Ambitieux après sa qualification timorée de la veille, Charles Leclerc n’est pas parvenu à redresser la barre à l’occasion d’un Grand Prix d’Australie placé sous le joug d’intouchables Mercedes. Jamais en mesure de rivaliser avec les flèches d’argent ni même d’inquiéter la Red Bull de Verstappen, le Monégasque ouvre sa carrière en rouge sur une frustrante cinquième place.
Jusque-là, son week-end australien se résumait en un mot : frustration. Devancé par son coéquipier Sebastian Vettel dans chacune des trois séances libres et lors de la tant redoutée épreuve des qualifications, Charles Leclerc subissait de nouveau la loi du quadruple champion du monde en course. Pourtant, à l’attaque de ce 51ème tour l’enfant prodige de la Principauté avait, quasiment, effacé tout le retard qu’il avait accumulé sur l’Allemand depuis le départ. Revenu dans la zone DRS de l’autre SF90 à la faveur d’une stratégie décalée (il s’est arrêté 14 boucles après le natif d’Heppenheim), l’ancien membre de la FDA osait même une manœuvre d’intimidation sur son voisin de garage dans la ligne droite des stands, prouvant à ceux qui pouvaient en douter qu’il n’avait pas l’intention de traîner trop longtemps derrière son (présumé) chef de file. Louable compte-tenu de son rythme (il tourne à ce moment-là près d’une seconde au tour plus vite que Vettel), l’ambition du Monégasque allait toutefois se fracasser contre l’intransigeante politique sportive de la Scuderia.
À la question : « dois-je rester derrière Sebastian, oui ou non ? », Leclerc se voyait répondre un message laconique, mais lourd de sens de la part de son ingénieur de course. « Oui et ralentis pour laisser de la marge. » Cette fois, tout espoir de devancer son coéquipier pour sa première sortie officielle au volant d’une voiture rouge s’évanouissait. Contraint de baisser pavillon, le protégé de Nicolas Todt allait tout de même s’offrir un dernier plaisir dans l’ultime tour du Grand Prix en tentant, en vain, d’aller chiper le record du tour à l’inébranlable vainqueur du jour Valtteri Bottas. Cinquième sous le drapeau à damier à près d’une minute du Finlandais, la nouvelle recrue de Ferrari tentait malgré tout de retenir le positif de son week-end australien. « On n’est clairement pas au niveau que l’on espérait, mais on ramène quand même de bons points à la maison, apprécie le natif de Monaco. Le top 3 était inaccessible pour nous aujourd’hui ce qui ne signifie pas que ce sera le cas lors des prochaines courses. Melbourne ne reflète pas vraiment l’écart qui nous sépare des Mercedes. »
Alerte rouge au premier virage
Bien décidé à effacer sa (toute relative) contre-performance de la veille en qualification, Leclerc s’emploie à prendre le meilleur envol possible à l’extinction des feux. Auteur d’une bonne impulsion, le pilote Ferrari patine légèrement à la montée des rapports ce qui ne l’empêche pas de pointer le museau de sa SF90 devant celui de la Red Bull de Max Verstappen à l’amorce du premier virage. Placé sur la trajectoire la plus extérieure, le champion 2017 de Formule 2 tente, dans la foulée, d’enrouler la monoplace sœur de Vettel, mais se voit pousser dans l’herbe par son aîné. « Je ne sais pas s’il m’a vu ou pas, s’interroge le Monégasque. J’avais pris un bon départ et cet incident a permis à Max (Verstappen) de me repasser. » Rejeté à sa position initiale, la cinquième, l’enfant prodige de la Principauté vient de perdre toute chance de grimper sur le podium de cette première manche de la saison. Rapidement distancé par le trio de tête (Bottas-Hamilton-Vettel), le pilote flanqué du numéro 16 éprouve également toute les peines du monde à suivre la cadence imprimée devant lui par Verstappen.
Relégué à plus de trois secondes du Néerlandais en l’espace de huit tours, Leclerc laisse filer trois secondes supplémentaires dans la boucle suivante à la suite d’une excursion hors-piste au virage 1. « La voiture n’était vraiment pas facile à piloter en début de Grand Prix, explique la révélation du championnat 2018. Cela a très certainement conduit à mon erreur. » Visiblement gêné par le comportement indocile de sa Ferrari, le champion 2016 de GP3 continue de perdre du terrain sur les leaders (il accuse 16,4 secondes de retard sur l’homme de tête Bottas au 12ème passage) et semble, à ce moment-là, bien incapable d’inverser la tendance. Solidement accroché au neuvième rang depuis le signal du starter, Kimi Räikkönen va alors donner un sacré coup de main à celui qui est pourtant directement responsable de son éviction de Maranello. Appelé à son box dès l’entame du 13ème tour « Ice-Man » vient de bouleverser, en partie, la physionomie du Grand Prix.
Une équité toute relative
Flairant la bonne opportunité, Vettel et Hamilton se jettent à un tour d’intervalle dans la voie des stands sans se douter que cet arrêt anticipé, conjugué à des gommes médiums clairement inefficaces, allait sérieusement compliquer leur dimanche après-midi. Débarrassé, provisoirement tout du moins, de deux rivaux encombrants, Leclerc grimpe au troisième rang et s’y maintient sans grande difficulté malgré l’avantage (supposé) dont sont censés bénéficier ses poursuivants directs. Désormais plus rapide au tour que Vettel, l’ancien membre de la FDA grimpe encore d’une position dans la 26ème boucle à la faveur du pit-stop de Verstappen. Progressivement ramarré par Hamilton (de 8 secondes après l’arrêt de l’Anglais, l’écart entre les deux hommes a chuté à 4,3 secondes) à mesure que la performance de ses gommes tendres décline, le natif de Monaco rentre logiquement à son box à l’entame du 29ème passage et chausse, à l’inverse de Vettel, des pneus durs sur sa SF90. « À partir de là, la voiture s’est sensiblement améliorée, confie l’ex-pilote Sauber. J’ai enfin pu attaquer. »
Libéré par le comportement retrouvé de sa machine, l’enfant prodige de la Principauté amorce alors un tonitruant retour sur son voisin de garage. Repoussé à plus de 16 secondes de son chef de file à sa sortie des boxes, Leclerc grignote dixièmes après dixièmes, comblant la moitié de son retard sur l’Allemand en l’espace de treize tours. Aidée dans sa progression par le manque d’adhérence flagrant des pneumatiques médiums de la Ferrari sœur, la nouvelle recrue de la Scuderia opère la jonction avec le quadruple champion du monde à l’amorce de la 51ème boucle, mais se voit aussitôt couper dans son élan par le team principal de l’écurie italienne, Mattia Binotto. « L’équipe a décidé de figer les positions sur la fin, révèle en interview d’après-course le Monégasque. Je n’ai donc pas pu doubler Seb. » Réduit dès lors à un simple rôle de suiveur, le protégé de Nicolas Todt rallie sagement l’arrivée derrière le leader (proclamé) de Maranello, conquérant pour son premier Grand Prix en rouge les dix points d’une cinquième place au goût amer.
Andrea Noviello
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