Plombé par une nouvelle consigne d’équipe incompréhensible de son écurie, Charles Leclerc a décroché une décevante cinquième place lors du Grand Prix de Chine. Impuissant au volant d’une SF90 clairement pas au niveau des Mercedes à Shanghai, le Monégasque amasse dix points supplémentaires, mais perd l’avantage sur son coéquipier Vettel au championnat pilotes.
En Australie, on l’avait (déjà) gentiment prié de ne pas attaquer son chef de file Sebastian Vettel. Soucieux de ne pas faire de vagues dès son premier Grand Prix au volant d’une machine rouge, Charles Leclerc avait obtempéré démontrant ainsi tout son sens du collectif et son respect de l’institution. Deux semaines plus tard à Bahreïn, on lui avait, de nouveau, interdit toute manœuvre de dépassement sur son quadruple champion du monde d’équipier lors d’un début de course où il avait très vite su effacer la déception d’un envol manqué pour recoller aux basques de l’Allemand. Se sentant plus rapide, à raison, que le natif d’Heppenheim, la nouvelle recrue de la Scuderia avait, cette fois, préféré jouer la sourde oreille, s’emparant avec autorité des commandes d’un Grand Prix qu’il aurait dû remporter sans une défaillance malheureuse de son système d’injection. Passé devant « Baby-Schumi » à la faveur d’un départ mieux négocié, le Monégasque a, encore, subi les affres d’une consigne d’équipe en Chine.
Sommé dans un premier temps d’accélérer son rythme pour ne pas entraver celui de Vettel, le champion 2017 de Formule 2 a, dans la foulée, été contraint de s’effacer devant l’ex-pilote Red Bull sur ordre du pit-wall Ferrari. On entre alors seulement dans le 11ème tour. La course de l’enfant prodige de la Principauté vient de basculer. Sacrifié sans véritable raison valable au profit de son glorieux coéquipier, le protégé de Nicolas Todt ne réussira jamais à enrayer le handicap d’une stratégie décalée et complément loupée. Lointain cinquième sous le drapier à damier (il termine son Grand Prix à plus de 31 secondes du vainqueur Hamilton), Leclerc peinait à masquer sa déception une fois descendu de voiture. « Cela n’a clairement pas été la course la plus simple de ma carrière, concède la révélation de la saison 2018. Comme attendu, nous n’avions pas un rythme suffisant pour nous battre avec nos adversaires aujourd’hui. On va devoir s’asseoir tous ensemble autour d’une table pour comprendre ce que l’on aurait pu mieux faire. »
Sacrifié au profit de Vettel
Piégée à l’extinction des feux par Vettel deux semaines plus tôt sous les projecteurs de Sakhir, la figure de proue de la FDA rend la monnaie de sa pièce au quadruple champion du monde à Shanghai, s’infiltrant habillement à l’intérieur de la Ferrari sœur dans l’interminable premier virage du tracé chinois. Propulsé en troisième position par son dépassement d’école, le champion 2016 de GP3 croit alors pouvoir revivre le scénario rêvé du Grand Prix de Bahreïn. Il n’en sera rien. Quelque peu distrait au moment de la relance, la direction de course neutralisant l’épreuve sous régime de voiture de sécurité virtuelle après le spectaculaire accrochage du 1er tour entre les deux McLaren et la Toro Rosso de Daniil Kvyat, Leclerc perd immédiatement le contact avec les Mercedes de Lewis Hamilton et de Valtteri Bottas, se mettant aussitôt à la merci de son voisin de garage. Invité dès le 10ème passage à hausser son rythme sous peine de devoir s’écarter devant le numéro 1 proclamé de la Scuderia, le natif de Monaco n’a même pas le temps de s’exécuter qu’une injection ferme lui arrive par radio.
« Seb (Vettel) et moi souffrions tous les deux avec les pneus, révèle l’ex-pilote Sauber. On a échangé nos positions et je pensais alors qu’il prendrait le large. Il ne l’a pas fait. Je me suis retrouvé bloqué derrière lui et cela a encore davantage aggravé mon problème de surchauffe des pneus. J’ai également perdu pas mal de temps dans l’affaire. » Frustré par une consigne dont il ne comprend ni la logique ni l’intérêt, le Monégasque tente alors d’inciter l’écurie la plus titrée de l’histoire à revoir sa position en se proclamant, à son tour, plus rapide que son équipier. Hélas pour lui, le pit-wall Ferrari ne bronche pas et doit dans la foulée parer la tentative « d’undercut » de ce diable de Max Verstappen. Vettel évoluant à ce moment-là devant Leclerc, la Scuderia arrête en premier le natif d’Heppenheim dans la 19ème boucle, repoussant de facto le pit-stop du protégé de Nicolas Todt. Incapable de soutenir le rythme de ses adversaires chaussés de gommes neuves, la nouvelle recrue de Maranello lâche près de trois secondes au tour à ses rivaux, ouvrant ainsi une voie royale au pilote Red Bull.
Une stratégie qui pose question
Appelé à son stand au 23ème tour pour monter de pneus durs, le pilote Ferrari reprend la piste avec un débours de 11,2 secondes sur Verstappen, un écart certes colossal mais à priori surmontable d’autant qu’il peut s’appuyer sur des enveloppes Pirelli accusant cinq boucles de moins au compteur que celles de l’enfant chéri du clan autrichien et qu’à l’inverse du Batave il ne devrait (en théorie) pas repasser par la case box. Autorisé par son écurie à sortir la grosse attaque, Leclerc recolle progressivement au Néerlandais, revenant même à moins de trois secondes de la Red Bull quand le team autrichien choisit de rapatrier une seconde fois le fils de Jos dans la pit-lane au 35ème passage. Débarrassé (momentanément) du Hollandais, Leclerc voit dans la foulée Vettel (36ème tour) et le duo Mercedes Hamilton-Bottas (37ème tour) plonger eux aussi dans les stands, ce qui lui permet d’émerger en deuxième position derrière la flèche d’argent du quintuple champion du monde. Une joie de courte durée.
Conscient de ne pas pouvoir s’opposer bien longtemps au retour de Bottas, le pilote Ferrari tient tête au Finlandais pendant deux boucles avant de logiquement s’incliner à l’amorce du 39ème passage, reculant à un troisième rang qu’il ne conservera que trois tours de plus, le temps pour son coéquipier Vettel d’opérer la jonction et de le gober dans l’épingle du virage 14. Éjecté du podium par « Baby-Schumi », l’enfant prodige de la Principauté compte alors près de 11 secondes de marge sur la Red Bull de Verstappen, une avance qu’il estime à juste titre suffisante pour ne pas être rejoint en fin de course. « J’espérais pouvoir aller au bout avec mon second train de pneus, confie avec amertume l’ancien membre de la FDA. Malheureusement, on a dû stopper de nouveau ce qui m’a définitivement coûté la quatrième place. » Sûr de sa force après son exploit bahreïni, Leclerc quitte la Chine des questions plein la tête et avec le désagréable sentiment de ne pas encore être traité à sa juste valeur au sein d’une écurie Ferrari totalement à côté de la plaque.
Andrea Noviello
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