Bombardé en tête de la course par un envol prodigieux et par l’accrochage du départ entre les Ferrari et la Red Bull de Verstappen, Lewis Hamilton a magistralement remporté le Grand Prix de Singapour, quatorzième manche de la saison 2017 de Formule 1. Imperméable aux conditions changeantes, le Britannique enlève avec panache la 60ème victoire de sa carrière et conforte encore un peu plus son leadership au championnat. Seul rescapé du quatuor de tête des qualifications, Daniel Ricciardo décroche une belle deuxième place tandis que Valtteri Bottas conclut sur une bonne note un week-end difficile en grimpant sur la troisième marche du podium.
Battu à plate couture la veille lors d’une séance qualificative qui l’aura vu concéder six dixièmes au poleman du jour Sebastian Vettel, Lewis Hamilton n’en menait pas large au moment d’affronter les questions des journalistes à l’occasion du traditionnel point-presse d’après qualification. Lui habituellement si rayonnant et sûr de sa force face aux médias dégageait une certaine forme de dépit à peine masquée par quelques (légers) sourires de façade. Pointé du doigt par son patron Toto Wolff pour sa modeste performance (5ème temps) dans les rues de Marina Bay, le Britannique tentait tout de même de faire bonne figure, déclarant à qui veut l’entendre qu’il allait mettre tout en œuvre afin de limiter au maximum les dégâts face à son principal rival au championnat. Si les carences prononcées de sa flèche d’argent sur ce tracé si singulier de Singapour lui interdisaient tout excès d’optimisme avant la course, le triple champion du monde entendait malgré tout se racheter aux yeux de ses employeurs.
Il a tenu parole. Mais dans des proportions autrement plus grandes qu’attendu. Alors que l’ensemble du paddock lui prédisait un dimanche après-midi galère et interminable, le natif de Stevenage a merveilleusement su tourner à son avantage le changement brutal des conditions climatiques sur Singapour. Habillement passé au travers des embûches au départ, l’Anglais a ensuite contrôlé les opérations de bout en bout, ne laissant jamais à son dauphin Ricciardo l’espoir de venir l’inquiéter. Resté imperturbable malgré l’apparition de trois voitures de sécurité, Hamilton empoche au terme d’une éclatante démonstration de force la 60ème victoire de sa carrière en Formule 1, la troisième à Marina Bay. « Dieu m’a pris sous son aile aujourd’hui, confie le pilote flanqué du numéro 44. Nous étions en difficulté hier et nous ne savions pas à quoi nous attendre pour la course. Quand j’ai vu la pluie je savais où j’allais terminer : devant. Ce sont mes conditions. J’ai eu beaucoup de chance avec l’élimination des Ferrari dès le début. Daniel m’a donné du fil à retordre donc je savoure encore plus ce succès. Je tire une nouvelle fois mon chapeau à l’équipe. »
Vettel rouge de honte
Épargnée en neuf éditions par les caprices de sa météo, la cité-état a, cette fois, vu le ciel ouvrir brusquement ses vannes à quinze minutes du départ de cette quatorzième manche de la saison. Indécis quant au juste choix à opérer en matière de pneus, les pilotes n’ayant encore jamais disputer le moindre Grand Prix de nuit sous le mouillé, les cadors ont tous sans exception opté en faveur des gommes intermédiaires quand les outsiders prenaient le pari de monter les maxi-pluie. Relativement bien parti à l’extinction des feux, le poleman Vettel ne résiste toutefois pas à la tentation de venir tasser sur l’intérieur la Red Bull menaçante de Verstappen. Condamnable d’un point de vue éthique, le geste de « Baby-Schumi » l’est d’autant plus qu’il va provoquer la perte des deux Ferrari. Auteur d’une mise en action somptueuse, Kimi Räikkönen est sur le point d’avaler la Red Bull du Batave lorsque le grossier décalage sur la droite de son coéquipier provoque un carton en chaîne. Pris en sandwich par les deux monoplaces rouges, le Néerlandais arrache le train-arrière gauche du Finlandais avant d’envoyer le champion du monde 2007 s’encastrer contre l’autre Ferrari de Vettel.
« Sebastian est le principal responsable dans cet accrochage, tance le prodigue de chez Red Bull. Son geste n’était pas nécessaire d’autant qu’il se bat pour le championnat. Ce n’est clairement pas un incident de course. J’étais au milieu de tout ça et je n’ai rien pu faire pour m’en extirper. Je ne suis vraiment pas content, mais au moins les Ferrari aussi ont dû abandonner. » Autre victime collatérale de l’accident du départ, l’Espagnol se voyant violemment percuter par les machines en perdition de Räikkönen et de Verstappen alors qu’il était sur le point de franchir le premier virage en troisième position, Fernando Alonso doit mettre pied à terre dès le 9ème tour, allongeant ainsi une liste d’abandon à laquelle est venue se greffer huit boucles plus tôt le héros des qualifications Vettel. Parvenu à franchir tant bien que mal le virage Sheares devant le reste de la meute, l’Allemand perd soudainement l’arrière de sa Ferrari à la remise de gaz, fracassant son museau contre les rails de sécurité. Revenu en piste, l’Allemand renoncera quelques mètres plus loin, radiateurs hors d’état.
Kvyat une bourde de plus
« Ce n’est pas idéal, confesse le quadruple champion du monde. Nous n’avons pas pu démontrer notre rythme aujourd’hui en course. Mais je reste persuadé que d’autres opportunités de briller se présenteront à nous lors des prochaines courses. » Neutralisé pendant quatre tours sous régime de voiture de sécurité le temps de dégager les nombreux débris jonchant la piste, le Grand Prix est relancé à l’amorce du 5ème passage sous la coupe d’un Hamilton particulièrement opportuniste lors de cette mise en action chaotique. Trop heureux de voir son adversaire direct déjà réduit au rang de spectateur, le Britannique ne se laisse pas prier pour prendre la poudre d’escampette. Seul pilote classé dans le top 4 des qualifications à avoir franchi le 1er tour de course, Ricciardo comprend rapidement qu’il ne pourra rien contre la Mercedes du triple champion du monde. Si l’Australien ne laisse pas l’écart qui le sépare de la flèche d’argent de tête dépasser la barre des cinq secondes, il ne parvient en revanche pas à inverser la tendance sur une piste encore très largement détrempée.
La faible adhérence du tarmac singapourien favorisant un net nivellement des performances, Carlos Sainz profite de la situation pour se débarrasser de la Force India du Français Esteban Ocon dans la 9ème boucle. Transcendé par l’annonce de son futur transfert chez Renault, l’Espagnol fond sur la McLaren de Stoffel Vandoorne lorsque Daniil Kvyat part encastrer l’autre Toro Rosso contre les barrières Tecpro au virage numéro 7. Piégé comme un débutant par l’humidité, le Russe provoque une deuxième entrée en piste de la safety-car au 11ème passage et une nouvelle distribution des cartes. Sautant sur l’occasion, Ricciardo, Ocon, Magnussen, Palmer, Vandoorne et Hulkenberg se jettent dans la voie des stands afin de troquer leurs gommes du départ contre des intermédiaires neuves. Resté sagement en piste, tout comme son coéquipier Valtteri Bottas bombardé de facto en troisième position alors qu’il évoluait à une lointaine sixième place, le leader Hamilton reprend aussitôt son récital, l’Anglais s’octroyant un nouveau meilleur tour en course. Bien pâles lors des qualifications de la veille, les Haas retrouvent quant à elles progressivement des couleurs en course à mesure que la piste s’assèche.
Si Romain Grosjean s’est facilement joué d’un Felipe Massa à l’agonie avec ses pneus pluie, Kevin Magnussen parvient, lui, à disposer du plus coriace Esteban Ocon dans ce même 16ème tour. Bloqué derrière son coéquipier à la porte du top 10, le Danois tente alors le pari de monter les pneus secs dix boucles plus tard. Imité dans la foulée par le vice-champion du monde 2008, Magnussen signe rapidement le meilleur tour en course et pousse les gros bras à anticiper leur passage en gommes slick. D’abord dubitatif, le leader Hamilton stoppe finalement au 30ème passage soit une boucle seulement après son dauphin Ricciardo. Grand gagnant de cette deuxième salve des changements de gommes, l’Ibère s’arrêtant pile au bon moment, Sainz grimpe au cinquième rang derrière l’inamovible trio de tête Hamilton-Ricciardo-Bottas et la Renault de Nico Hulkenberg. Mais à la différence des hommes de tête, le pilote Toro Rosso a, lui, préféré les supertendres aux ultratendes. Un choix osé qu’il n’aura pas à regretter. Directement menacé par la Force India de Sergio Perez, « Carlito » résiste aux (timides) assauts du Mexicain tandis que derrière Grosjean prend la mesure de son coéquipier Magnussen pour le gain de la dixième place.
Esseulé en tête de course, il compte alors plus de 20 secondes d’avance sur Ricciardo, Hamilton voit ses efforts ruinés par une nouvelle intervention de la voiture de sécurité après le crash de Marcus Ericsson dans le 38ème tour. Interminablement longue, les commissaires de piste ayant patienté plus de trois tours avant de daigner venir dégager la Sauber du Suédois, cette troisième neutralisation cause la perte du malheureux Hulkenberg, le pilote Renault devant repasser à son stand injecter de l’air dans son moteur. Meilleur des autres avant son arrêt, l’Allemand tombe en dixième position, mais finira par définitivement renoncer au 48ème tour. Les malheurs des uns faisant le bonheur des autres, Sainz hérite d’une quatrième place inespérée avant la course que l’Espagnol célébrera par un pimpant « boomshakalaka » au moment de franchir la ligne d’arrivée. « Ce résultat est incroyable, savoure le fils du double champion du monde des rallyes. Il s’agit sans aucun doute de l’une des journées les plus importantes de ma carrière sportive. De l’extérieur, personne ne peut imaginer ce que nous avons dû mettre en œuvre pour signer cette performance. Un grand merci à l’équipe. »
Andrea Noviello
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