Mis sur orbite par sa pole de la veille, Valtteri Bottas a réalisé un envol parfait avant de dominer de bout en bout le Grand Prix d’Abou Dhabi, dernière manche de la saison 2017 de Formule 1. Jamais réellement inquiété par son coéquipier sur l’insipide tracé de Yas Marina, le Finlandais remporte la troisième victoire de sa carrière et termine sur une bonne note sa première saison chez Mercedes. Resté toute la course dans le sillage du natif de Nastola, Lewis Hamilton s’offre la deuxième place devant la Ferrari de son rival Sebastian Vettel.
Au moment de placer sa W08 au sommet de la grille, Valtteri Bottas a très certainement dû ressasser ses précédentes mises en action laborieuses depuis la pole position. Si on excepte l’Autriche où il avait réussi un départ exceptionnel, le Finlandais n’a pas été en mesure de convertir ses trois autres poles en victoire le dimanche. La faute, sans doute, à un excès de nervosité au moment de l’extinction des feux. La faute, aussi, à un certain manque d’autorité dans les duels qui lui a valu notamment de laisser filer la Ferrari de Sebastian Vettel dès le premier virage lors du dernier Grand Prix du Brésil. Conscient que son coéquipier Lewis Hamilton ne montrerait pas beaucoup plus de scrupules à lui chiper les commandes de l’épreuve que le quadruple champion du monde de la Scuderia il y a deux semaines à Interlagos, l’ancien petit protégé de Toto Wolff s’est évertué à soigner une procédure qu’il a rarement bien appliqué cette année. Certes, son envol ne fut pas aussi démoniaque qu’à l’occasion de son succès autrichien pendant l’été.
Il s’est toutefois avéré suffisamment efficace pour conserver la tête de la course et ainsi sceller le sort de cette ultime représentation de la saison. En bon lieutenant qui se respecte, le Nordique n’a nullement chercher à décramponner son chef de file tout au long d’un Grand Prix lénifiant et ennuyeux au possible. Il n’en avait certainement pas les moyens non plus. Hormis en fin d’épreuve où Hamilton a volontairement baissé de rythme, l’écart entre les deux flèches d’argent de tête n’a jamais dépassé la barre des trois secondes. Un pécule à priori insuffisant sur la grande majorité des circuits du calendrier, mais largement sécuritaire sur un tracé où les dépassements relèvent de l’illusion. Imperturbable d’un bout à l’autre de la course, Bottas signe donc tout logiquement sa troisième victoire en carrière et ponctue sur une bonne note un exercice 2017 pour le moins mitigé. « Il était important pour moi de gagner après tous les moments difficiles traversés en seconde partie de championnat, confie Valtteri. Nous avons travaillé très dur pour résoudre nos problèmes. J’ai géré mon rythme pendant tout le Grand Prix. C’était génial. Je ne pouvais pas être plus heureux qu’aujourd’hui. »
Grosjean-Stroll en cache-misère
Bien décidé à conserver l’avantage de sa pole chèrement acquise la veille en qualification, Bottas prend un envol idéal et vire en tête dans le premier virage suivi comme son ombre par l’autre Mercedes d’Hamilton et la Ferrari de Vettel. Crédité d’une mise en action correcte à l’arrière du peloton, Kevin Magnussen manque totalement son freinage au virage 1 et vire au large dans les run-off. Resté à fond sur le dégagement bitumé, le Danois revient subitement en piste à hauteur de la Williams de Lance Stroll avant de perdre le contrôle de sa Haas au sommet du virage 3. Parti en tête-à-queue, l’ancien pilote McLaren vient déjà de ruiner toutes ses chances de briller sous le soleil déclinant de Yas Marina. Surpris à l’extinction des feux par Fernando Alonso, le futur retraité Felipe Massa reprend aussitôt son bien dans la deuxième ligne droite et conclut le 1er tour de course à sa dixième place initiale. Profitant d’un freinage raté de Sergio Perez au virage 11, Nico Hulkenberg court-circuite allégrement la chicane et ravit la septième position au Mexicain de chez Force India.
Furieux de ne pas se voir rendre une place qu’il estime, à juste titre, sienne, « Checo » laisse éclater sa frustration à la radio, obligeant la direction de course à se pencher sur l’incident. Particulièrement lents à se décider, les commissaires choisissent finalement d’infliger une pénalité de cinq secondes à Hulkenberg, une sanction d’autant plus ridicule qu’elle n’aura au final aucune conséquence sur le résultat de l’Allemand. Parvenu à gagner deux places au moment de l’extinction des feux, Romain Grosjean se montre de son côté rapidement pressant sur la Williams du débutant Lance Stroll. Bien plus rapide que le Canadien, le pilote Haas ne parvient toutefois pas à trouver l’ouverture sur le Montréalais. « Il avait juste plus de vitesse de pointe et beaucoup plus de puissance en ligne droite, concède le Tricolore. C’était très difficile de le doubler parce qu’il défendait très tôt. » Passé tout près de prendre l’avantage au 6ème passage, le Français va devoir patienter six boucles supplémentaires pour finalement se défaire du coriace québécois au terme d’une manœuvre de dépassement magistrale dans le virage 11.
Ricciardo accablé jusqu’au bout
Toujours solidement ancré aux commandes de l’épreuve, le leader Bottas compte deux secondes de marge sur son voisin de garage Hamilton quand ce même Stroll lance la valse des changements de gommes dans le 12ème tour. En grande difficulté avec des ultratendres déjà en bout de vie, le pilote Williams chausse les pneus supertendres pour ce qui sera le premier de ses trois pit-stops. Son après-midi galère n’en est alors qu’à ses prémices. Tout autant en manque de rythme au volant d’une Red Bull en petite forme, Max Verstappen s’arrête trois boucles plus tard à son box et tente ainsi de prendre l’ascendant sur la Ferrari de Kimi Räikkönen au jeu de « l’undercut ». Pas prête à prendre le risque de voir le Finlandais repartir derrière la Red Bull du Néerlandais, la Scuderia appelle aussitôt le champion du monde 2007 à son stand, coupant court aux velléités stratégiques du clan autrichien. Le jeu des changements de gommes n’occasionnant aucun bouleversement notable dans la hiérarchie, rien ne semble dès lors pouvoir sortir ce dernier rendez-vous de la saison du marasme dans lequel il s’est embourbé.
Même la jolie figure acrobatique de Pierre Gasly dans l’avant-dernier virage au 17ème tour ne parvient pas à redonner un peu de piquant à un Grand Prix désespérément amorphe. Cramponné à la septième place depuis son tout-droit du 1er tour, Hulkenberg opère son arrêt au stand, et à sa pénalité par la même occasion, au 18ème passage soit une boucle après le changement de gommes de la Force India de Perez. Comme prévu, l’Allemand conserve l’avantage sur le Mexicain malgré un léger cafouillage des mécaniciens Renault lors de la fixation de la roue arrière-droite. Esseulé tout le premier relais entre la Ferrari de Vettel et celle de Räikkönen, Daniel Ricciardo touche le rail dans la 20ème boucle, s’occasionnant une crevaison à l’avant-droit. Contraint et forcé de rentrer plus tôt que prévu à son box, l’Australien immobilise sa RB13 au stand avant de définitivement la garer dans l’herbe un tour plus tard, victime d’un problème hydraulique. « C’est une très mauvaise façon de terminer la saison, regrette le natif de Perth. Cet abandon est sans doute plus pénible que les précédents parce que je vais devoir attendre jusqu’à mars prochain pour pouvoir effacer ce mauvais résultat. »
Dénouement heureux pour Renault
Craignant une possible neutralisation derrière la voiture de sécurité, Mercedes rappelle aussitôt l’incontestable leader de la course Bottas à son stand afin de monter les supertendres. Libéré de la présence de son coéquipier, Hamilton hausse alors sensiblement de rythme et enchaîne, plusieurs durant, les meilleurs tours en course. Si entre temps Alonso et Massa, inséparables depuis le départ, ont eux aussi pris le temps de s’arrêter à leurs boxes respectifs, le quadruple champion du monde continue d’accroître son avance sur son voisin de garage jusqu’à que la firme à l’étoile ne mette un terme à ses rêves de victoire en l’immobilisant à son tour dans la voie des stands au 25ème passage. Les Ferrari étant complètement larguées pour espérer venir se mêler à la lutte au sommet, Vettel et Räikkönen accusant respectivement 9 secondes et 18 secondes de retard sur le leader Bottas, seul Hamilton peut encore aspirer à réécrire un scénario déjà bien ficelé. Descendu sous la barre de la seconde dans la 28ème boucle, l’écart entre les deux hommes repart pourtant à la hausse deux tours plus tard après un freinage manqué du Britannique dans le virage 17.
Cette fois la cause paraît entendue. Plus rien ne viendra alors troubler la domination du petit protégé de Toto Wolff. Faute de suspense à l’avant du peloton, il faut comme toujours se pencher dans le cœur de l’action pour déceler un semblant de suspense. Victime du mauvais serrage de sa roue avant-gauche lors de son pit-stop, Sainz doit renoncer au 32ème passage, abandonnant aux seules épaules d’Hulkenberg le poids de porter les espoirs du clan Renault. Inébranlable malgré la présence derrière lui des deux Force India de Perez et de Ocon, le vainqueur 2015 des 24 Heures du Mans conservera sa sixième place jusqu’au bout, offrant ainsi à la firme au losange la joie de dépasser sur le fil une Scuderia Toro Rosso en grande souffrance à Yas Marina. « C’était un véritable thriller, déclare le pilote allemand. Terminer à la sixième place du championnat constructeurs va renforcer le moral de l’équipe cet hiver. Nous disposions d’un package compétitif sur la deuxième partie de saison même si nous avons connu quelques soucis. C’est donc génial d’avoir pris l’ascendant et de finir avec un tel résultat. »
Andrea Noviello
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