Alex Caffi : « La Formule 1 est dangereuse et elle doit le rester » (2/2)

Alex Caffi Sportel Monaco 2017
Alex Caffi prône un retour des bacs à sable autour des circuits de Formule 1.
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Patron de sa propre écurie de Nascar depuis l’an dernier, Alex Caffi reste un éternel amoureux de la Formule 1. L’Italien n’est pourtant pas tendre avec une discipline qu’il juge trop aseptisée à son goût.

Reconverti team manager depuis 2016 et l’engagement de son équipe en Nascar Whelen Euro Series, Alex Caffi n’a en pas pour autant oublié son plus grand amour : la Formule 1. Si le résident monégasque est désormais passé de l’autre côté du muret, il continue cependant d’observer le monde des Grand Prix à travers les yeux du pilote téméraire et passionné qu’il a été autrefois. Suiveur assidu d’une discipline qu’il a pourtant quitté avec soulagement en 1992, l’Italien profite de son passage sur le Sportel Monaco, le salon international du sport et des médias, pour pointer du doigt les principales failles de la F1 moderne. Outre la trop grande sophistication des monoplaces contemporaines, le champion de France 2002 de GT regrette l’aseptisation à outrance des circuits et la dénaturation d’un sport dont il ne reconnaît plus les valeurs.

Outre cet excès de précaution à la moindre averse en piste, la Formule 1 n’est-elle également pas devenue trop triste avec tous ces circuits émasculés ?

Ces dégagements en asphalte ne me plaisent pas. À la place, j’opterais en faveur de petits murets comme on en trouvait par le passé à Monaco. Celui qui commet une erreur tape le muret et c’est terminé. Bien entendu cette solution ne doit pas compromettre la sécurité des pilotes. On n’a pas besoin de tuer les gens pour proposer du spectacle. En revanche, si tu sors de la piste, tu heurtes le muret, tu plies ta roue et ta course est finie. Il suffit d’un muret haut comme ça (il mime la hauteur de la main), une quinzaine de centimètres pas plus. J’aimerais beaucoup qu’un tel système soit adopté parce que sinon, les pilotes sortent et rentrent comme si de rien n’était. Un coup tu as une pénalité, un coup non et la fois d’après ils te mettent cinq secondes ! Cela n’est bon pour personne et encore moins pour le public.

Le championnat IndyCar aux États-Unis prouve qu’il est toujours possible de courir sur des tracés à l’ancienne du type Watkins Glen, Road America ou Barber. Pourquoi la F1 ne s’en inspire-t-elle pas ?

Tout simplement parce que la F1 a choisi une autre voie depuis de nombreuses années maintenant. Bernie Ecclestone a réalisé un travail formidable afin de développer ce sport. On doit lui rendre hommage pour cela. Mais la discipline avait besoin d’un changement de vision. Je crois beaucoup en cette nouvelle gestion américaine. Ils ont autre mentalité, une autre façon de procédé. Ils ne doivent pas tout révolutionner pour autant, car la F1 fonctionne telle qu’elle est. S’ils sont intelligents, ils vont en revanche réussir à changer les choses qui ne marchent pas. La F1 a vraiment besoin de plus de spectacle aujourd’hui. On n’aurait très certainement pas pu effectuer toutes ces modifications sous l’ancien management.

Ne manque-t-il tout simplement pas de vraies pistes d’hommes aujourd’hui à la F1 ?

Probablement. Cela s’explique par différents facteurs dont notamment cette tendance à vouloir constamment courir à l’économie. La F1 doit revoir ses circuits ou alors mettre en place des vibreurs plus haut. Prenons l’exemple du cas Verstappen à Austin. Si on regarde attentivement la course, on se rend compte que quatre pilotes au moins ont exactement agi de la même manière que lui sans être pénalisés. En revanche, on a sanctionné Verstappen parce qu’il a coupé le virage dans le dernier tour et qu’il a terminé sur le podium. Quelque chose ne va pas.

« Si le spectacle a disparu aujourd’hui c’est avant tout parce que l’erreur n’existe plus. Un pilote ne peut plus commettre de faute de nos jours. C’est tout bonnement impossible, car si tu sors large, tu reviens aussitôt sur la piste »

Que préconisez-vous dans ce type d’incident ?

Soit on met des pénalités à tout le monde, soit on n’en met à personne. Il faut se montrer un minimum cohérent. Ou alors, comme je l’ai dit précédemment, on crée des petits murets dissuasifs. Si tu ne vas pas rouler sur le muret tout va bien. En revanche si tu commets une erreur et que tu tapes le muret en question, tu peux rentrer à la maison. On doit rendre leur difficulté aux circuits. Tous ces dégagements en bitume sont grotesques. Si un pilote sait qu’il peut sortir sans dommages, il ne va pas se gêner. Il y va et revient sur la piste comme si cela ne s’était jamais produit.

Ne devrait-on pas en fin de compte réintroduire les bacs à sable ?

Je suis complètement pour. Quand on sortait dans le sable, bien souvent on y restait tanqué. On devrait en revenir à cette solution parce que le sable n’est en rien dangereux. Pourquoi ont-ils supprimé les bacs à sable ? Uniquement pour permettre aux pilotes de sortir de la piste sans rien casser. On ne peut pas réfléchir de cette manière. Dans de nombreux domaines, la F1 devrait réintroduire des solutions du passé afin de rendre les courses plus difficiles et de redonner une place à l’erreur. Si le spectacle a disparu aujourd’hui c’est avant tout parce que l’erreur n’existe plus. Un pilote ne peut plus commettre de faute de nos jours. C’est tout bonnement impossible, car si tu sors large, tu reviens aussitôt sur la piste.

Les voitures ne sont-elles également pas devenues trop simples à piloter ?

Sûrement oui. On ne peut plus manquer une vitesse, rater son freinage ou élargir sa trajectoire. Les voitures sont toutes sur des rails ! Et si tu te débrouilles quand même pour te louper, tu as toujours l’opportunité de continuer ta course grâce à ces immenses dégagements bitumés. Comment peut-on avec tout ça encore commettre des erreurs ? Et comment un bon pilote peut-il se démarquer des autres ? Cela n’existe plus. Un pilote peut prendre tous les risques qu’il veut, de toute façon il reviendra en piste. Avant quand tu sortais, tu étais immédiatement mis hors-jeu. Ta course était terminée et tu pouvais rentrer chez toi. C’est ça la plus grande différence entre la F1 de mon époque et celle d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Andrea Noviello

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