Alain Prost : « Redonner envie au public de venir voir la Formule 1 » (2/2)

Alain Prost road show Nice 18
Prost préfère attendre avant de se prononcer sur les changements apportés au circuit Paul-Ricard.
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Convié par Renault à venir arpenter la Promenade des Anglais au volant de sa RE40 de 1983, Alain Prost profite de la démonstration organisée dans les rues de Nice pour renouer le lien avec le public tricolore en vue du prochain Grand Prix de France de Formule 1.

Il a beau avoir rangé son casque depuis plus de vingt-cinq ans, Alain Prost demeure toujours aussi populaire auprès des fans français. Cible privilégiée des chasseurs d’autographes lors de la séance de dédicaces organisée par Renault en amont de la démonstration prévue sur la Promenade des Anglais, le quadruple champion du monde se prête à l’exercice avec le sourire, trop heureux de la complicité qu’il a su renouer avec un public pas toujours tendre avec lui lors de sa carrière au plus haut niveau. Longtemps incompris dans son propre pays, « le Professeur » ne conserve cependant pas de rancœur particulière envers ceux qui le décrivaient jadis comme un pleurnichard et un mauvais perdant. Apaisé par les années, le « petit Napoléon » préfère désormais focaliser toute son énergie à son rôle de conseiller spécial du team Renault F1. Invité à Nice par la marque au losange afin de promouvoir le retour du Grand Prix de France, le Ligériens ne se fait pas prier bien longtemps avant de se glisser à bord de celle qui aurait dû le conduire à son premier titre mondial en 1983 : le RE40. Si les conditions épouvantables n’incitent guère à mettre ses roues dehors, l’ancien pilote tricolore s’élance de bonne grâce pour un premier run qui, en théorie, aurait dû durer une petite dizaine de minutes. Hélas, une pluie diluvienne et une monoplace accusant sérieusement le poids des ans auront rapidement raison de la bonne volonté du natif de Saint-Chamond. Victime du calage de son V6 turbo à basse vitesse du côté de l’épingle du Negresco, comme quoi cela peut même arriver aux meilleurs, l’ambassadeur du constructeur français regagne, sans son auto mais avec le sourire, la tente spécialement aménagée par les hommes de Renault Classic devant le Théâtre de Verdure. Le temps de raconter sa péripétie à ses acolytes du jour et l’homme aux 51 victoires en catégorie reine accepte de se livrer sur le retour dans le calendrier de la manche hexagonale. Ravie de l’élan créé autour du futur Grand Prix, la légende du sport automobile français se remémore quelques-uns de ses plus beaux souvenirs du Paul-Ricard et invite ses compatriotes à venir en nombre sur le plateau du Castellet le week-end du 24 juin prochain.

Compte-tenu des standards de sécurité modernes, n’aurait-il pas été possible de redonner au « S » de la Verrerie sa configuration ultra-rapide d’origine, celle qui prévalait jusqu’à l’accident mortel d’Elio De Angelis en 1986 ?

À ça vous savez … Vous pouvez poser la question à dix personnes et recevoir autant de réponses différentes en retour. Dans ce genre de situation, je crois qu’il est important de laisser les gens d’expérience travailler. Jean Alesi a collaboré à l’élaboration du nouveau dessin des trois virages en question. Il est toujours facile de critiquer après coup en disant cela aurait pu être mieux ainsi ou alors fait de cette façon-là. Pour ma part, je n’ai pas vu le virage terminé. Peut-être qu’il sera plus propice aux dépassements. Je n’en sais rien.

À l’instar du Yas Marina Circuit, le tracé Paul-Ricard a pour principale caractéristique de ne comporter aucun dégagement en herbe ou en gravier. Cette délimitation exclusive de la piste par des run-off ne risque-t-elle pas d’engendrer des processions comme à Abou Dhabi ?

On peut effectivement s’interroger sur cet aspect. Pour être vraiment honnête, c’est aussi une question que je me pose sur un plan personnel. On pourrait débattre de ce sujet en vue des prochains Grand Prix de France. On a bien évidemment déjà discuté et avancé sur le sujet. Il ne faut toutefois pas oublier une chose : à l’époque où le Paul-Ricard a été doté de tous ces dégagements asphaltés, il ne devait servir que de piste d’essais. En revanche, la sécurité du tracé est optimale. C’est vraiment une piste sûre aujourd’hui. Maintenant, on ne doit pas pour autant occulter cette donnée et au contraire l’intégrer dans les points de discussion de l’organisation des futurs Grand Prix. Il est également possible de déterminer dans quelle mesure on pourrait agir différemment avant l’édition de cette année même si je ne pense pas que ce soit la priorité des organisateurs à l’heure actuelle.

En treize saisons passées au plus haut niveau, vous avez raflé six victoires en France dont quatre sur le circuit du Castellet. Comment expliquez-vous une telle réussite à domicile ?

Cette course m’a toujours sublimé ! J’ai remporté six fois le Grand Prix de France, mais je me suis également imposé à quatre reprises à Monaco. Empocher dix victoires à la « maison » relève bien évidement un peu de la chance, mais pas seulement. Je me suis toujours transcendé dans ces événements-là. Contrairement à beaucoup de personnes qui subissent la pression, moi je l’aime bien. Elle me rend plus fort, car j’arrive à en tirer une énergie positive. On a forcément plus de pression lorsque l’on court à domicile, mais j’ai toujours su m’en servir à mon avantage. Je ne crois d’ailleurs pas avoir réalisé une seule mauvaise course en France. J’aurais dû gagner en 1984. Hélas, un écrou de vis s’est dévissé et en a décidé autrement. J’étais bien également en 1980 même si je ne me souviens pas si je termine ou pas cet après-midi-là (abandon dès le 6ème tour sur problème de transmission ndlr).

« On a réalisé de bons essais, la voiture marche plutôt bien et elle s’avère surtout beaucoup plus fiable. On est relativement dans les clous par rapport à ce que l’on avait prévu »

De vos quatre succès en terre varoise, lequel suscite chez vous le plus de fierté ? Le premier en 1983 au volant de cette Renault RE40, celui de 1988 à l’issue d’une bataille à couteaux tirés avec Senna ou encore la victoire décrochée sur le fil deux ans plus tard avec Ferrari face à la Leyton House de Capelli ?

Hormis l’édition 1989 dont je ne me rappelle pas spécialement, je garde un souvenir très particulier de mes trois autres victoires au Paul-Ricard. Je placerais les trois au même niveau. 1983 peut paraître ennuyeux de l’extérieur, mais pour moi il s’agissait d’une démonstration d’équilibre total entre la machine et son pilote. Ce succès a d’autant plus de valeur à mes yeux que je m’imposais ce jour-là devant mon public après un début d’année assez difficile. 1988 face à Senna et même 1990 avec la Ferrari dans un Grand Prix où je m’empare de la tête du championnat demeurent également de très beaux souvenirs.

Enfin comment parler du Paul-Ricard sans évoquer l’édition 1982 et cette polémique avec René Arnoux. En refusant de se soustraire aux consignes d’équipe, « Néné » vous a privé d’une victoire qui aurait dû théoriquement vous revenir. Cette « trahison » de la part de votre coéquipier chez Renault a-t-elle été plus douloureuse encore que celle de Senna à Imola en 1989 ?

Oui, indubitablement. Elle a été la plus difficile à vivre, car elle touchait en même temps le public français. Cet épisode a engendré une énorme incompréhension entre les fans et moi. J’ai payé pour quelque chose dont j’étais avant tout la victime. Je ressentais un vrai sentiment d’injustice d’autant que cet épisode a rendu mon rapport avec le public très compliqué pendant un long moment.

Avec 795 tours couverts et 3700 kilomètres avalés en huit jours, Renault présente le cinquième meilleur bilan à Barcelone en termes de roulage. Que pouvez-vous précisément briguer en 2018 ?

Les ambitions sont claires :  progresser, progresser, progresser. On doit aller de l’avant, remonter dans le classement et se rapprocher des meilleurs. L’objectif, il est là. Après, on aura tout le temps de redéfinir nos priorités en fonction du déroulé des événements. Aujourd’hui, on se trouve toujours dans la période où l’on reste fractionné comme dans un entonnoir. On ne sait pas très bien où nous situer dans la hiérarchie. Il est compliqué de prétendre à quoi que ce soit, mais on est pas mal. On a réalisé de bons essais, la voiture marche plutôt bien et elle s’avère surtout beaucoup plus fiable. On est relativement dans les clous par rapport à ce que l’on avait prévu. On n’a vécu aucune catastrophe majeure. Maintenant, cela va dépendre beaucoup du développement que nous serons en mesure de fournir pendant l’année. Une grosse évolution est déjà prévue en milieu de saison. Mais on va aussi être tributaire du travail des autres. Ce que l’on a vu à Barcelone n’est pas très représentatif, car on a eu un climat très compliqué la première semaine et à peine meilleur la seconde. On va devoir patienter jusqu’à Melbourne pour réellement pouvoir jauger des forces en présence.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Prost Renault RER40 Nice
Prost estime avoir toujours su tirer profit de la pression pour briller lors du Grand Prix de France.
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