Invité du salon Sportel Monaco, Alex Caffi revient en longueur sur une carrière en Formule 1 qui lui aura apporté plus de désillusions que des réelles satisfactions.
Son passage au plus haut niveau du sport automobile fut bref, jonché d’obstacles et rarement très enthousiasmant. Cantonné, comme beaucoup, au rang de simple faire-valoir, Alex Caffi n’a pas laissé une trace indélébile dans les annales de la discipline. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. De ses débuts chez Osella à sa fin de carrière du côté de Footwork, le sympathique pilote italien aura, en vain, tenté de se démarquer au volant de machines bien souvent incapables de tenir ne serait-ce que la distance d’un Grand Prix. Trop souvent trahi par sa mécanique pour pouvoir un jour espérer jouer avec les cadors du plateau, le champion d’Europe 1985 de Formule 3 aura tout de même connu quelques succincts moments de gloire lors de courses où son talent aura pris l’ascendant sur la faiblesse de sa machine. Régulièrement compétitif sur les tracés en ville comme Monaco, le Lombard se sera plus d’une fois illustré sans pour autant goûter aux joies d’un podium en Formule 1. Parti sans grand regret d’un milieu auquel il ne s’identifiait pas, Caffi avoue pourtant n’avoir jamais pris autant de plaisir au volant que lors de ses cinq saisons passées au plus haut niveau du sport automobile.
Parlons justement de Phoenix 1989. Sans votre mésentente avec votre coéquipier chez BMS Andrea De Cesaris, vous auriez pu viser le podium ce jour-là. Êtes-vous longtemps restés fâchés contre Andrea après cette accrochage stupide ?
On ne s’est pas bien compris sur le coup. Mais plus qu’à lui, j’en ai vraiment voulu à l’équipe après Phoenix. Si j’ai quitté la Scuderia Italia en fin de saison, c’est aussi pour cette raison. Le team ne m’a pas défendu de la manière dont je l’attendais. Je me suis un peu senti abandonné. Je pouvais vraiment décrocher un podium aux États-Unis. La course suivante au Canada a également été pénible à vivre pour moi. L’écurie a arrêté Andrea en premier et il a terminé sur le podium. Je ne suis arrivé que sixième à cause de leur stratégie. J’ai compris à ce moment-là que je devais m’en aller. Aujourd’hui, Andrea est mort donc cela ne sert plus à rien d’être en colère. Je l’ai revu quelque temps après. On s’est salué normalement. Je ne pouvais de tout façon plus rien y faire. Ainsi va la vie.
Si le circuit de Monaco vous a particulièrement souri pendant votre carrière en F1, il a également été le théâtre de votre accident le plus spectaculaire en 1991. Que s’est-il passé lors de cette séance du samedi matin ?
J’ai tout simplement commis une faute en serrant trop à l’intérieur dans le premier « S » de la Piscine. Aujourd’hui, le virage est ouvert. Je n’aurais donc pas rencontré le moindre problème, mais à l’époque les choses étaient différentes. La roue a cassé en heurtant le mur et quand j’ai voulu tourner, la voiture a tiré tout-droit. L’erreur m’est totalement imputable. À ma décharge, cette auto était extrêmement difficile à piloter. Le moteur Porsche ne fonctionnait pas du tout. On devait aussi pousser à fond pour aller chercher notre qualification.
« Je peux toutefois m’estimer chanceux de m’en être tiré sans gros bobos, car le crash a été pour le moins spectaculaire. Encore aujourd’hui si on cherche sur Youtube, la vidéo du crash a récolté plus de cinq millions de vues. Tout le monde regarde cette vidéo »
En avez-vous simplement trop fait ?
Quand rien ne tourne dans votre sens, la situation ne fait que s’envenimer par la suite. Je peux toutefois m’estimer chanceux de m’en être tiré sans gros bobos, car le crash a été pour le moins spectaculaire. Encore aujourd’hui si on cherche sur Youtube, la vidéo du crash a récolté plus de cinq millions de vues. Tout le monde regarde cette vidéo (rires) ! On a l’impression que la voiture explose au moment de l’impact.
Il ne reste en effet plus rien de votre Footwork après le crash. N’est-ce pas un petit miracle d’en être sorti vivant ?
Ce type d’incident est plus spectaculaire que réellement dangereux. Rien de bien fâcheux ne m’est arrivé hormis un bon mal de crâne. J’ai juste un peu cogné la tête lors du choc. Je suis resté une nuit en observation à l’hôpital de Monaco puis les médecins m’ont autorisé à sortir. Tout allait bien. J’ignore en revanche si le cerveau était endommagé avant ou après le crash (rires). Je m’en suis heureusement sorti sans gros bobo. Tant mieux.
Votre carrière en F1 s’arrête cette saison-là avec seulement deux Grand Prix disputés au Japon et en Australie. La pilule a-t-elle été difficile à avaler ?
Non, sincèrement j’étais même presque content que tout cela s’arrête. J’ai eu une opportunité de revenir l’année suivante avec Andrea Moda, mais cela n’a débouché que sur des tests. Rien de vraiment sérieux. Pour être honnête, j’étais lassé de ce milieu. J’ai toujours été quelqu’un d’ouvert, de sincère. La Formula 1 n’était pas un monde pour moi.
« Ma chance je l’ai eu avec Arrows. Si Porsche avait conçu un bon moteur, tout aurait été différent. Michele (Alboreto) aurait pu jouer le titre. On s’était fixé cet objectif-là »
Est-ce le côté trop politique de la Formule 1 qui vous rebutiez ?
Oui, très certainement même si elle l’a toujours un peu été. Je n’étais simplement pas à l’aise dans cette ambiance. J’ai toujours aimé piloter. Par contre en dehors la Formule 1 était pour moi une merde absolue. Ce n’était pas mon monde. Je n’appréciais pas cet univers parce qu’il y avait trop d’intérêts, de jalousie et tout un tas d’autres choses négatives. Cela ne me plaisait pas. J’adorais en revanche courir en Formule 3. À cette époque-là tous les pilotes étions amis. C’était vraiment une belle période. Cela n’avait rien à voir en F1 donc quand m’a carrière a touché à sa fin, je l’ai presque vécu comme un soulagement.
L’avez-vous regretté par la suite ?
Je me rends compte aujourd’hui que c’était une erreur parce que l’opportunité de pouvoir courir au plus haut niveau du sport automobile n’est pas donnée à tout le monde et elle se représente rarement deux fois. Ma chance je l’ai eu avec Arrows. Si Porsche avait conçu un bon moteur, tout aurait été différent. Michele (Alboreto) aurait pu jouer le titre. On s’était fixé cet objectif-là. En tant qu’ancien pilote, il devait gagner et moi je devais me servir de son expérience pour apprendre à ses côtés, progresser et ensuite prendre la relève. On ne peut hélas pas revenir en arrière. Cela n’a pas marché, il faut juste l’accepter.
La voiture était-elle à ce point performante qu’avec un bon moteur vous auriez pu jouer les premiers rôles ?
Oui, je suis convaincu qu’avec un bon moteur on aurait été compétitif. Je me répète, mais Porsche avait toujours gagné partout où ils étaient passés et ce quelle que soit la catégorie. Ils n’ont échoué que deux fois : avec nous chez Footwork et avec Teo Fabi aux États-Unis. Là-bas, ils ont tant bien que mal fini par remporter une course. En revanche avec nous, ce fut un désastre. Je ne garde qu’un seul regret de mon passage en F1, celui-là. Car pour le reste, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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