Marqué comme tout le paddock par la disparition tragique de son ami Anthoine Hubert, Charles Leclerc a rendu le plus bel hommage au pilote français en remportant le Grand Prix de Belgique, treizième manche de la saison 2019 de Formule 1. Impeccable du départ au drapeau à damier, le pilote Ferrari signe sur le juge de paix de Spa-Francorchamps sa première victoire en catégorie reine et devient à vingt et un ans, dix mois et six jours le plus jeune vainqueur de l’histoire de la Scuderia.
Comme à Sakhir ou à Spielberg sa course avait été un modèle du genre. Intouchable en début de Grand Prix, Charles Leclerc avait, de nouveau, su se ménager une avance que l’on croyait rédhibitoire sur la concurrence lors de cette treizième manche de la saison. Pourtant, comme à Bahreïn ou en Autriche le pilote Ferrari a, encore, failli tout perdre lors d’un final stressant au possible. Six mois plus tôt dans la touffeur du désert bahreïni, il ne lui avait manqué qu’onze petits tours pour devenir le plus jeune vainqueur en Grand Prix de l’histoire de la mythique Scuderia (record détenu jusqu’à samedi par Jacky Ickx). Au cœur de l’été en Autriche, le scénario avait été encore plus cruel pour le Monégasque. Alors qu’il semblait, là encore, avoir course gagnée, ce diable de Max Verstappen était venu lui souffler la victoire à seulement trois boucles du drapeau à damier. Longtemps doté d’une confortable marge de sécurité (supérieure à cinq secondes) sur son plus proche rival (Vettel en l’occurrence) ce dimanche, Leclerc a bien cru que l’histoire allait se répéter sur le majestueux toboggan de Spa-Francorchamps.
Jamais réellement menacé tant que son dauphin se nommait Vettel, Leclerc a en revanche dû affronter une toute autre opposition une fois Lewis Hamilton passé devant la machine sœur de « Baby-Schumi » au 32ème tour. Installé sur un pécule (6,6 secondes) qu’il aurait pu croire suffisamment solide pour aborder les derniers kilomètres de ce Grand Prix de Belgique avec sérénité, le champion 2017 de Formule 2 a vu son avance fondre comme neige au soleil à mesure que les derniers tours se sont égrenés et que la performance de ses gommes médiums a commencé à s’étioler. Le spectre du Red Bull Ring aurait alors pu venir troubler la concentration d’un jeune homme meurtri par la disparation tragique de son ami Anthoine Hubert. Il n’en a rien été. Solide comme un roc, le pilote Ferrari a sereinement contrôlé le retour d’Hamilton pour finalement s’imposer avec une infime marge de neuf dixièmes sur l’Anglais. « D’un côté je réalise, un rêve d’enfant aujourd’hui, confie le Monégasque en conférence de presse d’après Grand Prix. Mais de l’autre, ce fut un week-end difficile. J’ai perdu un ami et ce n’est pas évident de célébrer quoique ce soit dans ces conditions. Je lui dédie cette victoire. »
La troisième c’est la bonne
Installé en pole position pour la troisième fois (après Bahreïn et l’Autriche) de sa jeune carrière, Leclerc tire magnifiquement profit de sa position préférentielle à l’extinction des feux pour virer en tête dans l’épingle de la Source. D’emblée détaché de ses plus proches rivaux à la faveur de l’empoignade (virile) entre son coéquipier Vettel et la Mercedes d’Hamilton dans ce même premier virage, le fer de lance de la Ferrari Driver Academy ne jouit cependant pas bien longtemps de ce bref avantage en raison de la sortie dans le raidillon de l’Eau Rouge de la Red Bull du trublion Verstappen. Parti s’encastrer dans les pneus après avoir asticoté la Sauber de Kimi Räikkönen au départ, le Néerlandais provoque la neutralisation de la course et l’entrée en piste de la voiture de sécurité. Maintenue pendant cinq tours, le temps d’évacuer également la McLaren immobilisée de Carlos Sainz à l’Arrêt de bus, la safety-car libère la meute au 5ème passage, offrant au protégé de Nicolas Todt l’occasion d’enfin réciter sa partition. Elle sera de toute beauté. Habité par le souvenir de son ami disparu, Leclerc réalise un festival, abaissant pas moins de six fois le meilleur tour en course en l’espace de quinze boucles.
Passé tout proche de la correctionnelle dans le 9ème tour (il rate son freinage au virage des Combes avant de couper tout droit dans l’échappatoire), le champion 2016 de GP3 ne ralentit pas pour autant la cadence, s’efforçant même au contraire d’accroître encore davantage l’avance qu’il détient sur son nouveau dauphin Hamilton (Vettel ayant de son côté stoppé dans la 16ème boucle). Poussé par son écurie à ne pas relâcher son effort, Leclerc maintient un rythme supérieur à celui des deux Mercedes d’Hamilton et de Bottas jusqu’à son changement de pneus obligatoire au 22ème passage. Logiquement équipé de gommes médiums, l’ex-pilote Sauber reprend la piste en quatrième position dans le sillage de la Ferrari jumelle de Vettel. Remonté au deuxième rang deux tours plus tard à la faveur des pit-stops successifs d’Hamilton et de Bottas, le Monégasque ramarre avec une facilité déconcertante l’autre monoplace rouge de « Baby-Schumi » avant qu’un ordre intimé par la Scuderia ne lui permette de récupérer la tête de la course. Le protégé de Nicolas Todt vient d’entrer dans son 27ème tour. Plus personne ne sera alors en mesure de contrarier ses ambitions.
« La course ne fut pas si facile »
Du moins peut-on le penser à ce moment-là. Resté tapis dans l’ombre toute la première moitié de la course, Hamilton dévoile enfin son jeu une fois la menace Vettel définitivement écartée. Appâté par l’alléchante odeur d’une possible neuvième victoire en 2019, l’ogre de Mercedes lâche les chevaux et amorce un improbable retour sur la Ferrari flanquée du numéro 16. « Je commence à m’habituer à ce genre de situation où je suis devant et chassé par quelqu’un de plus rapide, rassure toutefois le pilote Ferrari à sa descente de voiture. Évidemment, je savais que c’était Lewis et que je n’avais donc pas le droit à la moindre erreur. Mais si on excepte le dernier tour, il n’a jamais été assez proche de moi pour tenter quelque chose. » Encore nanti d’une confortable marge de 5,7 secondes à l’amorce de la 39ème boucle, Leclerc va pourtant voir son avance subitement s’effondrer en l’espace de trois tours. Soucieuse de bien ménager ses gommes afin de ne pas revivre les (cruels) scénarios de l’Autriche et de la Hongrie, la figure de proue de la FDA adopte un rythme des plus prudents au point de favoriser un net rapproché de la flèche d’argent d’Hamilton.
Revenu à moins de trois secondes du petit prodige de la Scuderia à trois tours de l’arrivée, le natif de Stevenage pousse sa flèche d’argent dans ses retranchements dans l’espoir de voir l’écart entre lui et le Monégasque tomber sous la barre symbolique de la seconde. Ce sera peine perdue. Vacciné par le douloureux épisode de la Hongrie (il avait dû abandonner la troisième marche du podium à son coéquipier Vettel à deux tours du but), Leclerc économise ses gommes jusqu’au bout pour finalement couper la ligne d’arrivée un souffle (neuf dixièmes) devant la Mercedes flanquée du désormais célèbre numéro 44. « La course ne fut pas si facile, affirme le protégé de Nicolas Todt en zone d’interview. J’ai eu beaucoup de mal avec les pneus du début à la fin. Mais j’ai réussi à mieux gérer qu’à Budapest. Les Mercedes étaient plus rapides en course qu’en qualification, nous nous y attendions. Je termine le week-end avec la pole et la victoire, je suis donc très satisfait ! » Premier Monégasque vainqueur d’un Grand Prix, Leclerc offre également à Ferrari son premier succès en F1 depuis plus d’un an. De quoi aborder le rendez-vous à domicile de la Scuderia dans une semaine à Monza (Italie) avec le plein de confiance et surtout l’ambition de vite rééditer sa magistrale performance.
Andrea Noviello
Poster un Commentaire