Sévèrement perturbée par de mauvaises conditions climatiques, la double cession de tests hivernaux a néanmoins livré un premier aperçu des forces en présence à deux semaines du coup d’envoi de la saison 2018 de Formule 1. Si Ferrari a de nouveau affolé le chronomètre en s’offrant les deux meilleurs temps absolus des essais, Mercedes a affiché une fiabilité désarmante sur les collines de Montmeló.
Depuis trois ans et la limitation drastique (8) des journées d’essais autorisées par la Fédération Internationale de l’Automobile, chaque hiver se ressemble dans le petit monde de la Formule 1. On a d’abord le théâtre de cette répétition grandeur nature, le circuit de Catalunya à Barcelone inéluctablement pris d’assaut par les équipes pendant la trêve quand bien même la catégorie reine s’est, à de rares occasions, montrée infidèle au tracé catalan en lui préférant l’espace de quelques jours le voisin andalou de Jerez de la Frontera. On a ensuite cette enivrante impression de changement portée notamment par les fabuleux chronos de la nouvelle Ferrari ou par les progrès tangibles d’une concurrence (Red Bull en tête) enfin prête à mettre au pas l’écurie dominante de la discipline. On a enfin cette impressionnante démonstration de force d’une équipe Mercedes volontairement discrète en termes de rythme affiché, mais toujours aussi redoutable au niveau du kilométrage parcouru.
En 2018, le scénario a nouvelle fois bégayé lors de la double cession de tests organisée sur le circuit de Barcelone même si les mauvaises conditions climatiques (pluie, neige, froid) de la première semaine ont longtemps retardé l’émergence d’une véritable hiérarchie. Souvent décriée par le passé pour sa propension à affoler le chronomètre pendant l’hiver avant de totalement disparaître des radars une fois le championnat commencé, la Scuderia Ferrari a, comme souvent ces dernières intersaisons, joué franc-jeu à Barcelone en dévoilant une grande partie du potentiel de la nouvelle SF-71H. Crédités des deux meilleurs temps absolus de ces huit journées d’essais, Sebastian Vettel (1’17’’182) et Kimi Räikkönen (1’17’’221) ont également aligné le deuxième plus gros total de tours (929) sur le tracé de Catalunya preuve que la dernière-née des ateliers de Maranello est non seulement véloce, mais également fiable. Une qualité d’autant plus importante en 2018 que la réglementation n’autorise désormais plus que trois Power-Unit par pilote sur l’ensemble de la saison.
Mercedes la force tranquille
« Les chronos réalisés en essais n’ont pas une grande signification, relativise le quadruple champion du monde, Sebastian Vettel. La chose la plus importante est que la voiture se soit révélée très solide. Elle nous a permis d’accumuler les kilomètres sans rencontrer de problèmes significatifs. On doit encore progresser dans plusieurs domaines avant la première course. À ce stade, il est difficile d’établir une quelconque comparaison de performance avec les autres écuries, car tout le monde a travaillé sur un programme différent. » Si le tir groupé des pilotes de la Scuderia atteste des progrès effectués pendant l’hiver par les hommes de Maurizio Arrivabene, il est toutefois à pondérer par l’utilisation des pneus les plus tendres de la gamme Pirelli, Vettel comme Räikkönen s’étant distingués au volant d’une monoplace chaussée en gommes hypertendres. Plus farouche opposant de Mercedes en 2017, Ferrari espère poursuivre sur sa lancée en 2018, mais devra avant tout réaliser un championnat exempt de la moindre faute pour espérer faire enfin vaciller l’ogre de Brackley.
Fidèle à sa ligne directrice, l’écurie dirigée par le duo Toto Wolff-Niki Lauda a, quant à elle, volontairement masqué ses cartes lors des huit journées de tests catalans, privilégiant comme chaque hiver les longs relais en piste à la quête du chrono de référence. Sensible évolution de sa devancière, la W09 a toutefois laissé fuiter quelques bribes de son (immense) potentiel en claquant aux mains de Valtteri Bottas un clinquant 1’18’’825 en gomme médiums, soit la monte pneumatique la plus dure utilisée par les équipes lors de ces essais espagnols. Un chrono d’autant plus flatteur que la nouvelle Mercedes a aligné les tours (1040) avec une déconcertante aisance, affichant au terme des deux cessions barcelonaises l’impressionnant total de 4841 kilomètres avalés ou l’équivalent de 15 Grand Prix disputés. « La fiabilité a été très bonne, se réjouit le fer de lance de la firme à l’étoile, Lewis Hamilton. Ces tests ont été très positifs pour nous. On a pu recueillir autant d’information que possible sur la nouvelle auto en vue de la première course. »
L’inconnue McLaren
D’ores et déjà élevé au rang de favori à sa propre succession dans la course au titre, le Britannique s’est malicieusement défaussé lors du point presse d’après tests en désignant la Red Bull comme la machine la plus rapide du plateau. Pas très productive la première semaine, 209 petits tours couverts les quatre premiers jours en raison notamment d’une sortie de piste de Max Verstappen, la RB14 s’est sensiblement rattrapée lors de la deuxième cession, enchaînant les relais marathons et affichant au passage quelques jolies promesses chronométriques comme en atteste le quatrième meilleur temps réalisé (1’18’’047) par Daniel Ricciardo en pneus hypertendres. Reste qu’avec un débours de 1196 kilomètres sur la référence Mercedes, les hommes de Christian Horner se présentent à Melbourne avec près de quatre Grand Prix de retard sur les flèches d’argent, une différence qui pourrait avoir son importance dans les rues de l’Albert Park même si le nouveau bébé d’Adrian Newey se verra greffer de très nombreuses évolutions en Australie.
Déjà très remontée envers son motoriste, Red Bull reprochant à Renault d’avoir privilégié la carte de la fiabilité au détriment de la performance, l’écurie chère à Dietrich Mateschitz pourrait, outre un éventuel manque de cavalerie, voir également une autre menace se profiler avec le retour en forme annoncé des McLaren. Si les hommes d’Éric Boullier ont, encore une fois, vécu un hiver des plus compliqués en accumulant les problèmes techniques sur la MCL33 (écroue de roue, batterie, pression hydraulique, fuite d’huile, turbo) à Barcelone, ils ont également affiché des progrès tangibles sur le plan de la performance pure comme le prouve l’excellent chrono (1’17’’784) signé le dernier jour par un Fernando Alonso plus revanchard que jamais à l’heure d’entamer une nouvelle collaboration avec la firme au losange après trois saisons de calvaire aux côtés de Honda. « Ce fût deux semaines d’essais hivernaux productives pour nous, apprécie le double champion du monde espagnol. On avait beaucoup de choses à essayer avant Melbourne. Je crois que la voiture n’a pas encore démontré tout son potentiel aussi bien au niveau performance qu’en fiabilité. »
Andrea Noviello
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