 et 1992, ainsi qu’une légère retouche de la première chicane en 1994, le circuit d’une longueur de 6,823 km gardera son dessin inchangé jusqu’à sa dénaturation totale en 2002.
Entre temps, Alain Prost glanera en 1993 un 51ème et dernier succès en F1 au terme d’un week-end pourri par le conflit politique mené par Ferrari et la FIA autour des aides électroniques. L’année suivante, Jos Verstappen survivra à un incendie effrayant durant son arrêt au stand, le pilote hollandais n’étant que légèrement brulé au visage. Cette édition 1994 sera également marquée par un monumental carambolage au départ, mettant dix voitures sur le carreau, qui vaudra à Mika Hakkinen une course de suspension. Pas avare en scénario palpitant, Hockenheim clôturera sa fabuleuse histoire avec la F1 fort d’une avant-dernière représentation d’anthologie. Après 124 départs en Grand Prix, Rubens Barrichello ceint sa toute première victoire dans la catégorie reine en 2000 au terme d’une remontée héroïque. Parti sur la 18ème place de la grille, le pilote Ferrari prit le pari de rester en slick alors que l’averse grondait dans le stadium et coiffa les deux McLaren de Mika Hakkinen et de David Coulthard passées en pneus pluies.
Ralf Schumacher allait devenir l’année suivante le dernier vainqueur de l’ancien Hockenheim, non sans avoir profité des déboires de son coéquipier Juan-Pablo Montoya, au terme d’une course qui avait débuté par l’impressionnant vol plané de Luciano Burti victime collatérale de problèmes de Michael Schumacher au départ. La dégradation progressive des longues lignes droites, le problème inhérent de sécurité dans la forêt (l’irruption d’un spectateur sur la piste en 2000) et la faible visibilité des monoplaces pour les spectateurs contraignent la Formule 1 à délaisser la version longue du tracé après l’édition 2001. Totalement dénaturé par Hermann Tilke, Hockenheim n’est plus aujourd’hui qu’un banal tracé sans saveur et sans âme, loin du splendide temple de la vitesse qu’il fut autrefois.
Andrea Noviello
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