Épreuve phare du calendrier de la Formule 1, le Grand Prix de Monaco a écrit sur six décennies quelques-unes des plus belles pages de l’histoire de la discipline. Entre renversement de situation spectaculaire et scénario complètement fou, la manche princière a souvent réservé de belles surprises au public de la Principauté. Retour sur cinq courses restées à tout jamais gravées dans la mémoire des passionnés.
1982 : Patrese tire le gros lot
En arrivant sur le rocher, théâtre de ses débuts en Grand Prix lors de la saison 1977, Riccardo Patrese ne compte que quatre malheureux points récoltés sur le tracé urbain de Long Beach (États-Unis Ouest. Ndlr). Absent des débats à Imola (Saint-Marin. Ndlr) pour cause de boycott des équipes « légalistes », l’Italien veut enfin lancer sa saison à Monaco sur un circuit où il n’a encore jamais réellement brillé en F1 (son meilleur résultat jusque-là était une sixième place obtenue en 1978 au volant de l’Arrows. Ndlr). Deuxième temps des qualifications derrière la Renault d’Arnoux, le pilote Brabham croit en ses chances de succès dans les rues de la Principauté d’autant que sans un bouchonnage en bonne et due forme de son compatriote De Cesaris il aurait très certainement signé la pole position. Surpris au départ par un autre transalpin en la personne de Giacomelli, le natif de Padoue se laisse également déborder par la Renault de Prost dès l’entame du 2ème tour, reculant ainsi au quatrième rang. Rapidement menacé par la Ferrari de Pironi, Patrese va alors profiter des abandons de ses principaux adversaires (Giacomelli sur bris de demi-arbre de roue et Arnoux sur calage après une figure dans le S de la Piscine. Ndlr) pour remonter en deuxième position derrière le nouveau leader Prost. Impuissant devant la maîtrise de celui que l’on ne surnomme pas encore le « Professeur », Patrese conserve sa place de dauphin pendant près de soixante boucles avant que l’abandon du Français ne lance une improbable cascade de changement de leader. Passé en tête à trois tours du drapeau à damier, le pilote Brabham ne conserve pas les rênes de la course bien longtemps, une averse soudaine l’envoyant subitement en tête-à-queue au virage du Loews. Reparti troisième après avoir été poussé par les commissaires, l’Italien hérite finalement de la victoire sur le fil, Arnoux (court-circuit moteur. Ndlr), De Cesaris (panne d’essence. Ndlr), et Daly (boîte de vitesses. Ndlr) étant tour à tour trahi par leur mécanique dans l’ultime passage. Rescapé d’un final complètement fou, Patrese signe (sans le savoir) la première victoire de sa carrière en F1 et se replace à seulement cinq longueurs de Prost au championnat.
1996 : Panis le jour de gloire
Depuis Interlagos (Brésil. Ndlr) et cette belle sixième place décrochée dans des conditions de piste changeantes, le compteur d’Olivier Panis est désespérément resté bloqué à un point. Victime de deux abandons consécutifs en Europe (accrochage. Ndlr) et à Saint-Marin (boîte de vitesses. Ndlr), le Français aborde le Grand Prix de Monaco sans réelles certitudes d’autant que le tracé de la Principauté ne lui a, jusque-là, pas vraiment souri. Quatorzième sur la grille après avoir vu sa séance qualificative perturbée par des ennuis électroniques, le pilote Ligier prend, sous les conseils des ingénieurs de Mugen-Honda, la décision de s’élancer avec le plein d’essence (145 litres. Ndlr). Le pari est osé, mais il va s’avérer payant. Inondé par une violente averse en fin de matinée, le tracé princier s’est transformé en véritable patinoire au point de totalement redistribuer les cartes d’une course que tout le paddock pensait déjà promise au poleman Schumacher. Volontairement prudent dans les premiers tours, Panis amorce une brillante remontée à partir du 6ème passage, se débarrassant successivement de Brundle, Hakkinen et d’Herbet pour pointer à une inespérée septième place. Aidé dans sa progression par les malheurs de plusieurs gros bras (Schumacher, Berger. Ndlr), le Tricolore profite ensuite de l’assèchement progressif de la piste pour monter les gommes slicks dans la 28ème boucle et repartir en quatrième position derrière la Ferrari rescapée d’Irvine. Facilement revenu sur les talons de l’Irlandais, le natif d’Oullins subtilise, au prix d’une manœuvre virile dans le virage du Loews, la troisième place à l’ex-pilote Jordan au 36ème tour avant de s’installer au commandement de l’épreuve à la suite du double abandon surprise du leader Hill (moteur. Ndlr) et de son dauphin Alesi (suspension. Ndlr). Lancé vers une improbable victoire dans les rues de la Principauté, Panis résiste jusqu’au bout au retour de Coulthard et s’en va quérir un premier succès en carrière qui le replace à hauteur de son compatriote Alesi au championnat.
1988 : Prost saisit l’offrande
En acceptant la venue à ses côtés du nouveau prodige (Ayrton Senna. Ndlr) de la F1, Alain Prost prouve une nouvelle fois qu’il n’a peur de rien ni de personne. Déterminé à récupérer une couronne mondiale qu’il a abandonné l’année précédente à Piquet, le Français affiche ses ambitions d’entrée en remportant la manche d’ouverture au Brésil avant de décrocher une solide deuxième place à Saint-Marin. Arrivé à Monaco dans la peau de leader du championnat (il compte 15 points soit six unités de plus que son coéquipier. Ndlr), le pilote McLaren se heurte, dès les qualifications, à un Senna en état de grâce dans les rues tourmentées de la Principauté. Pulvérisé par le Brésilien dans l’exercice de la vitesse pure (il concède près d’1,5 secondes à son voisin de garage à machines égales. Ndlr), le « Professeur » entend prendre sa revanche en course, mais un passage de rapport manqué au départ le met à la merci de Berger. Bloqué par la Ferrari de l’Autrichien, le double champion du monde voit son coéquipier Senna s’envoler irrémédiablement au fil des tours, le Tricolore concédant déjà 14 secondes de retard au Pauliste à l’attaque de la 10ème boucle. Incapable de se défaire du pilote Ferrari malgré plusieurs esquisses de dépassement, le natif de Lorette (Loire. Ndlr) doit patienter jusqu’à 54ème passage pour finalement trouver l’ouverture sur le coriace autrichien. Parvenu à surprendre le natif du Tyrol dans la ligne droite des stands grâce à une somptueuse manœuvre par l’extérieur, Prost récupère une deuxième place dont il devra, sans doute, se contenter, la McLaren-Honda sœur de Senna caracolant en tête avec une confortable marge de 48 secondes d’avance. Pas disposé à rendre les armes pour autant, le Français signe le meilleur tour en course et pousse indirectement le Brésilien à la faute. Déconcentré par un message radio qui lui demande de ralentir la cadence, Senna commet l’irréparable dans le 67ème tour en fracassant sa MP4/4 contre le rail du Portier. Propulsé en tête par la grossière erreur de son coéquipier, le double champion du monde saisit l’offrande avec joie et empoche au terme d’une fin de Grand Prix maîtrisée sa quatrième victoire en cinq ans dans les rues de Monaco.
1970 : Rindt sur le fil
Resté chez Lotus après avoir un temps songé à rejoindre les rangs de Brabham (il s’était même mis d’accord avec l’écurie britannique avant de finalement céder à l’offre de Colin Chapman. Ndlr), Jochen Rindt vit un début de championnat 1970 des plus moroses. Contraint d’abandonner à deux reprises en Afrique du Sud (moteur. Ndlr) et en Espagne (allumage. Ndlr), l’Autrichien affiche surtout une très grande réticence à l’égard de la nouvelle Lotus 72. Pas vraiment convaincu par la dernière création de Colin Chapman, le natif de Mayence choisit même de revenir à l’ancienne 49C pour le Grand Prix de Monaco, théâtre de la troisième manche de la saison. Insatisfait du comportement d’une monoplace dont il a pourtant modifié les réglages, le pilote Lotus doit se contenter d’un modeste huitième chrono en qualification à près de deux secondes de la pole position réalisée par le champion du monde en titre Stewart. Soucieux au moment de prendre le départ d’une course dont il n’a encore jamais vu l’arrivée, Rindt parvient tout de même à surprendre Pescarolo au baisser du drapeau, s’installant à une septième place dès plus éphémères puisque le Français réussit à récupérer son bien en l’espace de deux tours. Cantonné dans un premier temps à une position d’attente qu’il n’affectionne guère, le pilote Lotus profite ensuite des abandons d’Ickx (transmission. Ndlr), Beltoise (transmission. Ndlr) et de Stewart (moteur. Ndlr) pour grimper en cinquième position au 28ème passage. Galvanisé par cette succession d’événements favorables, l’Autrichien se débarrasse presque coup sur coup de Pescarolo (36ème tour. Ndlr) et de Hulme (41ème tour. Ndlr) avant d’hériter de la deuxième place à la suite du problème de suspension d’Amon. Relégué à 15 secondes du leader Brabham, Rindt se lance alors dans une folle remontée qui va le voir recoller à 1,5 seconde de son adversaire à l’amorce de la dernière boucle. Mis sous pression par le retour tonitruant de son ancien coéquipier, l’Australien part à la faute dans le virage du Gazomètre, offrant ainsi sur un plateau la victoire à un pilote Lotus qui n’en espérait pas tant.
2008 : Hamilton sauvé des eaux
Révélation du dernier championnat, Lewis Hamilton a désormais les coudées franches chez McLaren. Avec le départ d’Alonso chez Renault, le Britannique a logiquement endossé le statut de leader au sein d’une écurie bien décidée à laver l’affront de 2007. Vainqueur lors de la manche d’ouverture de la saison en Australie, le natif de Stevenage a depuis dû se contenter de plusieurs places d’honneur derrière des pilotes Ferrari inarrêtables entre Sepang (Malaisie. Ndlr) et Istanbul (Turquie. Ndlr). Conscient de devoir vite mettre un terme à la série victorieuse des hommes de la Scuderia, le pilote McLaren retrouve le Grand Prix de Monaco avec appétit lui qui s’était montré si impressionnant la saison précédente pour ses grands débuts en Principauté au volant d’une F1. Dominée par les deux Ferrari de Massa et de Räikkönen dans son exercice favori des qualifications (il échoue à seulement 52 millièmes de la pole. Ndlr), le protégé de Ron Dennis va prendre la plus éclatante des revanches le lendemain en course à la faveur de conditions climatiques particulièrement difficiles. Crédité d’un très joli envol qui lui permet d’effacer d’entrée la Ferrari de Räikkönen, l’Anglais croit tout perdre dans le 6ème tour lorsqu’une dérobade de son train arrière l’envoie embrasser le rail du Bureau de Tabac. Mais il n’en sera rien. Rentré à son box afin de chausser un train de gommes neuves, le vice-champion du monde 2007 ressort à la cinquième place et entame alors une irrésistible remontée vers la tête de la course. Passé rapidement devant Alonso et Räikkönen, le petit prodige de McLaren profite ensuite des arrêts au stand du duo Massa-Kubica pour s’installer de manière définitive aux commandes d’une épreuve qu’il a bien l’intention de faire sienne. Intouchable dans la seconde moitié de course, Hamilton décroche avec panache sa première victoire en Principauté et récupère par la même occasion la tête du championnat au détriment de Räikkönen.
Andrea Noviello
Poster un Commentaire