Défait par Hamilton la veille en qualification, Sebastian Vettel a pris sa revanche sur le Britannique en course, dominant d’une main de maître un bien triste Grand Prix de Belgique. Imbattable sur le toboggan des Ardennes, le pilote Ferrari signe à Spa-Francorchamps la 52ème victoire de sa carrière, devançant la flèche d’argent de son principal rival au championnat et la Red Bull de Max Verstappen.
Le suspense n’aura duré qu’une petite quarantaine de secondes, soit le temps qu’il aura fallu à Sebastian Vettel pour disposer de son rival Lewis Hamilton au bout de la ligne droite de Kemmel. La bonne impulsion du Britannique à l’extinction des feux aurait pourtant pu laisser présager un véritable mano-à-mano entre les deux hommes forts de cet exercice 2018. Il n’en fut rien. Car la Ferrari et son surpuissant groupe propulseur ont bel et bien pris l’ascendant sur la flèche d’argent, jadis invincible, du natif de Stevenage. Alors que jamais encore les Mercedes n’avaient connu l’affront d’un revers sur le toboggan des Ardennes, si on excepte bien évidemment 2014 et le sulfureux accrochage entre Hamilton et son ancien coéquipier Rosberg aux Combes dont avait su profiter Ricciardo, les machines grises ont subi de plein fouet la supériorité des monoplaces rouges à Spa-Francorchamps. Telle une passation de pouvoir entre l’ancienne F1 de référence et celle prête à lui succéder, la W09 a littéralement été avalée par la SF-71H de « Baby-Schumi » sans même pouvoir opposer la moindre riposte.
Le sort de cette treizième étape de la saison était joué et ni la neutralisation sous régime de voiture de sécurité après le strike d’Hulkenberg sur Alonso au départ, ni la relance du Grand Prix au 5ème tour, ni même la valse des changements de pneus n’allaient mettre à mal la domination annoncée du natif d’Heppenheim. Trop heureux de disposer enfin d’une monoplace supérieure à celle de son adversaire, Vettel s’en est donné à cœur joie, prenant avec une déconcertante facilité la poudre d’escampette pour triompher au bout d’1h23 d’échappée solitaire. « Lewis m’a un peu poussé sur la gauche au départ, mais je savais que j’aurais ma chance au bout du Raidillon, confie celui qui vient de dépasser le grand Alain Prost au palmarès avec 52 succès au compteur. J’avais manqué de puissance l’année dernière, mais cette année cela a été l’inverse. Le timing est crucial dans ce genre de dépassement et je l’ai parfaitement géré. Une fois devant je me suis détendu. J’ai pu contrôler le rythme tout en préservant la mécanique. La course s’est déroulée sans accroc. »
Hulkenberg sème la panique au départ
Vainqueur surprise la veille du combat des qualifications, le poleman Hamilton n’aura ainsi profité que l’espace de deux maigres virages de l’avantage de sa 78ème pole position en carrière. Bien que crédité d’un envol parfait au signal du starter, le quadruple champion du monde a logiquement dû s’incliner face à Vettel, passant même tout près de se faire manger par les Force India d’Esteban Ocon et de Sergio Perez. Heureusement pour l’Anglais, le chaos provoqué par Nico Hulkenberg au premier virage, l’Allemand emboutissant la monoplace de Fernando Alonso après avoir totalement manqué son freinage, oblige la direction de course à neutraliser l’épreuve, le temps de nettoyer les nombreux débris laissés en route par la Renault, par la McLaren et par la victime collatérale de ce spectaculaire accrochage, la Sauber de Charles Leclerc. « Ça me rappelle 2012, fustige le futur retraité espagnol. Je n’arrive pas à comprendre comment Nico a pu à ce point se louper sur son freinage. Même si on n’avait pas été là avec Charles, il n’aurait jamais pu passer le virage ! Heureusement, nous allons tous bien. »
Relancé au terme de quatre tours de neutralisation, le Grand Prix vient, hélas, de vivre son moment le plus palpitant. Trop rapidement amputée de deux de ses potentiels plus grands animateurs, Kimi Räikkönen (9ème tour) et Daniel Ricciardo (31ème) ne survivant pas bien longtemps à leur touchette du départ, la course tombe alors dans un profond ennui que ni le toujours très spectaculaire Max Verstappen, ni le revanchard Valtteri Bottas ne vont parvenir à endiguer. Alors certes, le Néerlandais se débarrassera vite des pilotes Force India, mangeant Ocon dans la 7ème boucle avant d’en faire de même sur Perez trois tours plus tard, mais jamais le protégé d’Helmut Marko ne constituera une réelle menace pour l’intouchable duo de tête Vettel-Hamilton. Une fois remonté en troisième position, le Batave s’est contenté de suivre à distance très respectable (près de 20 secondes de retard) les leaders, les rejoignant provisoirement qu’une fois ceux-ci passés par leurs stands respectifs. Le cap de la mi-course a tout juste été franchi et le bouillant pilote Red Bull va vite être rappelé à la raison par un Hamilton bien décidé à profiter aux mieux de sa tentative d’« undercut » sur Vettel.
L’impuissance d’Hamilton
Tombé derrière le fils de Jos après son pit-stop du 22ème passage, le fer de lance de la firme à l’étoile dépose Verstappen dans Kemmel, renvoyant le natif d’Hasselt à son triste sort loin, très loin de l’enivrant combat pour la victoire. « Ce fut assez ennuyeux, déplore après l’arrivée le plus jeune vainqueur de l’histoire de la discipline. Nous étions trop lents par rapport à Seb et à Lewis. Le seul point positif est que nous disposions d’une voiture très bien équilibrée. Nous avons également su éviter les ennuis pour finalement terminer cette course sur le podium. » L’après-midi de Bottas, bien que tout aussi productif, ne sera hélas guère beaucoup plus exaltant même si à l’inverse du Néerlandais, le Finlandais aura, lui, dû s’employer jusqu’au bout pour finalement ravir à la Force India de Perez une quatrième place longtemps chasse gardée du Mexicain. Entre son départ chaotique depuis la dix-septième place sur la grille, le pilote Mercedes percutant notamment la Williams de Sergey Sirotkin à la Source ce qui lui vaudra une pénalité de cinq secondes à l’arrivée, et son assaut final sur « Checo » à quatre boucles du drapeau à damier, l’ancien poulain de Toto Wolff aura enchaîné les dépassements, dont un de toute beauté sur Brendon Hartley dans l’Eau Rouge au 7ème tour.
Mais autant la manœuvre de Bottas sur le Néo-Zélandais fut splendide, autant le reste de sa brillante remontée fut à l’image de ce treizième rendez-vous de la saison : terne et sans émotion, chaque dépassement du pilote Mercedes étant dénué de tout mérite en raison de l’aide abusive du DRS et de la supériorité évidente de la W09 sur ses concurrentes directes. Reste qu’en enlevant une quatrième position loin de lui être promise après son cafouillage du 1er tour, le Nordique a, au moins, permis à son écurie de consolider l’avantage arithmétique qu’elle possédait sur Ferrari (15 points d’écart) le jour où Mercedes a (irrémédiablement ?) perdu la main sur le plan de la performance pure face à la dernière création de Maranello. Encore intouchable l’an dernier à Francorchamps, l’Anglais réussissant à contenir deux assauts du natif d’Heppenheim en course, Hamilton n’a cette fois pas pu livrer combat à un Vettel autrement plus rapide que lui sur le mythique toboggan des Ardennes. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé.
Joli tir groupé des Français
Impuissant lors d’un premier relais qui le verra accuser 3,4 secondes de retard sur l’Allemand, Hamilton a, vainement, tenté un coup de poker en stoppant un tour avant Vettel. Mais son pari a finalement échoué, la faute à un arrêt éclair des hommes de Maranello (2,2 secondes d’immobilisation) et à un Verstappen l’ayant quelque peu ralenti à la fin de son tour de sortie. « J’ai fait ce que j’ai pu, mais je ne pouvais de toute façon pas suivre ses chronos, regrette le pilote Mercedes. Depuis quatre courses Ferrari a trouvé quelque chose sur sa voiture qui lui permet d’être plus efficace que nous en ligne droite. Au départ, Seb m’a doublé comme si je n’étais pas là. Bravo à lui. De notre côté, on va devoir continuer à travailler et notamment sur les virages lents. » Autrefois machine de référence dans tous les domaines ou presque, la flèche d’argent a non seulement perdu la main en termes de puissance moteur, mais a également vu des soucis de motricité anéantir ses rêves de succès en terre ardennaise. Les onze secondes séparant la W09 d’Hamilton à la SF-71H du vainqueur Vettel en sont d’ailleurs la plus belle illustration : la dernière-née des ateliers de Brackley a belle et bien été surpassée par sa grande rivale à robe rouge.
Dans ce qui pourrait fortement ressembler à une passation de pouvoir entre le team champion du monde en titre et son potentiel successeur, une autre écurie a su brillamment inverser le rapport de force à son avantage sur le majestueux tracé de Spa-Francorchamps : Force India. Tout proche du dépôt de bilan il y a de cela encore quelques semaines, l’équipe britannique a comme toujours su rebondir sur son tracé de prédilection, plaçant ses deux monoplaces derrière le quatuor des intouchables tops teams, mais surtout devant les Haas de Romain Grosjean (7ème) et de Kevin Magnussen (8ème). Opportuniste dans le 1er tour, ce qui lui permettra d’effacer son coéquipier aux Combes, Sergio Perez décroche en Belgique une superbe cinquième place, qui conjuguée à la sixième position d’Esteban Ocon offre à la toute jeune écurie renommée Racing Point dix-huit points pour sa première sortie officielle sous sa nouvelle appellation. L’autre performance du jour est, elle, à mettre au crédit d’un épatant Pierre Gasly, le futur pilote Red Bull complétant le joli tir groupé des Tricolores en arrachant une splendide neuvième place au volant de sa modeste Toro Rosso.
Andrea Noviello
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