Englobé dans l’élaboration d’un projet d’urbanisation et de développement de Sao Paulo, le circuit d’Interlagos est inauguré le 12 mai 1940. Dessiné par l’architecte français Alfred Crouch, le tracé long de 7,960 km se caractérise par ses grandes courbes et ses dévers impressionnants. Premier hôte du Grand Prix du Brésil en 1973, la sélective piste brésilienne ne survivra que sept petites années aux affres de la catégorie reine avant de devoir s’effacer devant les envies grandissantes de la ville ennemie Rio de Janeiro et son circuit de Jacarepagua.
Après une nouvelle mise à jour visant à répondre aux normes de la F1, Interlagos héberge en 1971 une manche non-officielle de F2 remportée par l’enfant du pays Emerson Fittipaldi. L’année suivante, la catégorie reine s’invite enfin sur le tortueux tracé pauliste dans le cadre d’une épreuve hors-championnat. Premier pilote à apposer son nom au palmarès de la manche brésilienne, l’Argentin Carlos Reutemann devance le Suédois Ronnie Peterson et le régional Wilson Fittipaldi. Devant l’ampleur du succès, le Brésil se voit offrir sa place au calendrier de la Formule 1 en 1973. Disputé sous une chaleur caniculaire, le Grand Prix sacre la nouvelle idole du peuple pauliste : Emerson Fittipaldi. Ivre de joie devant le succès de celui qui était en train de devenir une véritable star dans son pays, la foule envahira même la piste afin de célébrer son héros. Si le pilote Lotus ne pourra pas empêcher l’Écossais Jackie Stewart de ceindre le titre cette année là, le Brésilien prendra sa revanche en 1974 après s’être de nouveau montrer souverain à Interlagos.
Cette deuxième victoire à domicile du natif de Sao Paulo fut pourtant loin d’être de tout repos. Totalement chauffés à blanc par la pole position de leur héro, les spectateurs brésiliens lancèrent des morceaux de verre brisé sur la piste, obligeant la direction de course à repousser le départ le temps de nettoyer le circuit. Seulement troisième à la fin de la première boucle, Emerson Fittipaldi profitera des soucis pneumatiques de Carlos Reutemann et de la crevaison lente du leader Ronnie Peterson, sans doute provoquée par un débris de verre, pour remporter un Grand Prix stoppé à huit tours du terme en raison d’une pluie diluvienne. En 1975, un autre représentant du pays dirigé par Joao Figueiredo va confirmer la main mise des pilotes locaux sur leur tracé d’Interlagos. Largement dominée par le Français Jean-Pierre Jarier jusqu’à qu’une panne d’alimentation ne le contraigne à l’abandon à sept tours de l’arrivée, la course s’offre finalement à l’étoile montante du sport automobile brésilien Carlos Pace.
Un public bouillant
Le natif de Sao Paulo triomphe pour la première et unique fois de sa carrière à domicile, provoquant une nouvelle fois l’hystérie d’un public pauliste qui n’hésita pas à porter en triomphe le pilote Brabham jusqu’au podium. Après trois succès en autant de course d’un pilote local, Niki Lauda met fin à l’hégémonie brésilienne à Interlagos en 1976 en s’adjugeant la victoire dans l’indifférence totale du public auriverde. Alors qu’elle aurait du célébrer avec faste les cinq ans de l’arrivée de la F1, l’édition 1977 marque un vrai tournant dans l’histoire du grand Interlagos. Très piégeux et bosselé, le circuit brésilien ne pardonne rien aux pilotes et ses piteuses zones de dégagement n’en favorisent nullement la sécurité. Victime de l’huile délaissée par la Wolf de Scheckter, Jochen Mass perd le contrôle de sa monoplace dans Curva 3 et percute violemment les barrières de sécurité. Jonchée de débris, la piste devient un vrai coupe-gorge ce que vérifient à leur dépend Clay Regazzoni et Ronnie Peterson.
Pire, l’effritement de l’asphalte dans cette même Curva 3 occasionne la sortie de piste de Jacques Laffite avant que Patrick Depailler et John Watson ne viennent l’imiter quelques tours plus tard. Marquée par cette série d’accidents en cascade et par l’intervention dangereuse des secouristes brésiliens, ces derniers n’ayant pas pris la peine de garer leur ambulance en dehors de la piste pour évacuer Depailler vers l’hôpital, la F1 choisit de délaisser Interlagos en 1978 au profit du tout nouveau tracé de Jacarepagua à Rio. De retour au calendrier en 1979 après avoir opéré de nouveaux aménagements afin d’accroître sa sécurité, le circuit célèbre la domination des Ligier. Non content d’avoir pulvérisé de plus de six secondes l’ancien record de la piste détenu depuis 1975 par son compatriote Jean-Pierre Jarier, Jacques Laffite s’adjuge le premier grand chelem de sa carrière, triomphant devant l’autre monoplace française de Patrick Depailler.
Hélas, l’apaisement du microcosme de la F1 ne durera qu’un an. La dégradation de l’état de la piste, la faiblesse de ses dégagements et les nombreuses bosses qui jalonnent son parcours conduisent les pilotes, réunis autour de Joddy Scheckter, à requérir le boycott de l’épreuve en 1980. L’indifférence de la FISA (Fédération International du Sport Automobile) et l’opposition de la moitié du plateau, dont celle remarquée de Mario Andretti, pousseront les promoteurs à organiser le Grand Prix comme prévu. Placée sous le sceau de la domination des Renault, la course voit René Arnoux signer son premier succès dans la catégorie reine, le dernier sur la version longue du tracé, non sans avoir profité des déboires de son coéquipier Jean-Pierre Jabouille confortable leader pendant plus de la moitié de l’épreuve. Lassée par l’incapacité des organisateurs à assurer une modernisation de ses normes de sécurité, la Formule 1 délaisse définitivement le grand Interlagos en 1981 et émigre dans la ville voisine de Rio sur le flambant neuf circuit de Jacarepagua.
Andrea Noviello
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