Grabiele Tarquini : « Mon objectif principal était de mettre la voiture sur la grille » (1/3)

Gabriele Tarquini Sportel GF
Le couperet des pré-qualifications reste l'épreuve la plus difficile de la carrière de Gabriele Tarquini.
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Pilote Hyundai en WTCR, Gabriele Tarquini rembobine à l’occasion du Sportel Monaco le cours de sa carrière en sport automobile et revisionne les grandes étapes de ses années passées en Formule 1.

Érigé au rang de grand espoir du sport automobile italien à l’issue de son éblouissant parcours en karting (il décroche les titres de champion d’Italie, de champion d’Europe et de champion du Monde en 1984), Gabriele Tarquini n’a malheureusement jamais pu confirmer les immenses espoirs placés en lui par un pays désespérément en quête d’un successeur à l’inoubliable Alberto Ascari. Propulsé au plus haut niveau après trois saisons quelconques en F3000, le natif de Giulianova a constamment dû se démener au sein d’écuries de troisième zone sans pouvoir prétendre, ne serait-ce qu’une fois, venir se mêler à la lutte avec les têtes d’affiches de la discipline. Condamné aux accessits lors de chacune de ses sorties au volant des Osella, Coloni, Fondmetal et autres Tyrrell, le Transalpin s’est tout de même offert quelques rares satisfactions lors de son court (5 ans) passage en Formule 1. Outre d’inoubliables aventures humaines, « Cinghio » conserve également un souvenir impérissable de ses exploits monégasques et mexicains lors du championnat 1989. Resté profondément lié avec tous ses compagnons de fortune chez AGS, Tarquini revisite avec émotion les dates clés de sa carrière en F1.

Vous réalisez des débuts extrêmement prometteurs en sport automobile puisque vous remportez trois titres de champion (Italie, Europe, Monde) en karting. Votre passage plus mitigé en F3000 n’a-t-il pas en revanche écorné votre image auprès du public et des directeurs d’écuries ?

J’ai connu une très longue carrière en karting. J’y suis resté de nombreuses années avant de pratiquement sauter l’étape Formule 3. J’ai bien disputé quelques courses en F3, mais en réalité je suis directement passé en Formule 3000. J’ai remporté le mondial de karting relativement tard, à 22 ans. Aujourd’hui on est considéré comme un vieux à cet âge-là surtout si on n’est pas encore arrivé en Formule 1. Pas à mon époque. À 22 ans, on était encore jeune (sourire) et on avait le temps de fourbir tranquillement nos armes dans les formules de promotion. Après avoir décroché la couronne mondiale en karting, j’ai choisi de me diriger vers la F3000 en 1985. La première saison dans cette catégorie a très certainement été la plus aboutie de toutes. J’avais une bonne auto et les meilleurs pneus de l’époque avec les Bridgestone.

Pourquoi les choses se sont-elles détériorées par la suite ?

Les débuts ont été très bons et je suis rapidement monté sur le podium. Ma courbe de progression a commencé à s’infléchir en 1986. Je courais au volant d’une voiture de 1985. Coloni n’avait pas les moyens d’acquérir la nouvelle auto et j’ai donc disputé toute la saison au volant d’une machine vieille d’un an. 1987 a sans doute été la pire saison des trois en F3000. Rien n’a marché. Heureusement, j’ai ensuite eu l’opportunité de grimper en Formule 1. J’ai d’abord disputé une course à Imola lors du Grand Prix de Saint-Marin. J’avais la chance d’avoir Alex Caffi comme équipier chez Osella pour mes grands débuts dans la discipline. Ensuite, Coloni m’a engagé en 1988 grâce à la saison que nous avions disputé ensemble à l’époque de la Formule 3000. Je suis parti d’un niveau extrêmement faible (rires). Gravir les marches n’en fut dès lors que plus compliqué. Je n’y suis jamais parvenu.

« D’un point de vue psychologique, cette pré-qualification était une vraie torture. On prenait d’énormes risques pour tenter de se qualifier. Sur une heure, on jouait notre droit de participer à la suite du Grand Prix »

Votre parcours au plus haut niveau du sport automobile fut des plus chaotiques puisque sur 78 engagements en F1 vous n’avez pu vous qualifier qu’à 38 reprises pour la course. Comment avez-vous vécu à l’époque cette chape de plomb que représentait la pré-qualification ?

Cette période demeure sans le moindre doute l’une des plus stressantes de toute ma carrière en sport automobile. La pré-qualification était un vrai enfer pour un pilote et son écurie. On nous donnait des pass provisoires qui ne duraient que l’espace d’une petite heure. Ensuite, les officiels nous les arrachaient pratiquement des mains si nous avions le malheur d’être éliminés. Les sponsors, les amis, les fans venaient sur un Grand Prix pour assister à la course de Formule 1. Si tu n’y figurais pas, tu n’existais tout simplement pas à leurs yeux. Ceux qui n’ont pas vécu ce couperet de la pré-qualification ne peuvent pas comprendre à quel point c’était difficile. Certaines années, nous étions même quarante, voir quarante et une voitures à se disputer une place parmi les vingt-six partants.

Qu’est-ce qui était le plus difficile ? Gérer la pression de son écurie ou parvenir à décrocher son ticket pour la suite du week-end ?

D’un point de vue psychologique, cette pré-qualification était une vraie torture. On prenait d’énormes risques pour tenter de se qualifier. Sur une heure, on jouait notre droit de participer à la suite du Grand Prix. Réussir à obtenir sa place pour le reste du week-end était fondamental pour les petites écuries avec lesquelles j’ai couru en F1. Chacun des pilotes engagés était prêt à risquer sa vie pour intégrer les 26 chanceux amenés à disputer la course du dimanche. Toutes les composantes de l’écurie nous mettaient une pression énorme afin que notre week-end de course ne s’arrête pas au bout d’une heure le vendredi matin. Les sponsors, les ingénieurs, le chef mécanicien, les mécanos … Ils y allaient tous de leur petit coup de pression ce qui rendait notre tâche encore plus compliquée.

Lorsqu’on se penche plus attentivement sur vos statistiques en F1, les chiffres sont terribles. En 38 Grand Prix, vous avez été contraints d’abandonner à 25 reprises, presque à chaque fois sur problème mécanique. N’était-ce pas désespérant à force de prendre le départ d’une course tout en sachant que vous auriez plus d’une chance sur deux de ne pas voir le drapeau à damier ?

Bien souvent ma mission se terminait le samedi. Mon objectif principal était de mettre la voiture sur la grille. Je ne pouvais pas espérer beaucoup plus. Je suis malgré tout parvenu à décrocher une sixième place ce qui à l’époque signifiait entrer dans les points puisque seuls les six premiers d’une course étaient primés. Marquer des points était nettement plus difficile qu’aujourd’hui. Il fallait un peu de chance. Des pilotes devaient aussi abandonner pour espérer intégrer l’élite très fermée du Grand Prix. Mais ma mission principale restait de qualifier la voiture pour la course. Le dimanche, je courais sans stress. J’essayais quand même d’exploiter la moindre petite occasion qui m’était offerte pour décrocher les points. En revanche, si quatre, cinq ou même six voitures ne rencontraient pas de problèmes devant moi, je n’avais pratiquement aucune chance de terminer dans la zone des points.

« Je ne devais initialement pas prendre part à cette course (Imola 1987). 27 pilotes se sont présentés ce week-end là pour les premiers essais. Osella savait pertinemment que l’on ne parviendrait jamais à se qualifier avec cette voiture »

N’avez-vous pas ressenti l’envie d’envoyer tout valser à un moment donné ?

Un peu oui, mais c’était en quelque sorte le risque à prendre pour essayer de décrocher un meilleur volant par la suite. En cinq saisons en Formule 1, je n’ai malheureusement jamais réussi à obtenir une voiture plus performante. Quand on est jeune, on ne se pose pas trop de questions. On n’a pas vraiment de barrières au niveau psychologique. On essaye simplement de donner le meilleur de soi-même. On n’a beau avoir aucun espoir de briller, on donne malgré tout le maximum dans le but de séduire une plus grande écurie et d’améliorer sa situation présente.

Vos débuts en Formule 1 en 1987 se sont déroulés dans des conditions relativement particulières puisque vous avez couru votre premier Grand Prix au volant d’une Osella vieille de deux ans. Cela paraît complètement inenvisageable aujourd’hui …

Deux ans ? Peut-être était-elle même encore plus ancienne (éclats de rires). C’était une vraie blague ! Je ne devais initialement pas prendre part à cette course. 27 pilotes se sont présentés ce week-end là pour les premiers essais. Osella savait pertinemment que l’on ne parviendrait jamais à se qualifier avec cette voiture. Si j’avais disputé la séance, j’aurais très probablement terminé bon dernier et je n’aurais pas pu prendre le départ de la course. Mais le terrible accident dont a été victime Piquet le vendredi après-midi a tout remis en question. Son crash dans Tamburello a été jugé suffisamment grave pour ne pas l’autoriser à courir dimanche. Je me suis donc retrouvé sur la grille un peu par hasard (rires).

Osella avait-elle réellement prévu de vous faire courir ce week-end-là ?

Pas vraiment. L’incident de Piquet a quelque peu chamboulé les plans d’Osella, car l’équipe n’avait pas préparé la voiture en vue de la course. Je me souviens d’une seule chose en particulier de ce jour-là. Cela m’a profondément marqué. Mon chef mécanicien s’est approché de moi avant le départ et m’a glissé ceci à l’oreille : « Gabi, si tu veux couvrir quelques tours, pars vraiment doucement sinon tu risques d’arracher tout le train arrière ». L’équipe avait adossé une boîte de vitesses et un différentiel de F3 à la voiture. Ou tout du moins quelque chose de complètement sous-dimensionné pour une Formule 1. Le team avait très certainement sorti l’auto du musée avant de l’acheminer jusqu’à Imola pour la course. Osella devait surveiller la moindre dépense. Elle traversait une période compliquée sur le plan économique. La seconde voiture a bien participé à quelques courses en 1987, mais l’écurie vivait un moment difficile.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Gabriele Tarquini Japon 1989
À l’instar de l’AGS en 1989, Tarquini a constamment dû se démener au volant de F1 de troisième zone.
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