Seul au monde tout au long des 53 tours de course, Lewis Hamilton a tranquillement remporté le Grand Prix du Japon, dix-septième manche de la saison 2018 de Formule 1. Impressionnant d’aisance sur le plus beau tracé du calendrier, le Britannique signe un neuvième succès cette année qui le rapproche un peu plus encore d’une cinquième couronne mondiale. Une nouvelle fois parfait dans son rôle de lieutenant, Valtteri Bottas assure le doublé à Mercedes tandis que le trublion Max Verstappen grimpe sur la dernière marche du podium.
Cette fois il n’aura eu besoin d’aucune aide extérieure, d’aucun coup de pouce de son écurie pour triompher de l’adversité. Son 71ème succès en catégorie reine, Lewis Hamilton se l’est construit tout seul. Comme un grand. En conquérant la veille la 80ème pole position de sa carrière, le Britannique avait déjà réalisé la première moitié du travail, mais il lui restait encore à accomplir la seconde. Celle qui a si souvent vu son principal rival au championnat Sebastian Vettel se perdre dans d’invraisemblables erreurs de débutant. À Suzuka, le pilote de Ferrari a d’ailleurs encore commis l’irréparable en voulant forcer le passage à un Max Verstappen jamais très ouvert quand il est question de céder une position à une monoplace rouge. En précipitant sa manœuvre de dépassement sur la Red Bull du Batave, l’Allemand a non seulement ruiné sa course (et très probablement ses chances de sacre), mais a également ouvert une voie royale à Hamilton. Car de son côté, l’incontestable leader du championnat a vécu un dimanche après-midi des plus paisibles au Japon.
Autoritaire sur Bottas à l’extinction des feux, le quadruple champion du monde a ensuite dicté son rythme au peloton tout au long d’un Grand Prix où jamais sa suprématie ne sera remise en question. Parfait lors de la relance, le natif de Stevenage s’est d’abord contenté de contrôler l’écart avec son voisin de garage pendant le premier relais avant de progressivement élever le curseur une fois son changement de gommes exécuté à la fin du 24ème tour. Nettement plus habile que son coéquipier dans la gestion du trafic, le fer de lance de la firme à l’étoile n’a alors plus cessé d’accroître son avance pour achever son étourdissante démonstration nippone avec près de treize secondes de marge sur la flèche d’argent du Finlandais. « J’ai adoré cette course, déclare à sa descente de voiture le pilote flanqué du numéro 44. Tout le week-end s’est bien passé. L’équipe a été très solide. Avec ce doublé, nous avons montré notre force. J’ai pris énormément de plaisir aujourd’hui et j’ai pu également gérer mes pneus comme je le souhaitais. Nous sommes de plus en plus forts et j’ai maintenant hâte de piloter cette voiture aux États-Unis. »
Magnussen dérape encore
Décidé à ne pas revivre le triste scénario du dernier Grand Prix de Russie, le poleman Hamilton s’emploie dès le départ à couper court aux ambitions de la seconde Mercedes de Bottas. Parti virilement fermer la porte au Finlandais au signal du starter, le quadruple champion du monde conserve logiquement les commandes de l’épreuve dans le premier virage tandis qu’au cœur du peloton son rival au championnat Vettel a déjà effacé une bonne partie de son retard en se débarrassant d’entrée des deux Toro Rosso de Brendon Hartley et de Pierre Gasly. Visiblement inspiré, le pilote Ferrari se joue ensuite de la Haas de Romain Grosjean avant Spoon, grimpant à une cinquième place qui va vite se transformer en quatrième position avec l’aide indirecte de Max Verstappen, le Néerlandais rudoyant sévèrement l’autre Ferrari de Kimi Räikkönen après s’être manqué au freinage de la chicane. En lutte avec Kevin Magnussen pour le gain de la douzième place, Charles Leclerc va, lui aussi, faire les frais de la conduite irresponsable de son adversaire, le Danois se décalant inconsciemment à plus de 300 km/h alors que le Monégasque a déjà entamé sa manœuvre de dépassement.
« Je ne comprends pas pourquoi ce genre de situation n’est pas sanctionné alors que l’on a déjà vu des pénalités pour des cas similaires dans le passé, s’interroge le pilote Sauber. Une année, Max (Verstappen) s’était décalé de la même manière devant Kimi (Räikkönen). Il y avait eu une grosse polémique. Il avait fait exactement la même chose et là les commissaires ne font rien. » Si Magnussen paye son trop plein d’agressivité en phase défensive par une crevaison instantanée à l’arrière-gauche, le pilote Haas ne subit en revanche pas la moindre remontrance de la part de la direction de course. Une véritable hérésie d’autant que Verstappen écope, pour une action nettement moins dangereuse mais toute aussi condamnable, de cinq secondes de pénalité et que le malheureux Leclerc doit rentrer précipitamment à son box (4ème boucle) afin de remplacer un aileron-avant endommagé dans l’incident. Le décidément incorrigible Magnussen ayant répandu des morceaux de carbone un peu partout sur la piste en ramenant sa Haas blessée à son stand, la FIA décide de neutraliser le Grand Prix sous régime de voiture de sécurité.
Ricciardo retrouve le sourire
Comme de coutume interminablement longue, la neutralisation prend finalement fin à l’entame du 8ème passage, libérant ainsi une meute toujours menée par les Mercedes d’Hamilton et de Bottas. Remonté en quatrième position après son entame de course parfaite, Vettel se lance alors à l’assaut de Verstappen, mais va, comme son coéquipier quelques minutes plus tôt, se frotter à la résistance jusqu’au-boutiste du Néerlandais. Trop impatient de se défaire du pilote Red Bull, l’Allemand tente une manœuvre osée dans Spoon qui se solde par un contact avec le Néerlandais et un tête-à-queue rédhibitoire pour ses ambitions de podium. « Je ne voulais pas passer à tout prix, se défend le quadruple champion du monde. Je savais qu’il avait une pénalité, mais je sentais que nous étions plus rapides. Il y avait la place nécessaire pour s’infiltrer, mais dès qu’il m’a vu il a évidemment défendu sa place. Je ne regrette pas cette manœuvre même si étant donné le résultat, je me dis que j’aurais pu agir autrement. » Rejeté en queue de peloton, Vettel se condamne à une interminable course-poursuite qui le verra tout de même remonter jusqu’à la sixième place.
Principal animateur de cette dix-septième manche de la saison, l’Allemand de chez Ferrari va partager la palme du spectacle avec son ancien coéquipier chez Red Bull, Daniel Ricciardo. Déjà parvenu à se hisser au dixième rang avant l’intervention de la voiture de sécurité, « Smiling » poursuit son festival en se débarrassant tour à tour de la Force India d’Esteban Ocon et de la Renault de Carlos Sainz. Venu également à bout de Sergio Perez au 11ème passage sur un freinage magistral à la chicane, l’Australien se joue ensuite de la Toro Rosso de son successeur à Milton Keynes Pierre Gasly et de la Haas de Romain Grosjean pour le gain d’une cinquième place qu’il bonifiera en quatrième position au jeu des arrêts au stand. « Je savais que j’allais remonter et dépasser plusieurs pilotes, mais même Marko m’a dit sur la grille que terminer quatrième aujourd’hui était sans doute trop optimiste, confie tout sourire le futur pilote Renault. Il pensait que le top 4 n’était pas à ma portée et je suis donc très heureux de lui avoir prouvé le contraire. » L’Australien ayant achevé son impressionnante cavalcade vers le sommet de la hiérarchie, Vettel reprend le flambeau au sortir de son uniquement changement de pneus dans la 26ème boucle.
Sainz à l’arraché
Si le dépassement de la modeste Williams de Sergey Sirotkin lui occasionne quelques sueurs froides, il n’entrave en rien l’appétit du natif d’Heppenheim. Outre Ericsson et Hulkenberg avalés dans l’espace du même 30ème tour, Ocon et Leclerc vont également devoir céder aux coups de boutoir du leader de la Scuderia. Handicapé par un train de gommes gangrené par du blistering, le Monégasque s’écroule complètement en l’espace de cinq boucles, laissant filer Ocon, Perez, Gasly, Sainz et son propre équipier Ericsson. Logiquement rappelé à son stand dans la 36ème boucle afin de chausser un nouveau train de pneus tendres, le pilote Sauber ne profite pas bien longtemps de ses gommes neuves, un problème mécanique mettant fin à son premier Grand Prix du Japon quatre tours plus tard. La lutte pour les points amputée de l’un de ses principaux animateurs au moment même au Vettel ajoute un dernier dépassement à son innombrable collection du jour en ravissant la sixième place à la Haas de Grosjean, la course se résume alors à une empoignade entre le toujours plus distancé dauphin d’Hamilton, Bottas comptant au 45ème passage près de huit secondes de retard sur le Britannique, et le dernier prétendant au podium Verstappen.
Revenu dans les échappements du Finlandais à la faveur de la virtual safety-car et d’une meilleure exploitation du trafic, le pilote Red Bull tente par tous les moyens de pousser le natif de Nastola à la faute et y parvint, en partie tout du moins, au 48ème tour, Bottas devant couper tout-droit à la chicane à la suite d’un freinage manqué. Légèrement distancé par la flèche d’argent après ce court-circuitage, Verstappen recollera, avec l’aide précieuse des retardataires, aisément au Finlandais sans pour autant réellement se montrer menaçant. Vettel ne pouvant pas davantage inquiéter son coéquipier Räikkönen malgré le ralentissement soudain du champion du monde 2007 dans les dernières boucles, c’est à Sainz que revient l’honneur de ponctuer en beauté une course nippone riche en action, au moins dans le ventre mou du peloton, et en dépassements. Appâté par les problèmes de cloques de son adversaire, le Madrilène ramarre la Toro Rosso de Gasly avant de la gober dans la ligne droite des stands à deux tours du but, chipant au Tricolore une dixième place quasi-inespérée pour Renault après le fiasco des qualifications.
Andrea Noviello
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