Grabiele Tarquini : « J’ai eu la chance de vivre l’ère Senna » (1/2)

Gabriele Tarquini Sportel Monaco 2017
Gabriele Tarquini pense que le pilote reste l'élément prépondérant du résultat en Formule 1.
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Pilote essayeur de Hyundai en TCR, Gabriele Tarquini continue de suivre avec passion l’évolution de la Formule 1. Si le Transalpin affirme prendre plus de plaisir que jamais au volant des voitures de tourisme, il s’estime toutefois chanceux d’avoir connu l’âge d’or de la catégorie reine du sport automobile.

Dans le milieu de la course on le surnomme l’inoxydable. À 55 ans, Gabriele Tarquini n’a toujours pas (totalement) renoncé à revêtir son costume de pilote. Essayeur pour le compte de Hyundai en TCR, l’Italien a également supplanté avec mérite son ami Tiago Monteiro à l’occasion de la manche chinoise du WTCC. Finalement déchu de ses belles quatrièmes et cinquièmes places en raison d’une rampe d’injection non conforme sur sa Honda Civic, « Cinghio » a toutefois prouvé que le poids des ans n’avait aucune influence sur ses performances. Passionné comme lors de ses plus jeunes années en karting, le champion 1994 du BTCC a également conservé une affection toute particulière pour une discipline, la Formule 1, qui ne lui aura pourtant pas apporté la reconnaissance qu’il en attendait. Frustré par l’aseptisation des tracés modernes et par le manque de fermeté de la FIA sur les manœuvres défensives dangereuses, l’ancien pilote AGS n’échangerait pour rien au monde l’époque où il se contentait de jouer le rôle de figurant face aux Prost, Mansell, Piquet et autres Senna.

Vous avez célébré votre cinquante-cinquième anniversaire le 2 mars dernier, mais vous semblez pourtant avoir toujours le même appétit pour la course automobile que lors de vos plus jeunes années. Quel est votre secret ?

La passion en premier lieu (sourire). Je suis tombé amoureux du sport automobile quand j’étais encore enfant. J’ai commencé à courir en karting à l’âge de cinq ans avant de réellement lancer ma carrière à douze ans. Ma passion est depuis restée intacte malgré les nombreuses années passées à sillonner les circuits du monde entier. Les nombreux revers, les rares victoires obtenues sur la piste ont forgé l’homme et le pilote que je suis devenu aujourd’hui. Ma passion n’a en revanche pas décliné depuis mes débuts en compétition. Je m’amuse même beaucoup plus maintenant que lorsque j’avais 20 ans. À cet âge-là, on a encore une carrière à construire. Je n’ai plus ce problème aujourd’hui parce que je sais très bien que tôt ou tard elle s’achèvera. Tout a une autre saveur désormais et je prends nettement plus de plaisir à pratiquer mon sport.

Après la Formule 1, le British Touring Car Championship, le DTM, l’ETCC et le WTCC vous avez endossé cette année un nouveau costume dans votre gigantesque panoplie de pilote avec ce rôle de testeur pour le compte de Hyundai en TCR Series. Ne vivez-vous qu’à travers la quête d’un nouveau défi ?

Oui, j’aime me fixer de nouveaux objectifs. Je cherchais avant tout à rester dans un milieu professionnel ce qui est loin d’être une sinécure aujourd’hui, car le cercle de pilotes professionnels est continuellement en train de se rétrécir. On a beaucoup de pilotes de nos jours et les jeunes sont très nombreux à frapper à la porte. Hyundai m’a offert cette opportunité de développer une nouvelle voiture. J’ai accepté leur proposition pour la simple et bonne raison qu’il s’agissait d’un programme de développement sur le long terme et surtout au sein d’un environnement professionnel. On a débuté nos tests au mois de mars. Le travail entrepris depuis a porté ses fruits puisque l’auto a signé des débuts en compétition victorieux en Chine. Jusqu’ici, cette expérience a été superbe.

Votre carrière en F1 n’a pas vraiment été couronnée de succès. Vous avez toutefois réussi à rebondir par la suite en remportant notamment le BTCC en 1994, l’ETCC en 2003 et le WTCC en 2009. Votre parcours singulier en compétition ne représente-t-il pas une forme d’espoir pour tous ces jeunes pilotes qui doutent de l’existence d’une vie en dehors de la Formule 1 ?

J’ai toujours cru, à titre personnel, dans les autres disciplines. Même quand je courais en Formule 1, je participais en parallèle au championnat de Supertourisme italien. J’ai constamment dû miser sur d’autres catégories, car mes monoplaces en F1 ne me permettaient pas de briller ou de franchir des paliers. Quand mon aventure en F1 a pris fin, je me suis logiquement tourné vers les voitures fermées. J’ai beaucoup couru en Supertourisme, en Tourisme, sur à peu près tous les continents possibles. Et à la différence de la Formule 1, j’en ai retiré de grandes satisfactions. Dans ces championnats, j’ai pu me battre avec les gars de devant parce que j’avais de bons moyens à ma disposition. J’ai réussi à gagner. De telles satisfactions, je n’ai jamais eu la chance d’en avoir en monoplace.

« L’arrivée du simulateur a tout chamboulé en privant les pilotes de roulage en piste. On ne réalise pratiquement plus de tests aujourd’hui en raison de la sophistication des outils de simulation. En revanche une fois la visière fermée, le pilote est toujours seul à bord de la monoplace »

Si demain vous pouviez retrouver vos 20 ans, quelle époque de la F1 choisiriez-vous ?

La mienne forcément. J’ai eu la chance de vivre l’ère Senna, la querelle avec Prost, toute l’histoire avec Balestre. Il y avait aussi beaucoup de pilotes italiens à cette époque dont certains très bons comme Michele (Alboreto), Patrese, De Cesaris. J’ai également partagé l’affiche avec de grands noms de la discipline à l’instar de Mansell, Piquet, Berger … C’était une belle période d’autant que plusieurs voitures pouvaient gagner chaque week-end. Sur certaines saisons, sept, huit voire neuf autos différentes étaient capables de s’imposer en dépit de la domination globale des McLaren-Honda. J’ai aimé cette époque faite d’amitiés et de nombreux personnages mythiques de l’histoire. Cette F1 fut certes relativement dangereuse, mais nettement moins périlleuse que celle de la décennie précédente. La F1 était encore un milieu humain, chaleureux. On avait un beau petit groupe d’Italiens. On partait en vacances tous ensemble, on voyageait ensemble et on s’amusait entre une course et l’autre. Je n’échangerais cette époque contre aucune autre.

Votre génération de pilotes devait savoir régler une voiture pour espérer pouvoir jouer les premiers rôles en course. Elle devait aussi mener des essais tout au long de la saison afin d’assurer le bon développement de l’auto. Aujourd’hui, les pilotes modernes se contentent de « tourner » dans le simulateur et abandonnent la définition du set-up à leurs innombrables ingénieurs. Ne sont-ils pas devenus trop dépendants de la technologie ?

Le pilote fait toujours la différence selon moi. Et je ne crois pas que piloter une F1 soit devenu plus facile aujourd’hui que trente ans en arrière. La F1 est certainement plus sûre. La technologie est omniprésente de nos jours et le cerveau du pilote est constamment mis à contribution. L’arrivée du simulateur a tout chamboulé en privant les pilotes de roulage en piste. On ne réalise pratiquement plus de tests aujourd’hui en raison de la sophistication des outils de simulation. En revanche une fois la visière fermée, le pilote est toujours seul à bord de la monoplace.

Certes, mais des centaines d’ingénieurs sont constamment à son chevet pour lui prodiguer des conseils en temps réel …

Le pilote peut très bien avoir mille ingénieurs autour de lui qui gère la stratégie de course, cinquante personnes qui lui viennent en aide, mais à la fin lui seul conduit l’auto. La F1 a beau être un sport d’équipe, le pilote reste le facteur le plus prépondérant dans un résultat notamment en course. À notre époque le différentiel était peut-être davantage perceptible en essais libres ou en qualification alors que désormais cela se borne uniquement au dimanche après-midi. Une chose est restée la même toutefois : en course, le pilote le plus intelligent, celui qui sait le mieux gérer sa machine et ses gommes sera toujours capable de se démarquer des autres.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Gabriele Tarquini Brésil 1990
Gabriele Tarquini affirme prendre plus de plaisir aujourd’hui que lors de ses jeunes années en F1.
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