Thierry Boutsen : « Les F1 actuelles sont trop rapides » (2/2)

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Thierry Boutsen regrette l'époque où les vibreurs sanctionnaient vraiment les pilotes en Formule 1.
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De passage au Sportel Monaco, le salon international du sport et des médias, Thierry Boutsen livre sa vision de la Formule 1 moderne et invite les patrons de la catégorie reine à davantage s’inspirer de son glorieux passé.

Son départ de la Formule 1 fut à son image : discret. En tirant sa révérence le soir de son 163ème Grand Prix en carrière, Thierry Boutsen a non seulement bouclé la boucle d’onze saisons pleines au plus haut niveau du sport automobile, mais a aussi, sans le savoir, mis un terme à la période dorée du plat pays en catégorie reine. Successeur désigné du mythe Jacky Ickx à son arrivée chez Arrows en 1983, le Bruxellois a gravi les échelons un à un avant de goûter, à son tour, à l’ivresse d’un succès en F1. Grand artisan de la montée en puissance du binôme Williams-Renault à l’aube des années 90, le grand blond verra son obstination récompensée par trois succès majuscules en catégorie reine, trois empreintes indélébiles à jamais gravées dans les livres d’histoire de la F1. Brillamment reconverti dans le courtage d’avions depuis 1997 (date de création de sa société Boutsen Aviation), le businessman a accepté de se poser quelques minutes le temps d’un passage furtif sur le Sportel Monaco. Invité par les organisateurs du salon international du sport et des médias à venir parler de sa première passion, le Belge dresse un constat sans détour de la F1 contemporaine et avance quelques pistes de réflexion pour tenter de sortir la catégorie reine de l’ornière.

Ne regrettez-vous, toutefois, pas le temps où les circuits de F1 représentaient tous de vrais morceaux de bravoure ?

Je le déplore forcément, car j’ai roulé sur des tracés absolument incroyables pendant ma carrière. J’ai couru sur des petits circuits en Finlande ou au Danemark dans les bois. L’Österreichring en Autriche était aussi exceptionnel. J’ai d’ailleurs failli m’y imposer en 1987 au volant de la Benetton. Tous ces beaux circuits ont disparu et c’est bien dommage, mais je crois que la Formule 1 devait trouver le bon compromis parce qu’il y a eu trop d’accidents et trop de morts. On devait limiter les frais à ce niveau-là. Le sport moderne exige quelques sacrifices. Maintenant, n’est-on pas allé trop loin ? Peut-être.

La démocratisation des zones de dégagement asphaltées sur les circuits modernes ne dénature-t-elle pas totalement le rôle du pilote ?

Sans aucun doute. Avant, quand les pilotes sortaient dans le sable leur course était terminée. Le problème du sable est qu’il engendrait un risque de tonneau. On en a vu plusieurs dans le passé. Les F1 sont sûres aujourd’hui, mais on ne sait jamais. Un accident, il vaut mieux toujours l’éviter. Je regrette en revanche que les bordures que j’ai connues n’existent plus. Maintenant, les pilotes franchissent les vibreurs comme si de rien n’était. À mon époque, la bordure délimitait vraiment la piste. Si on la touchait, on partait en tête-à-queue et on se mettait dehors. C’était vraiment pénalisant. Ce n’est plus vrai aujourd’hui et je le déplore.

La FIA cherche par tous les moyens (vibreurs cassants, bananes, saucisses, triple vibreurs …) à empêcher les pilotes d’abuser des limites de la piste. Ne serait-il pas plus simple de remettre de l’herbe ou du sable sur les bas-côtés ?

Assurément. De l’herbe, du sable et vous remettez les vibreurs qu’on avait avant. Là encore, ils n’ont rien compris !

« Que les ingénieurs s’amusent à chercher le moindre petit dixième de gramme de poussée verticale, ok cela peut se concevoir. Tant mieux pour eux. Mais ce n’est pas le but du jeu » 

Alex Caffi partage votre sentiment et avance une autre explication face au manque de spectacle en F1. Selon l’ancien pilote italien, l’erreur n’existe plus de nos jours en raison du trop grand nombre d’aides au pilotage dont bénéficient les machines. Êtes-vous d’accord avec lui ?

Oui, l’erreur n’existe plus et quand bien même il y a erreur du pilote l’ordinateur compense derrière. Ce côté « combattant » n’existe plus de nos jours. On ne peut plus conduire sur des œufs, car la voiture gère tout. C’est dommage.

Les F1 modernes sont d’une complexité sans nom sur le plan aérodynamique. Pour espérer un jour redevenir attrayante et redonner davantage de poids au pilote, la catégorie reine ne devra-t-elle pas opérer une sévère marche-arrière en simplifiant, à l’image du championnat Indycar en 2018, l’aéro de ses monoplaces ?

Incontestablement. Ces ailerons sont d’un ridicule ! Quand des gens ne connaissant pas la F1 les voient pour la toute première fois ils doivent penser : « mais ce sont des fous furieux ! » Que les ingénieurs s’amusent à chercher le moindre petit dixième de gramme de poussée verticale, ok cela peut se concevoir. Tant mieux pour eux. Mais ce n’est pas le but du jeu. Le seul objectif doit rester de faire gagner la voiture et de remporter des courses.

La réglementation technique a, une nouvelle fois, évolué en 2019 dans le but de favoriser les dépassements. Mais là où la logique aurait voulu que les ailerons avant et arrière diminuent en taille, ils ont au contraire encore été élargis. La Formule 1 ne marcherait-elle pas sur la tête ?

Les monoplaces vont clairement trop vite aujourd’hui et cela ne sert à rien. Ce n’est pas ce qui compte vraiment. Un spectateur ne verra, de toute façon, pas la différence entre une voiture roulant à 200 km/h et une autre passant un virage à 220 km/h. Il est, de surcroît, plus facile de dépasser quand on roule à 200 km/h plutôt qu’à 220 km/h. Indiscutablement, c’est une ineptie ! Les F1 actuelles sont trop rapides ce qui influe forcément de manière négative sur la qualité du spectacle. Il faudrait des voitures avec moins d’adhérence, plus de glisse, plus d’usure pneumatique afin de manager les courses de manière différente.

Propos recueillis par Andrea Noviello

Sebastian Vettel Abou Dhabi 2019
Thierry Boutsen juge ridicule la complexité aérodynamique des Formule 1 contemporaines.
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