Honorée au nom de son oncle Ayrton lors de la troisième édition du Monaco World Sports Legends Award, Bianca Senna profite de cette distinction pour rappeler le lien unique qui unit encore aujourd’hui les fans de Formule 1 au triple champion du monde Brésilien.
La seule évocation de son nom suffit à redonner le sourire à des milliers de passionnés désenchantés par l’irrévocable aseptisation de la Formule 1 moderne. Nièce du tant regretté Ayrton, Bianca Senna n’a pourtant jamais tenté de marcher dans les pas de son illustre oncle. Son seul rapport avec le sport automobile, elle le doit à son frère Bruno à qui elle a un temps (relativement bref) servi d’agent. Guère séduite par le milieu de la course, la fille de Viviane Senna a logiquement pris le relais de sa mère en devenant la présidente de l’Instituto Ayrton Senna, prolongeant ainsi le rêve exprimé par l’ancien pilote McLaren avant sa tragique disparition le 1er mai 1994 à Imola lors du Grand Prix de Saint-Marin. Invitée à recevoir sur la terre des plus beaux exploits du Pauliste un oscar à titre posthume à l’occasion de la troisième édition du Monaco World Sports Legends Award, Bianca Senna saisit l’aubaine pour parler des actions menées depuis près d’un quart de siècle par la fondation en faveur des enfants défavorisés du Brésil et pour entretenir la mémoire du triple champion du monde.
Le Monaco World Sports Legends Award a décerné le 8 décembre dernier un oscar à titre posthume à votre oncle Ayrton Senna afin de récompenser non seulement ses exploits en piste, mais aussi de saluer ses valeurs morales au quotidien. Que représente ce prix pour vous et votre famille ?
Recevoir une distinction comme les oscars du sport est un véritable honneur. Je suis très heureuse de représenter Ayrton à travers ce prix. Monaco est un endroit très spécial pour Ayrton, un lieu où il a réalisé de si grandes choses. Honorer la carrière d’Ayrton à Monaco constitue donc un très joli clin d’œil. Ses performances en piste sont bien évidemment louables, mais ce qu’il a entrepris en dehors des circuits mérite aussi d’être salué à sa juste valeur. La Fondation Ayrton Senna est née l’année de sa mort en 1994 et depuis sa création, soit plus de 23 ans maintenant, nous avons aidé 22 millions d’enfants à travers le Brésil.
Ayrton nous a quitté il y a près d’un quart de siècle. Est-ce difficile pour vous de garder en vie son nom et son héritage ?
Honnêtement, ce n’est pas si difficile car Ayrton a su créer une connexion avec le cœur des gens. Encore aujourd’hui les gens se rappellent de lui et restent liés à lui malgré le fait que l’on ait célébré cette année (entretien réalisé en marge du WSLA ndlr) le vingt-quatrième anniversaire de son accident. En revanche, je suis surprise qu’outre son image, sa marque ait également conservé une valeur aussi grande à travers le monde avec les années.
« Aujourd’hui si l’on veut vraiment améliorer la situation, on doit s’attaquer au système éducatif dans son ensemble. Cela passe donc par le ministère de l’Éducation, par le professeur principal chargé d’assurer les cours aux enfants »
Depuis sa création en 1994, la Fondation Ayrton Senna a entrepris un incroyable travail en faveur des enfants défavorisés du Brésil. Qu’est-ce qui vous rend la plus fière aujourd’hui ?
En réalité, je suis fière de tout ce que nous avons accompli jusqu’ici. Avant sa mort, Ayrton voulait vraiment changer les choses et aider le Brésil à avoir un futur meilleur. L’éducation constitue indubitablement la meilleure solution pour y parvenir. Nous sommes partis du postulat suivant : 85% des enfants étudient dans les écoles publiques. Pour réussir à produire un réel impact, il nous fallait donc intervenir auprès des jeunes et c’est ce que nous avons fait. Nous soutenons le système scolaire public afin de fournir aux enfants et aux adolescents une éducation de meilleure qualité. Chaque année, nous venons en aide à 1,5 million d’enfants et assurons la formation de 62 000 enseignants soit plus que l’ensemble du système éducatif universitaire.
Comme vous l’expliquiez en 2017 dans une interview accordée à la BBC, la Fondation Ayrton Senna demeure encore à ce jour l’une des rares organisation non-gouvernementale au monde possédant en son sein une entreprise lié à l’univers du sport. En quoi la marque Ayrton Senna est-elle importante dans le développement de votre fondation ?
La marque Ayrton Senna a toujours constitué la plus grande source de revenus de la fondation. Mais le travail que nous menons pour les enfants, la qualité de nos formations en termes d’éducation et notre volonté de réellement modifier le scénario de l’éducation au Brésil commencent aussi à représenter une grande part de nos ressources. L’image d’Ayrton et sa marque offrent à la fondation une importante source de revenus. Indéniablement. Nous avons désormais une voiture avec McLaren. Une partie des profits revient à la fondation. C’est la même chose avec un autre de nos partenaires, Tag Heuer. Certes, la grande majorité des fonds que nous soulevons provient du nom et de la marque d’Ayrton, mais nous avons aussi beaucoup d’affaires au Brésil qui permettent, comme les produits sous licence, de financer nos projets.
En deux décennies d’existence, la Fondation Ayrton Senna a soutenu près de deux millions d’enfants par an et formé des dizaines de milliers de professeurs à travers le Brésil. Quels objectifs vous-êtes-vous fixés pour les dix prochaines années ?
Nous n’avons pas spécifiquement planifié un chiffre à atteindre durant la prochaine décennie. Nous ne cherchons, en outre, pas spécialement à accroître ce chiffre, car nous souhaitons avant tout conserver la même approche. Aujourd’hui si l’on veut vraiment améliorer la situation, on doit s’attaquer au système éducatif dans son ensemble. Cela passe donc par le ministère de l’Éducation, par le professeur principal chargé d’assurer les cours aux enfants. Mais ce ne sont pas les seuls leviers existants, de nombreux autres moyens permettent aussi d’y parvenir. Le système de formation que nous avons mis en place pour les enseignants et que nous utilisons dans nos programmes éducatifs en constitue un autre et il est progressivement en train de se propager.
« Apprendre le Portugais, l’Anglais ou les Mathématiques n’est plus suffisant. Si vous ne leur enseignez pas comment se comporter, comment travailler en équipe, à être déterminé ou encore à faire preuve d’humilité, ils ne pourront pas s’épanouir »
De quelle manière la diversification de vos actions se concrétise-t-elle sur le terrain ?
On peut aussi mener à bien cette mission en partageant des connaissances, en publiant un grand nombre de choses … Nous cherchons à produire cet impact à travers différentes voies. Nous n’empruntons pas toujours le même chemin que par le passé, car nous souhaitons développer une technologie permettant d’améliorer le programme éducatif. Nous pouvons entreprendre cette mission par nous-mêmes, mais nous pouvons aussi faire en sorte que les autres s’y mettent à condition toutefois de respecter les règles et les programmes de formation que nous avons défini.
Ayrton Senna était un exemple de perfectionnisme, de détermination, mais aussi d’humilité. Véhiculer ces valeurs aux nouvelles générations doit particulièrement vous tenir à cœur …
Assurément. Une partie de notre travail consiste d’ailleurs à enseigner ces valeurs aux nouvelles générations. On a développé un programme dans ce sens : « les compétences que tout le monde doit posséder au XXIème siècle ». Aujourd’hui, apprendre le Portugais, l’Anglais ou les Mathématiques n’est plus suffisant. Si vous ne leur enseignez pas comment se comporter, comment travailler en équipe, à être déterminé ou encore à faire preuve d’humilité, ils ne pourront pas s’épanouir. Ils doivent comprendre tous les à-côtés pour pouvoir avoir un avenir non seulement au Brésil, mais aussi dans le monde entier.
Propos recueillis par Andrea Noviello
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