Porté par un envol de rêve et une stratégie à deux arrêts, Sebastian Vettel a mis fin à l’incroyable série de victoires de son rival Lewis Hamilton à Silverstone en triomphant d’un Grand Prix de Grande-Bretagne rendu fou par une double intervention consécutive de la voiture de sécurité. Venu dans les derniers tours à bout de la résistance de Valtteri Bottas, l’Allemand de chez Ferrari remporte sur les terres de Mercedes son 51ème succès en carrière, égalant l’immense Alain Prost au palmarès.
Défait par son rival Lewis Hamilton de 44 minuscules millièmes de seconde à l’issue d’une séance qualificative acharnée et indécise jusqu’au bout, Sebastian Vettel ne laissait pas transparaître une franche déception à sa descente de voiture. Là où moult de ses congénères auraient probablement pesté de se voir ainsi souffler une potentielle pole position sur les terres de son ennemi juré qui plus est, l’Allemand affichait au contraire un léger sourire en coin. Gêné depuis la matinée au niveau du cou à la suite d’un mauvais passage sur le très bosselé tarmac flambant neuf (un comble !) de Silverstone, le pilote Ferrari avait réussi à surmonter la douleur pour qualifier sa SF-71H sur la première ligne de la grille. Une performance d’autant plus appréciable que la dernière-née des ateliers de Maranello s’est bien souvent cette saison montrée plus compétitive le dimanche en rythme de course que le samedi dans l’exercice de la vitesse pure. Conforté par cette assurance de briller dans le temple du sport automobile anglais, le quadruple champion du monde a pris un malin plaisir à déjouer les pronostics de ceux qui voyaient Hamilton triompher une cinquième fois consécutive à domicile.
De nouveau redoutable de réactivité à l’extinction des feux, « Baby-Schumi » a ensuite répété sa partition favorite en assommant le début de course avant de tranquillement gérer son avance sur la concurrence. Du moins le pensait-il jusqu’à qu’une double intervention de la voiture de sécurité ne vienne rabattre les cartes et le rétrograder au deuxième rang derrière l’autre flèche d’argent de Valtteri Bottas. Une simple péripétie pour le natif d’Heppenheim qui allait régler son compte au Finlandais à cinq tours de l’arrivée et remporter au prix d’une époustouflante prestation la 51ème victoire de sa carrière en F1, la seconde seulement à Silverstone après celle de 2009 sur l’ancienne version du mythique tracé britannique. « La voiture de sécurité a un peu épicé les choses, explique le pilote flanqué du numéro 5. J’ai réussi à surprendre Valtteri au freinage de Brooklands même si je n’étais vraiment pas certain de rester en piste dans la manœuvre. Je suis très heureux et je tiens à remercier l’équipe pour son soutien. La course a été fantastique, j’espère que le public l’a autant appréciée que moi. »
Räikkönen joue aux auto-tamponneuses
Deux semaines après avoir déjà réussi une mise en action de toute beauté au Paul-Ricard, Vettel s’élance une nouvelle fois idéalement au signal du starter, prenant d’entrée la mesure d’un Hamilton resté littéralement scotché sur son emplacement de pointe. Dépossédé également de la deuxième place par son coéquipier Bottas, l’Anglais n’est pourtant pas au bout de ses peines puisque un freinage mal négocié de Kimi Räikkönen dans Village l’envoie en toupie sur la zone de dégagement bitumée, créant un mini mouvement de panique dans le peloton dont les principales victimes se nomment Romain Grosjean, le Français ayant joué des coudes avec la Haas sœur de Kevin Magnussen dans ce même virage 3, et Sergio Perez, le Mexicain partant dans un spectaculaire tête-à-queue en bout de ligne droite des stands en tentant de résister à une attaque de la McLaren de Fernando Alonso. Recalé en dernière position par sa touchette du départ, Hamilton vient déjà de voir ses chances de conquérir un cinquième succès d’affilée à la maison s’envoler.
« C’est un incident de course, mais nous avions déjà été sortis au Castellet, regrette le patron de Mercedes Toto Wolff. Et ça se reproduit ici. On perd beaucoup de points au championnat. Comme l’a dit James Allison, soit c’est de l’incompétence, soit c’était délibéré. » Pas décidé à se laisser abattre par ce nouveau coup du sort, Hamilton entame alors une folle remontée qui va très vite le ramener au sixième rang derrière les cinq autres gros bras du plateau. Après avoir tranquillement débuter son festin par la Williams de Sergey Sirotkin (2ème tour), le quadruple champion engloutit avec tout autant de facilité Vandoorne (3ème tour), Ericsson (3ème tour), Grosjean (4ème tour), Gasly (5ème tour), Alonso (5ème tour), Magnussen (6ème tour), Sainz (7ème tour), Ocon (8ème tour), Leclerc (9ème tour) et finalement Hulkenberg (10ème tour) pour revenir à une position plus conforme aux performances de sa W09. Si l’Anglais a d’ores et déjà effacé la quasi-totalité de son handicap, il n’affiche pas pour autant une confiance outrancière, émettant même régulièrement des doutes sur le bon état de marche d’un train arrière qu’il va longtemps croire endommagé par l’impact du 1er tour.
Ericsson relance la course
Largement distancé par le leader de la course, Vettel comptant près de 27 secondes de marge sur le fer de lance de la firme à l’étoile, le natif de Stevenage doit également conjuguer avec un retard substantiel (11,3 secondes) sur la Red Bull de Daniel Ricciardo. Pourtant, les événements de cette dixième manche de la saison commencent à tourner en sa faveur à partir du 14ème passage, son bourreau Räikkönen rentrant purger sa pénalité de dix secondes et changer ses gommes tendres contre des médiums. Homme le plus rapide en piste, Hamilton continue de grignoter dixièmes après dixièmes sur « Smiling » tandis que derrière lui « Ice-Man » s’évertue à regagner le terrain perdu lors de son pit-stop. Esseulé en tête de la course, il possède plus de six secondes d’avance sur son plus proche poursuivant Bottas, Vettel exécute son changement de pneus obligatoire dans la 21ème boucle avant d’être imité un tour plus tard par le Finlandais de Mercedes. Un temps revenu en deuxième position suite à l’arrêt de son coéquipier, Hamilton passe lui aussi par la case box à l’entame du 26ème passage, retombant à une sixième place qui ne va plus rester sienne bien longtemps.
Quatorze tours après le cruel abandon de Charles Leclerc, héroïque huitième avant son arrêt le Monégasque a dû renoncer en raison d’une roue mal serrée lors de son changement de gommes, Sauber voit son autre pilote Marcus Ericsson sortir violemment de la piste dans Abbey. Piégé par un DRS resté en position ouverte, le Suédois fracasse sa C37 contre le mur de pneus, entraînant la neutralisation du Grand Prix sous régime de safety-car. Moins à l’aise lors de son relais en gommes médiums, Bottas s’est rapproché à 2,9 secondes de lui, le leader Vettel profite de l’occasion pour replonger dans la voie des stands et chausser un train de pneus tendres. N’ayant rien à gagner à rapatrier Bottas au stand, Mercedes choisit à l’inverse de maintenir sa meilleure arme à piste, quitte à prendre un sérieux risque d’usure en vue de la fin de l’épreuve. Régulièrement 1,5 seconde plus rapide au tour que le reste de la meute lors de son relais en gommes médiums, Hamilton imite le choix de son coéquipier, gagnant ainsi deux positions au profit de Red Bull elles aussi repassées par la case box.
Bottas s’écroule dans le money-time
Relancée après cinq interminables tours à allure modérée, à croire que la médiocrité des commissaires d’intervention est devenue la norme sur tous les circuits du calendrier, la course est presque aussitôt neutralisée des suites de l’accrochage entre la Haas de Romain Grosjean et la Renault de Carlos Sainz dans Copse au 39ème passage. « C’est un incident classique après une voiture de sécurité, affirme le Madrilène. J’avais une meilleure adhérence que lui avec mes pneus tendres et lorsque j’ai voulu le dépasser il m’a jeté dehors. » Le temps d’évacuer les deux monoplaces accidentées et ce dixième rendez-vous du championnat reprend finalement ses droits dans la 42ème boucle sous la conduite d’un Valtteri Bottas bien décidé à enfin l’emporter en 2018. Attaqué une première fois par Vettel dans Brooklands, le natif de Nastola oppose une fin de non-recevoir virile à l’Allemand, conservant le leadership qu’il a acquis au moment de la première neutralisation.
Parti en tête-à-queue dans le virage 16 en raison d’une défaillance de ses freins, Verstappen renonce dans la 47ème boucle, abandonnant à Vettel et Räikkönen la charge d’animer cette fin de Grand Prix. Sévèrement bloqué par le coriace Bottas à deux reprises, le natif d’Heppeheim s’y emploie avec force, réussissant finalement à faire sauter le bouchon finlandais au prix d’une manœuvre de dépassement somptueuse dans Brooklands. Cette fois la messe est dite. Si Hamilton parvient, lui aussi, à se jouer de Bottas une boucle plus tard au même endroit, jamais l’Anglais ne pourra venir menacer un Vettel tout simplement magistral à Silverstone. Trahi par des gommes définitivement mises hors service lors de sa résistance acharnée face à Vettel, Bottas perd même une autre place au profit de son compatriote Räikkönen au 49ème passage, chutant à une douloureuse quatrième place qui aurait également pu se transformer en cinquième position si Ricciardo avait bénéficier de quelques tours supplémentaires. Les positions définitivement figées à l’avant, seul Alonso viendra bouleverser la hiérarchie dans la toute dernière boucle en venant à bout de Magnussen pour le gain de la huitième place.
Andrea Noviello
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