Dessiné entre les dunes de la ville éponyme, le circuit de Zandvoort naît sous les coups de crayons de l’ancien pilote Bentley Sammy Davis le 7 août 1948. Hôte du premier Grand Prix des Pays-Bas quatre ans plus tard, le tracé néerlandais offre un panel de virages particulièrement excitant et des courses toutes aussi enthousiasmantes. Endeuillé en trois ans d’intervalle par les accidents mortels de Piers Courage et de Roger Williamson, Zandvoort subira de nombreuses modifications jusqu’à son abandon définitif en 1985.
Personne ne sera par la suite en mesure de le détrôner. Pas même le grand Niki Lauda pourtant lui aussi très à l’aise aux Pays-Bas (victoire en 1974, 1977 et 1985). Impitoyable pour les mécaniques, le tracé hollandais va au fil des ans, et des progrès constants des Formule 1, devenir de plus en plus périlleux pour les hommes. Livrés à eux-mêmes en cas d’accident, les commissaires de piste néerlandais ne brillant pas par leur savoir-faire et leur réactivité, les pilotes constatent également avec amertume qu’aucun rail n’a été installé pour assurer leur sécurité. Après quinze éditions sans embuches, une première catastrophe frappe Zandvoort le 21 juin 1970. Lancé à pleine vitesse, l’Anglais Piers Courage élargit trop sa trajectoire dans le fulgurant virage précédent le tunnel Oost et perd le contrôle de sa De Tomaso à l’endroit même où Jack Brabham s’était sorti en essais. La décélération du bolide italien est terrible et le choc d’une violence inouïe. Frappé à la tête par une de ses roues, Courage périra dans les flammes suite à l’embrasement instantané de son châssis en magnésium.
Dunes mortelles
Si le virage de Panorama est modifié en 1972 (sans compter le resurfaçage de la piste, l’installation de barrières de sécurité tout au long du circuit et la création de plusieurs zones de dégagement), la course est de nouveau endeuillée pour son retour en 1973 après un an de purgatoire. Victime d’une crevaison, Roger Williamson est catapulté dans les rails de sécurité au niveau de Hondenvlak. Là encore, l’incident est d’une rare violence. Propulsée sur le dos de l’autre côté de la piste, la March de l’Anglais prend feu immédiatement. Bien qu’héroïque la tentative de sauvetage de David Purley sera vaine. L’incompétence des commissaires, l’indifférence des autres pilotes, qui en continuant comme si de rien n’était leur course contribuèrent à la propagation du feu, et l’inadéquation des conditions de sécurité feront le tour du monde grâce à la retransmission en direct de la course. Choqué, le monde de la F1 ne digère pas. Pourtant aucune modification notable du tracé n’est entreprise par les organisateurs après le décès de Williamson.
Le hasard faisant souvent bien les choses et la beauté du sport effaçant bien des cicatrices, l’édition 1975 réoctroie à Zandvoort une partie de son charme perdu grâce au succès homérique et inattendu du brillant James Hunt au volant de la Hesketh. Conscients qu’ils ne peuvent toutefois pas laisser les choses en l’état, les propriétaires du circuit confient aux pilotes la tâche de dessiner une chicane à la sortie du virage Hondenvlak. Construite à la hâte malgré l’implication précieuse de Niki Lauda et de Jody Scheckter, cette nouvelle portion complètement ratée ne survivra que le temps du Grand Prix 1979. Une édition gravée à jamais dans la mémoire de tous les amoureux de Gilles Villeneuve. Capable des plus improbables arabesques volant en main, le Canadien savait aussi se prendre les pieds dans le tapis comme aucun autre pilote du plateau. Surtout à Zandvoort. Longtemps leader de la course après avoir superbement dépassé la Williams de Jones par l’extérieur dans Tarzan, le leader Ferrari crève à l’entame du 49ème tour et part s’enterrer dans le bac à sable de ce même premier virage.
La fièvre Villeneuve
Là où n’importe qui aurait renoncé, le Québécois préfère passer la marche arrière pour tenter de ramener sa 312T3 blessée au stand. Mais celui que le paddock surnomme affectueusement le « petit prince » n’est pas vraiment du genre à rouler au ralenti quand bien même sa roue arrière gauche serait en lambeau. Sa rentrée furieuse se soldera par un abandon et un train arrière complètement détruit. Deux ans plus tard sur un tracé doté du esse Marlboro en lieu et place de la chicane « Scheckter », Villeneuve renforce encore un peu plus sa légende de casse-cou. Seulement seizième sur la grille après une qualification ratée, le pilote de la Scuderia ignore les recommandations de prudence de son ingénieur Mauro Forghieri au départ et démarre comme un boulet de canon à l’assaut du virage Tarzan. L’accrochage est inévitable. Pris en sandwich entre l’Alfa Romeo de Bruno Giacomelli et l’Arrows de Riccardo Patrese, Villeneuve décolle avant d’enchaîner une série de toupies du plus bel effet et d’achever son Grand Prix à l’extérieur du virage 1.
Définitivement entrée dans la légende de la discipline, la courbe Tarzan verra également Derek Daly (1980) et René Arnoux (1982) sortir indemnes de deux terrifiantes cabrioles après un violent impact contre les barrières de pneus. Bien que toujours aussi populaire auprès des fans, Zandvoort est sur le point de mettre un terme à sa fabuleuse historie avec la F1. Plus en mesure de répondre aux exigences financières d’un Grand Prix et à l’accroissement drastique des normes de sécurité, les propriétaires du tracé se résolvent à abandonner la catégorie reine au soir de la 25ème et dernière victoire en carrière de Niki Lauda en 1985. Laissé à l’abandon faute de moyens, le circuit néerlandais sera reconstruit en 1989 bien que ne reprenant qu’une courte moitié de son dessin d’origine. À l’instar de l’Österreichring en Autriche, tout le charme de l’ancien tracé est supprimé et plus jamais le son des F1 ne viendra retentir dans les dunes de Zandvoort.
Andrea Noviello
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